Les investisseurs doivent pouvoir compter sur de l’information de qualité pour prendre des décisions d’investissement éclairées dans un contexte où l’offre de produits « verts » est en croissance.
C’est ce qu’a indiqué Louis Morisset, président-directeur général (PDG) de l’Autorité des marchés financiers (AMF) lors du 17e Rendez-vous de l’AMF, à Montréal, le 22 novembre 2022.
« Il existe aujourd’hui une foule d’expressions, de définitions et de stratégies relatives aux facteurs environnementaux sociaux et de gouvernance (ESG) qui semblent conçues pour répondre à des besoins différents. Cette situation peut toutefois engendrer une compréhension erronée de la part d’investisseurs et limite la comparabilité de la performance financière entre les produits », a-t-il fait valoir.
Dans ce contexte, « le risque d’écoblanchiment est un enjeu que nous surveillons de plus en plus près », a-t-il souligné.
Rappelons que le nombre de fonds de type ESG est en croissance en termes de nombre et d’actif géré. Par exemple, dans le secteur canadien des fonds négociés en Bourse (FNB), on est passé de 40 FNB ESG à la fin de 2020, représentant 0,95 % de l’actif géré en FNB inscrits au Canada, à 132 fonds du genre qui représentaient 2,86 % de l’actif au 18 novembre dernier, selon Valeurs mobilières TD.
Évidemment, l’industrie financière a un devoir de se conformer aux nouvelles exigences en matière de divulgation d’investissement ESG en provenance des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), publiées en janvier dernier.
« Il est primordial pour nous d’en arriver à façonner un règlement qui cerne bien les besoins des marchés de capitaux canadiens, et reflète la réalité des émetteurs d’ici, tout en tenant compte du consensus international et des attentes des investisseurs quant à l’obtention d’une information complète, uniforme et comparable sur les risques et occasions climatiques », a indiqué Louis Morisset.
Le dirigeant a souligné que l’AMF travaille depuis octobre 2021 en ce sens. Par exemple, « pour permettre aux investisseurs d’avoir accès à de l’information complète, uniforme et comparable en ce qui a trait notamment au climat, nous avons travaillé avec nos partenaires des ACVM pour développer un encadrement relatif à la divulgation d’information liée aux risques et occasions climatiques. »
« Le projet de règlement que nous avons soumis à la consultation est substantiellement aligné aux recommandations émises en 2017 par le TCFD, le Task Force on Climate related financial disclosures, qui se sont rapidement imposées comme un standard d’importance à l’échelle internationale », a précisé Louis Morisset.
La divulgation est également importante car elle permet d’élever le jeu des entreprises et de faire qu’elles embrassent la transition climatique, a souligné Éric Girard, ministre des Finances du Québec. « J’aimerais que la divulgation des risques climatiques amène les institutions financières dans une course où elles seront plus transparentes. Il sera ainsi plus facile d’avoir l’heure juste quant à la valeur ajoutée d’une entreprise privée et quant à sa contribution au réchauffement climatiques et cela les incitera à en faire plus », a indiqué Éric Girard.
Selon lui, la transparence peut créer un cercle vertueux, comme ça a été le cas à la suite de la crise financière de 2007-2008. « À la suite de la crise financière, le groupe de stabilité financière du G20 a obligé les institutions financières à divulguer leur position de liquidité et de capital de manière beaucoup plus transparente. Aujourd’hui, on peut mesurer ces informations avec plus de précision. Cette transparence a obligé les institutions financières à avoir plus de liquidité et de capital, donc plus de stabilité financière », a comparé Éric Girard.
Diversité importante, mais…
Par ailleurs, depuis maintenant huit ans, les ACVM exigent, que les émetteurs non émergents mettent en lumière la représentation des femmes au sein de leur conseil d’administration, et de leur équipe de haute direction.
« Cet éclairage spécifique que nous avons requis a permis de mieux outiller les investisseurs dans leur prise de décisions d’investissement et dans l’exercice de leurs droits de vote et, indirectement, à favoriser la nomination de plus de femmes au sein des organes décisionnels des émetteurs », a fait valoir Louis Morisset.
Selon le dirigeant, la diversité favorise l’expression de perspectives et de points de vue différents. Elle contribue à gérer le risque de développer une « pensée de groupe », ce qui peut s’avérer nuisible, voire fatal pour certaines entreprises, comme les cas d’Enron et de WorldCom.
Cependant, l’AMF semble avoir une approche encore indéfinie par rapport à la diversité. « Nous ne croyons pas, par ailleurs, que ce soit notre rôle comme régulateur d’agir pour trancher des questions sociétales, comme celle de la sous-représentation de certains groupes désignés. Nous ne croyons pas non plus qu’une question aussi importante que celle de la diversité devrait être réduite à un simple exercice de conformité », a souligné le dirigeant.
Selon son organisation, la politique réglementaire en matière de diversité devrait s’appuyer sur la légitimité, la crédibilité, et la responsabilisation des conseils d’administration.
« L’encadrement réglementaire devrait servir, à notre avis, à jeter un éclairage sur la profondeur de la réflexion des administrateurs et des dirigeants, et l’efficacité de la stratégie qu’ils décident d’adopter et de mettre en œuvre, en matière de diversité. Et, en fonction du contexte, également des valeurs et des aspirations qui sont propres à leur organisation », a déclaré Louis Morisset.
Diverses perspectives s’expriment sur l’approche à privilégier, tant au sein des ACVM que des parties prenantes. « Nous compterons donc sur une consultation au cours du premier semestre l’an prochain pour tenter de faire émerger un consensus. Je vous invite d’ailleurs d’avance à y réfléchir, et à y participer », a invité Louis Morisset, aux divers membres de l’industrie financière réunis pour l’occasion.
Louis Morisset a en outre souligné que les clients sont plus réceptifs aux messages d’éducation financière lorsqu’ils sont déjà engagés dans une démarche d’achat. « Je vous encourage donc à toujours tenter d’intégrer davantage d’éléments de littératie dans vos communications avec vos clients, spécialement les plus jeunes », a-t-il indiqué au parterre de gens de l’industrie financière.