Les militants environnementaux comptent de plus en plus sur les actionnaires pour convaincre les grandes banques à lutter contre les changements climatiques.
Par exemple: Na’Moks, chef héréditaire de la nation Wet’suwet’en, se rendra à Saskatoon à l’assemblée de la Banque Royale du Canada (BRC) pour encourager les actionnaires à appuyer une résolution relative au respect des droits des Autochtones.
« Dave McKay, c’est le pdg. Il doit écouter les gens qui font affaire avec lui », lance-t-il.
La résolution qu’il défend est présentée par le Syndicat des employés généraux de la Colombie-Britannique avec le soutien de l’Union des chefs autochtones de la Colombie-Britannique.
« [Les assemblées] sont des outils importants pour les investisseurs qui souhaitent canaliser le changement, souligne la directrice générale de la Coalition canadienne de la bonne gouvernance, Catherine McCall. Ils peuvent alors présenter des sujets importants à la direction et au conseil d’administration et leur expliquer en quoi ils sont importants pour les investisseurs. »
Une première résolution relative au climat a été présentée par un actionnaire de la Banque Royale en 2018. Cinq ans plus tard, cinq propositions sont à l’ordre du jour de sa prochaine assemblée. On en compte trois à celle de la Banque Toronto Dominion, deux à la Banque Scotia, une à la Banque de Montréal, une à la Banque Canadienne Impériale et une à la Banque Nationale du Canada.
Les militants environnementaux comptent de plus en plus sur les banques à titre d’intermédiaires dans la lutte aux changements climatiques.
« Elles investissent partout, elles prêtent de l’argent partout, mentionne Jennifer Story, directrice associée à l’Association des actionnaires pour la recherche et l’éducation (Share). Elles ont donc une capacité phénoménale pour accélérer les changements si elles décident de mettre leur poids dans la balance. »
Share, au nom de ses clients institutionnels, présentera une résolution à l’assemblée des actionnaires de la Banque Scotia, le 4 avril, demandant à la direction « de publier un rapport dans lequel seront exprimées ses attentes envers les plans de transition vers la carboneutralité de ses clients qui sont de grands émetteurs de GES ».
Dans une circulaire, la direction de Scotia a recommandé le rejet de cette proposition. « Les informations supplémentaires demandées sont exagérément onéreuses et contraignantes et ne respectent pas les pratiques du secteur », déclare-t-elle. Elle est également surprise par la proposition, « qui a été présentée alors qu’un dialogue était en cours ».
Jennifer Story souligne que la décision d’amener le sujet à l’assemblée des actionnaires a été prise parce que les discussions piétinaient.
« Le dialogue a été rompu. Nous sommes déçus par l’absence de progrès au cours de la dernière année. Nous avons décidé que c’était la meilleure voie à suivre. »
Ceux qui présentent de telles résolutions sont conscients qu’elles ne sont pas contraignantes, mais elles leur permettent de lancer un débat avec les autres actionnaires. C’est une façon de communiquer et de créer un dialogue sur ces enjeux.
« Il y a un effet d’entraînement au cours de l’année qui suit les assemblées. Ce n’est pas un point final », souligne Matt Price, directeur chez Investors for Paris Compliance, un groupe qui présente une résolution à l’assemblée de la Toronto-Dominion demandant à la banque « de divulguer un plan de transition qui décrit la façon dont elle entend rapprocher ses activités de financement et ses cibles de réduction des émissions sectorielles pour 2030 ».
Ces propositions donnent aussi le choix aux actionnaires importants de prendre position
« Les résolutions visent à envoyer un message à la direction », souligne Richard Brooks de Stand.earth. Le groupe présente une résolution demandant à la Banque Royale d’adopter une politique prévoyant une élimination progressive à échéance déterminée des activités de prêt et de souscription visant des projets et des entreprises engagés dans de nouvelles activités d’exploration, de mise en valeur et de transport de combustibles fossiles.
Le message est de plus en plus fort, car il rejoint les plus grands actionnaires, ajoute Richard Brooks.
Sans surprise, la direction de la Banque Royale recommande le rejet de cette proposition. Elle dit « préférer aider ses clients dans le cadre de leur transition énergétique […] ce qui exige collaboration et engagement de la part de toutes les parties ».
« C’est pourquoi l’objectif de RBC d’atteindre la carboneutralité au sein de nos activités de prêt d’ici 2050 vise à créer un équilibre entre les besoins des gens et de la planète. »
Na’Moks n’est pas impressionné par la défense présentée par la Banque Royale.
« Cela me dérange de lire dans sa circulaire qu’elle va faire ceci, cela d’ici 2050. Sait-elle les dégâts qui se produiront sur la planète d’ici 2050 si on continue de la même façon? Il faut que les changements s’amorcent maintenant. Nous avons eu des décennies pour nous préparer et nous assurer de ne pas vivre cette crise climatique. Mais seul l’argent comptait et on n’a rien changé. »