Mary Hagerman, gestionnaire de portefeuille et conseillère en placement chez Raymond James, à Montréal, a fait sa marque entre autres comme pionnière de l’utilisation des fonds négociés en Bourse (FNB). Guidée par ses convictions, elle a été l’une des premières femmes à créer des portefeuilles discrétionnaires de FNB pour ses clients. Son parcours en témoigne, elle n’a jamais hésité à briser les plafonds de verre.
Adepte du karaté Shotokan, Mary Hagerman est ceinture noire 3e dan. Elle a participé jusqu’à récemment à des tournois régionaux, remportant des médailles dans les catégories kumite et kata. Elle intègre les enseignements du karaté dans tous les aspects de sa vie, qu’ils soient professionnels ou personnels.
« Sans le sens de l’autodiscipline que m’a apporté la pratique du karaté – j’ai commencé alors que j’étais dans ma trentaine –, je n’aurais jamais réussi à obtenir tout ce que j’ai : un mariage solide, des relations saines avec mes trois merveilleux enfants, l’aisance matérielle et une profession dans le conseil en placement couronnée de succès reposant sur trente ans de relations étroites avec mes clients », a écrit Mary Hagerman dans son ouvrage L’investisseur Ceinture noire – Un guide inspiré des arts martiaux pour se sentir riche et bien dans sa peau !, publié en anglais et en français par Lionscrest Publishing en 2017.
L’ouvrage évoque ses apprentissages en gestion financière. Ils lui ont permis d’approfondir sa « compréhension de ce que la prospérité signifie vraiment », explique-t-elle. Chacun des chapitres du livre est présenté dans la couleur d’une ceinture différente et illustre le progrès que doit faire un investisseur pour atteindre une saine relation avec l’argent.
L’approche en investissement du Groupe Mary Hagerman est guidée par la philosophie de son livre. Elle intègre par exemple des principes propres au mouvement du mieux-être dans son approche auprès de ses clients afin d’atténuer leur anxiété financière.
Selon elle, les gens ne peuvent être totalement heureux s’ils ont une relation malsaine avec leurs finances, ce qui est souvent le cas, déplore Mary Hagerman. « Je parle à mes clients de l’importance de faire des exercices de pleine conscience pour arriver à savoir ce qui les rend réellement heureux. On travaille à faire fructifier de l’argent, créer un plan financier, mais pour faire quoi en fin de compte ? »
« Si on n’aide pas le client à travailler sur ses émotions face à l’argent, on ne va pas réellement l’aider à atteindre le bonheur financier », dit-elle.
Cette approche a gagné des adeptes ces dernières années, surtout lorsque la pandémie a frappé, affirme Mary Hagerman. « Il y a eu une prise de conscience de l’importance d’avoir une bonne résilience mentale, et des outils pour la développer. C’est un besoin non seulement pour les clients, mais pour les gestionnaires également. » Elle cite en exemple CFA Montréal, qui a offert des séances de méditation à ses membres à ce moment-là. Mary Hagerman, qui s’intéresse à la méditation depuis plus de 40 ans, a également développé différents webinaires évoquant le mieux-être au cours de la pandémie, en plus d’animer le balado The Prosperous and Happy Life, qui promeut ces préceptes.
Amoureuse du Québec
Mary Hagerman a mené sa carrière en misant sur ses convictions, malgré les difficultés rencontrées. Chez Raymond James depuis novembre 2019, après avoir passé près de 20 ans à Valeurs mobilières Desjardins, elle travaille aujourd’hui avec une soixantaine de ménages ayant chacun en moyenne environ 2 M$ en actif.
Le parcours de cette native de l’Ontario n’a rien de banal. D’autant qu’elle ne se destinait pas à devenir conseillère, et encore moins à l’être au Québec.
« Je suis tombée en amour avec le Québec à l’adolescence, en suivant un cours d’été pour apprendre le français », raconte Mary Hagerman. Puis, en 1978, alors qu’elle étudie à l’Université Queen’s, à Kingston, en Ontario, elle a l’occasion de poursuivre une partie de ses études dans la Belle Province, ce qui la mène à l ’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).
Son expérience l’enchante. Au point où elle prolonge son séjour et termine ses études de baccalauréat à Chicoutimi, puis fait ensuite un MBA à l’UQAC. Installée dans la région, Mary Hagerman commence à travailler en communications, gagne bien sa vie et s’intéresse bientôt à la Bourse. « Je faisais affaire avec Lévesque, Beaubien, à Chicoutimi, et le directeur de la succursale est devenu un ami. C’est lui qui m’a incitée à faire mon cours en commerce des valeurs mobilières, même si je ne souhaitais pas travailler dans ce domaine. »
Mary Hagerman gagnait alors sa vie dans le milieu de l’information, notamment pour CBC, ce qui l’amène à déménager à Québec, puis à Montréal. « Un jour, je me suis dit : “ Tu peux écrire sur les gens qui font les nouvelles ou tu peux faire les nouvelles toi-même en faisant ton travail. ” je me suis lancée dans le secteur financier. »
Elle se joint à la Laurentienne au milieu des années 1980 alors que l’institution vient de créer le Carrefour financier, dans la foulée du décloisonnement de la distribution des services financiers effectué par le gouvernement du Québec en 1983-1984. Le Carrefour financier, situé au centre-ville de Montréal, est formé de succursales et bureaux de plusieurs institutions membres du Groupe La Laurentienne. « Il s’agissait du premier carrefour financier au Canada et l’objectif était d’y regrouper toutes les disciplines dont les investisseurs avaient besoin, par exemple les assurances, les fonds d’investissement et les valeurs mobilières », relate Mary Hagerman.
Elle y exerce quelques années comme planificatrice financière, avant de se joindre à un courtier indépendant pour y travailler à son compte. Mary Hagerman obt ient le titre de Pl. Fin de l ’ Institut québécois de planification financière en 1997. En 2001, Desjardins lui propose la direction d’une nouvelle succursale au Complexe Desjardins.
Mary Hagerman accepte et concilie les rôles de directrice et conseillère en placement jusqu’en 2007. Elle se joint au premier carrefour financier du Mouvement Desjardins, qui ouvre alors ses portes. À l’image de celui mis en place par la Laurentienne une décennie plus tôt, l’institution se présente comme un guichet unique de services aux particuliers réunissant des planificateurs financiers, des représentants en assurance de personnes et des conseillers en placement.
Puis survient la crise économique de 2008. « Ce fut l’événement qui a changé ma façon de pratiquer », lance Mary Hagerman. « Comme la majorité des conseillers et des clients, j’ai constaté que presque tous les gestionnaires actifs ne faisaient guère mieux que la performance des indices. boursiers ».
Tournants importants
Ce constat l’a incitée à adopter une stratégie basée sur des fonds indiciels. « L’utilisation des FNB était mieux en fin de compte que bien des solutions de gestion active. Pourquoi payer des frais supplémentaires quand il était possible d’utiliser des indices et se retrouver, bien souvent, dans le premier quartile ? »
Mary Hagerman entreprend alors les démarches pour devenir gestionnaire de portefeuille. Elle développe des modèles de portefeuilles basés sur les FNB. Elle engage une personne pour l’aider à les implanter auprès de sa clientèle. Dans la foulée, elle convertit son modèle de gestion et passe à une tarification à honoraires.
Quatre modèles de portefeuilles ont ainsi été construits, soit conservateur, équilibré, croissance et croissance dynamique, chacun étant associé à un indice de référence créé selon la répartition d’actifs de plusieurs grands fonds communs de placement. Chaque portefeuille contient « des placements de base et des placements satellites pour la répartition des catégories d’actifs et la répartition géographique », explique Mary Hagerman dans un billet publié par Finance et Investissement.
« Dans chacun de mes portefeuilles, les placements de base en actions sont une combinaison de FNB qui correspond à l’indice composé S&P/TSX pour les actions canadiennes, à l’indice S&P 500 pour les actions américaines et à l’indice MSCI EAEO pour les actions internationales. En ce qui concerne le revenu fixe, les placements de base en FNB reproduisent l’indice obligataire universel FTSE TMX Canada », précise-t-elle.
« Je fête en 2023 mes 10 ans de portefeuilles en gestion discrétionnaire », se réjouit Mary Hagerman. Elle signale que l’ensemble ou la majorité des actifs de 95 % de ses clients sont investis dans ses portefeuilles en gestion discrétionnaire.
Mary Hagerman est nommée « Canadian ETF Champion » en 2019 par Wealth Management Professional, et elle en est fière. Malgré cela, elle n’hésite pas à désigner la période où elle est devenue gestionnaire de portefeuille comme «un moment très décourageant et humiliant ».
Sa première tentative pour devenir gestionnaire de portefeuille au sein de sa firme lui a été refusée. « On m’a dit : “ Tu es une bonne Pl. Fin, peut-être devrais-tu travailler avec quelqu’un d’autre, un homme, qui ferait la gestion, alors que tu pourrais faire du développement. ” C’est une option que j’avais explorée, mais je voulais être la gestionnaire de mes propres portefeuilles. Alors, je suis revenue à la charge et cette fois, on m’a dit : “ OK, on va te laisser gérer des portefeuilles, mais tu seras en probation pendant un an ”, ce qui est une chose qui ne se fait plus. »
Cette période aurait pu la décourager, mais l’a plutôt fâchée. « Ça a failli me coûter ma carrière de gestionnaire de portefeuille. Ça m’a piquée et aujourd’hui ça fait partie du message que je transmets aux femmes qui veulent entrer dans l’industrie. Il faut persévérer et être forte, être prête à tenir tête aux gens et nourrir ses convictions », lance-t-elle.
Ce sont d’ailleurs ses convictions qui l’ont conduite à changer de firme en 2019. « Je désirais notamment développer des outils sur la gestion des émotions pour nos clients et je savais que j’allais faire face à une autre période de confrontation », dit-elle.
Mary Hagerman déplore par ailleurs que le nombre de femmes agissant à titre de gestionnaire de portefeuilles, qu’elle évalue à moins de 20 %, soit toujours aussi faible aujourd’hui que lorsqu’elle a obtenu ce titre.
Selon elle, soit les femmes hésitent à s’engager dans cette voie parce qu’elles sont intimidées par ce scénario s’améliorera avec le temps si elle demeure sur le marché du travail.
Mary Hagerman croit néanmoins que « les firmes sont en voie de reconnaître que le pouvoir financier des femmes est sur le point d’exploser et que dans quelques années, elles vont avoir beaucoup d’argent et vont être une force importante dans le monde du placement ».
D’après elle, les firmes développeront des façons de permettre aux conseillères de gravir les échelons à l’intérieur des organisations pour qu’il y en ait davantage en mesure de servir ces clientes.
Mary Hagerman, qui épaule régulièrement des stagiaires, prêche d’ailleurs par l’exemple. « Je leur décris comment j’ai du plaisir à faire mon travail, que nous avons un potentiel illimité pour rêver, créer des choses et se réaliser à travers notre travail. J’évoque les conversations fascinantes que nous tenons sur les marchés, le monde, la politique, la géopolitique, qui rendent chaque journée intéressante et nous permettent de voyager à travers le monde. »