Le 15 juin prochain, la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke soulignera ses 20 ans, de même que les 50 ans de la maîtrise en fiscalité. Au programme, une journée de réflexion consacrée aux finances publiques et des discussions sur l’évolution de la fiscalité.
Aux origines
Si les deux événements sont célébrés conjointement, c’est parce qu’il y a un lien entre les deux, explique Luc Godbout, titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP) depuis 2015, et professeur titulaire au Département de fiscalité à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke.
« La maîtrise en fiscalité a été créée en 1973 pour être multidisciplinaire, c’est-à-dire pour des étudiants en droit, en économie, en comptabilité et en planification, etc. C’est un peu dans cette optique-là que, 30 ans plus tard, on s’est demandé si on ne pouvait pas faire la même chose en recherche, de manière multidisciplinaire. »
À la fois témoin et acteur privilégié, Luc Godbout était membre du comité qui a esquissé l’idée et fait la promotion d’une chaire de recherche en fiscalité et finances publiques.
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La CFFP sera finalement créée en 2003, grâce à une subvention initiale du gouvernement du Québec qui a été accordée par la ministre des Finances d’alors, Pauline Marois. Elle sera d’ailleurs l’une des invités à la journée réflexion du 15 juin, qui se tiendra au Campus de Longueuil de l’Université de Sherbrooke.
Une double mission
L’idée à la base de la chaire de recherche était de créer « un groupe indépendant et non partisan », se consacrant à l’analyse des enjeux relatifs aux finances publiques et à la fiscalité, mais également à la vulgarisation des connaissances.
« On l’oublie trop souvent, mais l’un des volets importants de la Chaire est de vulgariser les enjeux socio-économiques ou même la fiscalité qui est très complexe », souligne Luc Godbout, qui est aussi le chercheur principal de la CFFP depuis ses débuts.
Une contribution importante
Aujourd’hui, les divers travaux de la Chaire, qui dépassent le millier depuis sa fondation, jouissent d’une grande crédibilité dans les secteurs privés et gouvernementaux, et même du grand public. Outre des articles de revue, des bulletins de veille, des livres ou chapitres de livres, des cahiers et notes de recherche et des rapports à des organismes, la Chaire organise aussi des événements, crée et met à jour des outils et des ressources, en plus de prendre part à des conférences et à des consultations publiques.
Si les exemples de contribution sont nombreux, Luc Godbout cite, en matière de recherche, l’étude sur la soutenabilité budgétaire à long terme des finances publiques du gouvernement du Québec.
Cet exercice entrepris une première fois en 2007, puis répété en 2014, en 2018, en 2021 et, bientôt en 2023, vise à répondre à cette question : le gouvernement du Québec pourra-t-il offrir aux générations futures, avec un niveau de fiscalité et un niveau d’endettement comparables, les mêmes services publics qu’aujourd’hui ?
« C’est fort probable que dans 20 ans, nos projections ne se réaliseront pas, car à chaque année, le ministre des Finances présente un budget et fait des ajustements, mais c’est bon de les présenter pour voir l’ampleur du défi qui nous attend si on ne faisait rien. »
En matière de vulgarisation, un livre publié en 2008 et mis à jour dans sa version numérique environ tous les deux ans, Le Québec, un paradis pour les familles ?, se démarque.
C’est dans l’idée d’aider les gens, y compris les politiciens, à estimer la valeur du soutien financier accordé par l’État, tant au fédéral qu’au provincial, aux familles québécoises en 2008 que cet ouvrage a été écrit. Celui-ci montrait, chiffres à l’appui, que les mesures fiscales, associées aux autres aides accordées aux familles, étaient particulièrement avantageuses.
Quelques anecdotes amusantes sont rattachées à ce livre. Par exemple, un ou deux ans après sa parution, la Régie des rentes du Québec, aujourd’hui Retraite Québec, qui gère les allocations familiales, a envoyé un document aux parents en reprenant le titre, mais sans point d’interrogation, pour souligner tout ce que le gouvernement fait pour eux. Plus récemment, en mars 2023, dans un grand quotidien, l’ex-ministre de la Santé Gaétan Barrette, interrogé sur ses lectures, a mentionné que l’ouvrage traînait sur sa table de chevet.
Un outil prisé par l’industrie
Le rayonnement de la Chaire s’étend aussi à l’industrie.
Par exemple, Le Guide des mesures fiscales, qui résume les principales mesures fiscales visant les particuliers, tant au provincial qu’au fédéral, figure parmi les ressources sélectionnées par l’Ordre des CPA du Québec pour ses membres, ainsi que par d’autres organisations.
« Ce guide est à la fois utile pour le simple citoyen, mais aussi pour le praticien d’expérience pour l’aiguiller. C’est l’outil le plus utilisé sur le site, avec un demi-million de clics par année. »
Un impact auprès des décideurs publics
Par ses travaux, la chaire peut également avoir un impact, à l’occasion, sur la fiscalité et les politiques publiques.
Luc Godbout rappelle ainsi qu’en 2004, la chaire a mené une étude sur la déclaration de revenus simplifiée pour les particuliers du Québec.
« Nous l’avions critiquée, en disant qu’elle était trop complexe et qu’elle devrait être abolie. Finalement, elle a été abolie. Elle l’aurait probablement été sans notre étude, mais en montrant toutes les incohérences, je pense qu’on a pu avoir une certaine influence. »
Par ailleurs, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et de vieillissement de la population, la Chaire produit de nombreux travaux sur l’incitation au travail des aînés.
Ainsi, en février 2023, dans le cadre de la consultation publique sur le Régime des rentes du Québec (RRQ), la CFFP a déposé un mémoire dans lequel elle préconise, entre autres, le report de l’âge maximal pour recevoir sa retraite de 70 à 75 ans. Le gouvernement a finalement tranché pour l’âge maximal de 72 ans, « ce qui est un premier pas dans la bonne direction, estime Luc Godbout.
Dans son mémoire, la Chaire appuie aussi l’idée de rendre facultatif le versement des cotisations au RRQ à compter de 65 ans, que la personne ait demandée sa rente ou non. Le gouvernement a finalement décidé que ce serait le cas uniquement pour les personnes qui ont demandé leur rente.
« On ne dit pas que ce n’est pas une bonne idée de cotiser, mais si vous voulez cesser de le faire, ça devrait être possible passer 65 ans, pour qu’il y ait de la souplesse pour les travailleurs plus âgés », précise-t-il.
Et pour la suite ?
En terminant, que souhaite le titulaire de la Chaire pour les vingt prochaines années ?
« C’est un privilège, mais on veut continuer à être la référence dans l’analyse des politiques et des finances publiques québécoises, avec la même rigueur et les ressources nécessaires pour avoir cette belle équipe aussi. Maintenant qu’on en a accompli autant en 20 ans, qu’est-ce qu’on fait pour continuer d’être diversifié et pertinent ? C’est le défi qu’on se donne. »