La roulette d'un coffre.
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La Banque Nationale n’ouvrira plus de nouveaux coffrets de sûreté, qui permettent de conserver en succursale des articles de valeur ou des documents importants. Elle devient la première grande banque canadienne à faire une croix sur ce service.

La Nationale n’offre plus ce service depuis le 1er novembre, a appris La Presse Canadienne. La décision survient tandis que l’institution financière montréalaise a constaté une baisse de la popularité des coffrets, confirme sa porte-parole, Stéphanie Rousseau. « Cela dit, les clients qui détenaient déjà des coffrets avant cette date pourront les conserver », précise-t-elle.

La Banque Nationale est la première grande banque canadienne à délaisser les coffrets de sûreté. Les cinq autres banques canadiennes et le Mouvement Desjardins ont confirmé qu’ils offraient toujours ce service et qu’ils n’avaient pas l’intention d’imiter leur concurrente pour le moment. Certaines institutions ont précisé que des coffrets de sûreté ne sont pas nécessairement disponibles dans toutes leurs succursales.

Les revenus générés par les coffrets de sûreté « ne sont pas énormes » pour une banque, souligne la doyenne de l’École de gestion Williams à l’Université Bishop’s, Reena Atanasiadis, en entrevue. « Si on multiplie par le nombre de boîtes disponibles en succursale, les revenus annuels ne sont pas substantiels. »

À la Banque Nationale, les frais annuels d’un coffret de sûreté existant varient de 60 $ à 300 $, selon la taille.

Ces modestes revenus sont toutefois accompagnés d’importants risques. « On peut se faire voler, il peut y avoir des dommages liés à une inondation ou quoi que ce soit », évoque Reena Atanasiadis.

En 2012, une succursale de la Banque Nationale à Saint-Eustache dans la couronne nord de Montréal a fait l’objet d’un cambriolage qui a touché 53 coffrets de sûreté. L’histoire avait fait surface dans les médias.

En théorie, il revient aux particuliers d’assurer le contenu de leur coffret, mais la banque s’expose tout de même à un risque réputationnel. « S’il y a 1000 clients qui se plaignent, il y a des paiements qui vont être faits et c’est difficile de savoir ce qu’il y a dans la boîte (après les faits). »

Un changement de modèle

La décision de la Banque Nationale n’est pas surprenante, car les activités des banques sont de plus en plus dématérialisées, souligne Claire Célérier, professeure en finance à l’École de gestion Rotman de l’Université de Toronto.

Avec la numérisation des services bancaires, la protection des actifs physiques joue un rôle moins important en succursale, où l’on trouve d’ailleurs moins de billets. « Ça ne correspond plus au cœur de métier des banques. Ça devient plus coûteux pour elles d’avoir une activité qui ne correspond pas à leur cœur de métier. »

D’autres services de sécurité se sont aussi imposés comme solution de rechange. Claire Célérier donne l’exemple des systèmes d’alarme connectés et les coffres à domicile. « La sécurité, aujourd’hui, ce n’est plus un service qui est offert uniquement par les banques, mais par toutes sortes d’autres entreprises. »

Au Québec, où la Banque Nationale exerce la majorité de ses activités, les obligations réglementaires liées aux coffrets de sûreté pourraient aussi représenter un fardeau administratif pour les institutions financières, avance le notaire Marc Legault, associé au cabinet Novallier à Saint-Bruno.

« Depuis 2016, ça prend un procès-verbal d’ouverture qui est rédigé par un notaire ou un huissier (après le décès du locataire). Je pense que ça a complexifié la vie des institutions financières qui avaient des coffrets de sûreté. »

Les coffrets de sûreté peuvent toujours avoir une utilité pour certains épargnants, mais Marc Legault constate, lui aussi, que la numérisation des actifs financiers et des documents importants réduit leur attrait.

Le notaire croit aussi que ce virage vers la numérisation s’imposera également à sa profession et que les documents légaux importants seront éventuellement conservés virtuellement. « C’est déjà commencé. Au début de la pandémie, on a commencé à signer virtuellement à distance des contrats, mais ça se raffine. »

Au Royaume-Uni, de grandes institutions financières, comme Barclays, ont délaissé les coffrets de sûreté depuis près d’une décennie. La tendance a gagné les États-Unis où d’autres institutions ont fait de même. C’est le cas notamment de JPMorgan Chase, qui a pris cette décision il y a un an.

Il est probable que d’autres institutions canadiennes emboîtent le pas, juge Claire Célérier. Cela ne veut pas dire qu’elles voudront nécessairement toutes imiter la Nationale. « Il y a toujours des banques qui le garderont parce qu’il y a peut-être une clientèle très spécifique qui compte encore sur la banque pour protéger des objets de grande valeur. »