Les signes de ralentissement économique se multiplient, et les banques canadiennes pourraient en apporter la preuve la semaine prochaine.
Les six grandes banques doivent publier leurs résultats du quatrième trimestre, qui, selon les analystes, devraient faire apparaître une baisse des bénéfices, une augmentation des sommes mises de côté pour couvrir les créances douteuses et des signes d’une augmentation de la pression sur les prêts hypothécaires.
Ces résultats interviennent alors que la croissance économique s’est pratiquement arrêtée au cours des derniers mois, le moteur ayant calé après que la Banque du Canada ait relevé son taux directeur à 5 %.
L’augmentation des coûts d’emprunt et la prudence accrue des banques se traduisent par un ralentissement notable de la croissance des prêts.
« La tendance principale dans le secteur bancaire actuellement est vraiment la diminution des prêts sur le marché canadien », a déclaré Shilpa Mishra, directrice générale des services de conseil en capital de BDO.
Le rythme de croissance des prêts au troisième trimestre était environ la moitié de ce qu’il était il y a un an, alors qu’il était en légère baisse par rapport au trimestre précédent, a-t-elle noté.
Non seulement les banques ralentissent le rythme des nouveaux prêts, mais elles mettent de côté davantage d’argent pour des prêts qui pourraient devenir mauvais ou qui le sont déjà, car les taux d’intérêt plus élevés augmentent la pression sur les emprunteurs. Cela aura une grande influence sur les bénéfices.
« Nous prévoyons des résultats mitigés de la part des banques canadiennes dans un environnement de plus en plus incertain, a dit Shilpa Mishra. Cela sera principalement dû à la provision pour pertes de crédit. »
Les analystes de RBC Machés des capitaux prévoient que le total des provisions pour pertes sur créances dans le secteur augmentera de 13 % par rapport au trimestre précédent, pour atteindre 3,3 milliards de dollars (G$), parce que l’environnement macroéconomique s’est détérioré.
Les sommes mises de côté expliquent en grande partie pourquoi Meny Grauman, analyste à la Banque Scotia, s’attend à ce que le bénéfice par action baisse de 3 % par rapport au trimestre précédent et de 7 % par rapport à l’année dernière.
« Au cours du dernier trimestre, nous avons assisté à une nette détérioration d’une série d’indicateurs macroéconomiques canadiens, notamment le PIB et l’emploi », a déclaré Meny Grauman dans un rapport.
Le chômage a augmenté de 0,2 point de pourcentage pour atteindre 5,7 % en octobre, ce qui représente la quatrième hausse mensuelle, tandis que la croissance du PIB en août est restée pratiquement inchangée et que l’estimation rapide pour septembre est également restée inchangée, selon Statistique Canada.
Des signes de ralentissement sont visibles dans d’autres secteurs clés comme l’immobilier, où les ventes de maisons en octobre ont baissé de 5,6 % par rapport aux ventes de septembre, qui ont baissé de 1,9 % par rapport à août, selon l’Association canadienne de l’immeuble.
« L’économie ralentit maintenant, la croissance du produit intérieur brut étant proche de zéro depuis plusieurs mois », a déclaré la semaine dernière le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem.
Il a également noté que le taux d’inflation est passé de 8,1 % en juin 2022 à 3,1 % le mois dernier.
« Ce resserrement de la politique monétaire fonctionne, et les taux d’intérêt pourraient maintenant être suffisamment restrictifs pour nous ramener à la stabilité des prix », a-t-il dit.
Meny Grauman a indiqué que le marché obligataire prévoyait une baisse des taux de la Banque du Canada au deuxième trimestre de l’année prochaine, et de la Réserve fédérale américaine un trimestre plus tôt, mais il pense que c’est optimiste.
« Nous restons sceptiques quant au fait que les banques centrales seront en mesure d’assouplir leur politique à la fin de 2024, et encore moins au début de l’année, et nous continuons de considérer le risque de taux plus élevés pour longtemps comme le principal problème macroéconomique auquel sont confrontées les actions des banques canadiennes », a-t-il dit.
Il s’attend à ce que les finances des consommateurs soient de plus en plus mises à l’épreuve dans le scénario de taux plus élevés pour une période plus longue, et il sera à l’écoute des indications des dirigeants des banques sur l’ampleur de la pression qu’ils attendent de la part des emprunteurs.
Des vagues de renouvellements d’hypothèques sont à venir dans les prochaines années, ce qui augmentera les paiements mensuels et devrait maintenir la pression sur les emprunts.
Les banques se sont préparées au ralentissement en réduisant leurs dépenses, notamment en personnel. La Banque Scotia a déclaré en octobre qu’elle supprimait environ 2700 postes, tandis que la RBC a annoncé au dernier trimestre qu’elle avait supprimé environ 900 emplois et qu’elle prévoyait d’en supprimer plus de 1900 autres. D’autres banques ont également enregistré des charges liées à des réductions d’effectifs.
Les résultats du quatrième trimestre pourraient révéler d’autres réductions, mais Shilpa Mishra a déclaré qu’elle s’attendait à ce que la plupart des efforts de suppression d’emplois soient terminés.
« Je ne pense pas qu’il y en aura davantage, a-t-elle dit. Mais il est certain que nous allons assister à une restructuration plus poussée des activités de prêt et de marché des capitaux et que nous allons nous concentrer sur les activités rentables et à plus forte marge. »
Dans l’ensemble, les changements survenus au cours du trimestre montrent que les banques se préparent à des temps plus difficiles, mais qu’elles ne risquent pas d’être confrontées à des bouleversements spectaculaires, a-t-elle ajouté.
« Il n’y a pas le tsunami de détresse que nous attendions, l’accent est davantage mis sur les flux de trésorerie, la gestion des liquidités et la gestion du bilan », a-t-il dit.
Les résultats de la Banque Scotia seront publiés le 28 novembre; ceux de la CIBC, de la Banque TD et de la RBC le 30 novembre; et ceux de la BMO et de la Banque Nationale le 1er décembre.