Contrairement à ce que l’avènement du robot-conseiller pouvait laisser présager, le monde du conseil financier se porte mieux que jamais aux États-Unis, découvre une récente enquête de Cerulli Associates et de la Securities Industry and Financial Markets Association. Les résultats n’incluent pas le Canada, mais on peut croire que plusieurs aspects s’appliquent aussi bien ici qu’outre-frontière, bien que l’encadrement réglementaire ne soit pas exactement le même.
D’abord, les conseillers recueillent plus de clients que jamais. Alors que le segment des investisseurs dotés de conseillers occupait seulement 35% de la population totale des investisseurs individuels en 2009, il a inexorablement crû à 47% en 2022. En contrepartie, le segment des investisseurs autonomes, au cours de la même période, a décliné de 41% à 24%. Le sondage a rejoint 10 000 répondants, dont 64,8% disposent d’actifs inférieurs à 100 000 $US, 12,7% des actifs entre 100 000 $USs et 250 000 $US, le reste dépassant les 250 000 $US.
« Au cours de la dernière décennie, note l’étude de Cerulli Associates, la confiance des investisseurs dans les conseillers et l’intérêt pour la planification financière ont considérablement augmenté et nous nous attendons à ce que cette croissance se poursuive. Les investisseurs reconnaissent la valeur des conseils pour naviguer dans des choix compliqués et réalisent que cela a un prix qu’ils sont prêts à payer. »
Une menace désamorcée
Un survol de la croissance du marché montre que les sites de robot-conseillers, aussi appelés conseillers en ligne, n’ont jamais vraiment menacé le conseil humain. « On s’attendait à ce que les investisseurs ne veuillent plus parler à des conseillers, rappelle Scott Smith, directeur des relations conseil chez Cerulli Associates, au cours d’une entrevue téléphonique, qu’ils veuillent seulement échanger avec des robots, et qu’ils ne voudraient plus payer pour du service conseil. Toutes ces craintes se sont avérées sans fondement. »
Même, on pourrait être tenté de croire le contraire : le robot-conseiller a accru l’intérêt pour le conseil humain. Jusqu’à 2014, la proportion des investisseurs « conseillés » est demeurée stable autour de 35%. On pourrait considérer 2014 comme l’année de l’émergence du robot-conseiller aux États-Unis avec le lancement du site Betterment. Or, dès 2014, la cohorte des investisseurs conseillés a montré de l’effervescence, se hissant à une part de 42% en 2017. Après un bref repli à 39% en 2019, elle est repartie inexorablement à la hausse jusqu’à 47% en 2022.
La demande pour du conseil n’a jamais fléchi « malgré un éventail apparemment illimité d’informations et d’outils conçus pour permettre aux investisseurs de jouer un rôle actif dans la gestion de leurs propres investissements », note Cerulli Associates. En fait, ajoute l’étude, les conseillers sont loin de souffrir du saccage anticipé : « Plutôt que de faire face à la menace d’une baisse de la demande, les prestataires de services de conseil sont plus souvent confrontés au défi de développer leurs activités afin d’offrir une plus grande variété de conseils à un plus grand nombre de clients. »
D’autres chiffres sont tout aussi encourageants. Alors qu’en 2009, seulement 38% des investisseurs étaient prêts à payer pour du conseil financier, ils sont maintenant 63% à en dire autant. « Les investisseurs reconnaissent la valeur du conseil pour naviguer à travers des choix complexes, et ils réalisent que cela implique un prix qu’ils sont prêts à payer. »
Durant la même période de 2009 à aujourd’hui, la satisfaction des investisseurs à l’endroit de leur conseiller a également atteint de nouveaux sommets. Alors que 61% des investisseurs se disaient satisfaits de leur conseiller en 2009, ce taux a monté à 81% en 2014, l’année même où les robot-conseillers explosaient sur la scène, et ce taux de satisfaction est demeuré le même depuis avec quelques faibles variations.
Vers un service hybride
Très virulente il y a quelques années, la préoccupation envers les frais de gestion s’atténue, ayant décliné de 9% de 2019 à 2022. Par ailleurs, d’autres soucis gagnent en importance, notamment les seuils d’investissement minimum requis par les fonds d’investissement, en hausse de 5%, et la sous-performance de la gestion active comparé aux indices de marché. Chez les investisseurs en quête d’un conseiller, la principale préoccupation est de trouver un conseiller en qui ils puissent avoir confiance.
Le principal défi qu’affronte l’industrie du conseil est de desservir la cohorte des investisseurs de moins de 50 ans. Ce groupe manifeste le plus haut intérêt de tous pour de la planification financière, mais il est mal desservi par les firmes de gestion de patrimoine qui concentrent leurs efforts sur les détenteurs d’actifs plus âgés et plus fortunés.
Attention, les services automatisés ne sont pas morts, mais leur offre ne représente plus un arrêt de mort. Cerulli constate une intégration croissante des deux domaines, une offre hybride qui combine robotique et humains. D’un côté, en arrière-boutique, les systèmes numériques rehaussés d’intelligence artificielle s’occuperont de collection et de filtrage de données, de même que du suivi systématique des objectifs des portefeuilles. De l’autre, les conseillers humains continueront de faire l’interface avec les investisseurs, personnalisant avis et conseils et raffinant au fur et à mesure l’atteinte des objectifs.
Il ressort de l’étude de Cerulli que, devant l’abondance de produits, de services et d’outils, les clients ont besoin d’une main qui les guide à travers le labyrinthe. « Ils veulent savoir que quelqu’un s’occupe d’eux et qu’ils n’ont pas à s’inquiéter. La croissance de l’offre numérique et de l’intelligence artificielle doit être considérée comme un complément, non comme un remplacement des conseillers humains. »