Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles un bénéficiaire, un co-exécuteur ou une autre partie intéressée peut vouloir révoquer un exécuteur testamentaire, notamment en raison de relations hostiles, d’un manquement ou d’une éventuelle faute. Toutefois, les tribunaux sont généralement réticents à le faire, préférant ne pas interférer avec le choix du défunt quant à la personne chargée d’administrer la succession.
À noter qu’au Québec, le rôle de l’exécuteur testamentaire est assumé par le liquidateur testamentaire.
« Le seuil des preuves à présenter dans ce type d’affaires est très élevé, explique Shruthi Raman, avocate spécialisée dans les successions et les fiducies chez Synergys Law à Toronto. L’inconduite doit être si flagrante et si préjudiciable à l’administration de la succession ou aux intérêts des bénéficiaires que le tribunal doit sérieusement envisager la révocation. »
Selon Matthew Urback, associé du cabinet Shibley Righton à Toronto, le tribunal donnera la priorité au bien-être des bénéficiaires.
« S’il y a un risque pour les fonds [de la succession] – risque de perte, risque pour la fiducie, risque qu’il y ait d’autres irrégularités – c’est à ce moment-là que la situation devient un peu plus litigieuse et que l’exécuteur peut être révoqué », précise-t-il.
Une personne désignée comme exécuteur dans un testament n’est pas obligée d’accepter ce rôle. Cependant, une fois qu’elle a commencé à administrer une succession, elle doit continuer à le faire à moins d’être révoquée par le tribunal, soit après avoir demandé à se retirer, soit après que quelqu’un d’autre a demandé sa révocation.
La raison la plus fréquente est le manquement à l’obligation fiduciaire, explique Shruthi Raman.
« Ils peuvent avoir découvert des informations ou des actifs [identifiés] qu’ils n’ont pas divulgués aux bénéficiaires, ou ils refusent ou omettent de rendre compte du travail accompli à ce jour, ou ils n’ont tout simplement pas réussi à maintenir un équilibre entre les bénéficiaires », résume-t-il.
Selon Matthew Urback, la mauvaise conduite, la mauvaise foi, le fait de bénéficier personnellement de la succession, le fait d’agir au détriment des bénéficiaires et l’incapacité ou le refus de faire son travail sont autant d’éléments à prendre en compte par le tribunal.
Lorsque plusieurs exécuteurs testamentaires administrent une succession, les frictions entre eux peuvent compromettre l’administration rapide de la succession et conduire les exécuteurs testamentaires à demander au tribunal de révoquer un autre exécuteur testamentaire, affirme Shruthi Raman.
Quelqu’un peut également chercher à révoquer un exécuteur qui est devenu incapable en raison d’une maladie, qui a déclaré une faillite personnelle ou qui fait l’objet d’une condamnation pénale, continue l’expert. « Tout ce qui peut affecter la confiance ou la solvabilité de l’exécuteur testamentaire peut constituer un motif de demande de révocation », souligne-t-il.
Les tribunaux chercheront à prouver que la poursuite de l’administration par l’exécuteur testamentaire présente un risque, déclare Matthew Urback.
« Si, par exemple, il y a eu un seul incident avec lequel le bénéficiaire n’était pas d’accord, cela n’établit pas nécessairement qu’il y a un risque permanent pour l’administration de la succession », prévient-il.
Lorsque des parties intéressées cherchent à révoquer un exécuteur unique, le tribunal examinera si une autre personne est disposée à le remplacer avec le soutien des bénéficiaires.
« Lorsqu’un bénéficiaire tente de révoquer un exécuteur testamentaire, ou même lorsqu’un exécuteur testamentaire souhaite se retirer, il est préférable qu’il propose un remplaçant qui a déjà accepté d’assumer le rôle », assure Matthew Urback.
Lorsqu’une succession est administrée par plusieurs exécuteurs, le tribunal n’a généralement pas besoin de nommer un remplaçant lorsqu’il ordonne la révocation d’un exécuteur.
Un exécuteur testamentaire révoqué par décision de justice peut demander et obtenir une indemnisation partielle dans certaines circonstances. « Cela dépend fortement de la raison de la révocation et du travail effectué jusqu’à ce moment-là », souligne Matthew Urback.
Dans le cas de petites successions, les bénéficiaires et les autres parties intéressées peuvent décider que le coût d’une procédure judiciaire ne vaut pas la peine d’essayer de révoquer un exécuteur qu’ils n’aiment pas, précise-t-il.
Matthew Urback et Shruthi Raman affirment tous deux que la meilleure stratégie d’un exécuteur pour éviter une administration litigieuse, ou la défense la plus efficace contre les tentatives de révocation, est de tenir de bons registres et de communiquer régulièrement avec les bénéficiaires.
« S’ils ont reçu des conseils d’un professionnel – par exemple, un comptable ou un autre avocat -, il est important de conserver des documents à ce sujet. Il est important d’indiquer sur qui ils se sont appuyés pour prendre certaines décisions et pourquoi », recommande Matthew Urback.
Les exécuteurs testamentaires devraient indiquer ce qu’ils ont fait, ainsi que les raisons, afin de disposer d’une trace écrite en cas de contestation de leurs actions, ajoute-t-il.
« Je conseille toujours à mes clients [exécuteurs testamentaires] de garder les voies de communication ouvertes. C’est la clé de voûte de toute relation qui repose sur la confiance – la transparence et la clarté », complète Shruthi Raman.