Les clients et les conseillers en services financiers tiennent généralement pour acquis que leurs fonds d’investissement conserveront leur structure. Mais ce que beaucoup ignorent peut-être, c’est qu’une fiducie de fonds commun de placement peut cesser d’en être une, ce qui peut poser des problèmes si le fonds était détenu dans un régime enregistré.
« Ce n’est pas une situation courante, surtout lorsqu’il s’agit d’un fonds d’une grande société de fonds », souligne Dan Hallett, vice-président de la recherche et directeur du HighView Financial Group à Oakville, en Ontario.
Cependant, Franklin Templeton Canada a annoncé au début du mois que le Franklin Brandywine Global Sustainable Balanced Fund avait temporairement perdu son statut de fiducie de fonds commun de placement, sans en préciser la raison.
« Le fonds était un investissement qualifié pour l’année fiscale 2023, précise Sarah Kingdon, directrice principale des communications d’entreprise chez Franklin Templeton, dans un courriel. En janvier 2024, il a temporairement cessé d’être admissible en tant que fiducie de fonds commun de placement en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada), mais il a retrouvé son statut de fiducie de fonds commun de placement et d’investissement qualifié à la fin de ce mois. »
Dans un communiqué, Franklin Templeton affirme que les détenteurs de parts n’ont pas besoin de prendre des mesures et qu’il « ne croit pas que ces événements entraîneront une responsabilité fiscale ou des obligations de déclaration pour tout investisseur qui a détenu les parts du fonds dans un régime enregistré au cours du mois de janvier 2024. »
La Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) prévoit quatre conditions pour une fiducie de fonds commun de placement : la résidence au Canada, la possibilité de racheter les parts sur demande, l’investissement dans certains biens uniquement et la présence d’au moins 150 porteurs de parts distincts détenant chacun des parts d’une valeur d’au moins 500 $. Une fiducie de fonds commun de placement ne peut pas non plus avoir été établie principalement au profit de non-résidents.
Michael Friedman, associé en fiscalité chez McMillan à Toronto, déclare que le fait de passer sous le seuil des 150 détenteurs de parts est la raison la plus fréquente pour laquelle les fonds communs de placement perdent leur statut. Michael Friedman s’exprimait toutefois de manière générale et ne parlait pas de la situation de Franklin Templeton.
« La plupart des fonds surveilleront le nombre de détenteurs de parts et, s’ils tombent en dessous de 150, ils prendront des mesures pour essayer d’en augmenter le nombre ou, à défaut, pour liquider le fonds avant qu’il n’y ait des conséquences négatives pour les régimes enregistrés », explique Michael Friedman.
Heureusement, la LIR tient compte des baisses temporaires. « Il existe une règle de présomption qui stipule que si vous êtes une fiducie de fonds commun de placement au début de l’année civile et que vous passez sous le seuil des 150 détenteurs de parts, vous serez réputé être resté une fiducie de fonds commun de placement pour le reste de l’année civile. »
En règle générale, cela n’entraîne aucune conséquence fiscale défavorable pour les détenteurs de parts.
Toutefois, lorsqu’une fiducie de fonds commun de placement perd son statut de façon permanente, elle cesse d’être un placement admissible aux fins des régimes enregistrés, comme les REER et les CELI.
« Si un REER détient une part d’une fiducie de fonds commun de placement et que celle-ci cesse d’être une fiducie de fonds commun de placement, il s’agit soudainement d’un investissement non admissible, prévient Michael Friedman. Et des pénalités fiscales particulièrement lourdes s’appliquent aux détenteurs de REER ou d’autres régimes enregistrés qui détiennent des placements non admissibles. Il s’agit donc d’une préoccupation réelle pour les régimes enregistrés. »
Un REER qui acquiert ou détient un investissement non qualifié est soumis à un impôt de 50 % sur la juste valeur marchande de l’investissement au moment où il a été acquis ou est devenu non qualifié. Le revenu d’un investissement non qualifié est considéré comme imposable pour le REER au taux marginal le plus élevé.
La règle de présomption peut être particulièrement utile pour les fonds dont le nombre de porteurs de parts diminue au début de l’année, mais elle l’est moins pour ceux dont le nombre diminue à la fin de l’année.
« Supposons, par exemple, que vous ayez 150 détenteurs de parts jusqu’au 30 décembre, vous n’auriez qu’un jour pour dépasser le [seuil] », calcule Michael Friedman.
En outre, la règle ne s’applique qu’au seuil de 150 détenteurs de parts et non aux autres critères de la LIR pour les fonds communs de placement.
« Il pourrait y avoir d’autres raisons pour lesquelles le fonds ne remplit plus les conditions requises, et elles pourraient être plus problématiques », ajoute-t-il. Si la plupart des détenteurs de parts deviennent soudainement non-résidents, par exemple, « la fiducie cesserait d’être une fiducie de fonds commun de placement – et cela ne peut pas être corrigé ».
La raison historique du critère de fonds commun de placement est probablement la protection.
« Ce qui a été suggéré, c’est que le gouvernement veut s’assurer que nos REER ont des investissements relativement sûrs et sécurisés, rapporte Michael Friedman. Les conditions d’investissement qualifiées limitent les régimes enregistrés à des investissements dans des fonds plus largement souscrits, plus importants ou gérés par des professionnels. »
Mais les critères ne font pas l’unanimité. « Beaucoup [de gestionnaires de fonds] diront qu’il s’agit d’une politique un peu paternaliste de la part du gouvernement », rapporte-t-il.