Concrètement, les ACVM pourraient notamment plafonner les commissions intégrées, interdire les commissions sans conseil, imposer des limites aux frais d’acquisition reportés (FAR) et favoriser de meilleures divulgations au client, d’après des mémoires déposés en réponse à la consultation 81-408 sur l’option d’abandonner les commissions intégrées.
Voici, en détail, des mesures proposées dans ces mémoires qui permettraient ainsi d’éviter les nombreux effets pervers découlant d’une abolition des commissions. Étant donné l’angle de cet article, nous avons donc volontairement omis de considérer les arguments des groupes favorables à l’abandon des commissions intégrées, dont entre autres la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs, HighView Financial Group et la Canadian Advocacy Council for Canadian CFA Institute Societies.
Plafonner les commissions
Plusieurs membres de l’industrie proposent de plafonner ou d’uniformiser les commissions intégrées pour éliminer le biais théorique qui pourrait exister envers des fonds versant une rémunération plus élevée.
C’est le cas entre autres d’iA Groupe financier, du Groupe Cloutier, de l’Institut des fonds d’investissements du Canada (IFIC), du Groupe Investors et de Mérici Services financiers. Si le premier groupe propose de plafonner les commissions intégrées par catégorie d’actif, le deuxième prône d’éliminer les disparités entre les gestionnaires de fonds, entre les types d’actif et entre les structures de frais de gestion.
Premièrement, l’industrie pourrait uniformiser les taux de commissions versés par les manufacturiers à travers les différentes structures de rémunération. Fixer un niveau acceptable de rémunération pourrait se faire de différentes façons dont, notamment en collaboration avec l’IFIC, estime le Groupe Cloutier.
« Ceci permettrait aussi d’assurer une certaine équité entre les réseaux indépendants et intégrés en évitant que ces derniers ne soient tentés de diminuer la portion rémunération du courtier tout en augmentant la portion du gestionnaire de fonds, favorisant ainsi indûment les réseaux intégrés », lit-on dans le mémoire du Groupe Cloutier.
Deuxièmement, aussi de concert avec l’industrie, les ACVM devraient rechercher une solution afin d’uniformiser le taux de commissionnement entre les différents types d’actif. Ce taux « devrait être déterminé en ayant à l’esprit la recherche d’un équilibre afin d’éviter que le niveau des commissions de suivi moyen sur l’ensemble de l’actif sous gestion ne diminue drastiquement, ce qui affecterait de façon importante le niveau de rentabilité des courtiers et des représentants », mentionne le Groupe Cloutier.
Cet exercice ne serait pas simple puisque qu’il est généralement admis que les fonds d’actions versent des commissions de suivi plus élevées que les fonds équilibrés qui, eux, versent des commissions de suivi plus élevées que les fonds à revenu fixe.
Troisièmement, le Groupe Cloutier propose d’uniformiser la rémunération globale sur sept ans liée à la distribution d’un fonds. Dans son mémoire, la firme donne l’exemple de la commission totale versée au courtier sur sept ans à l’acquisition d’un fonds d’actions canadiennes. Les frais d’acquisition reportés (FAR) génèrent une commission totale de 8,5 % sur sept ans, les frais d’acquisition réduits, de 8,0 %, et l’option sans frais d’acquisition, de 7 %.
« Concrètement, la différence est minime et, rapportée sur une base annuelle, le revenu brut versé au courtier diffère de 0,07 % à 0,21 % selon les différentes structures de frais. Toutefois, la différence existe néanmoins et elle est beaucoup plus importante dans le cas d’un fonds à revenu fixe par exemple », lit-on dans le mémoire du Groupe Cloutier.
Une éventuelle uniformisation « permettrait de reconnaître les fonds à FAR pour ce qu’ils sont réellement aux yeux de nos conseillers, soit une façon de devancer le versement de la rémunération en reconnaissance du fait que la charge de travail du conseiller nécessaire à l’analyse initiale d’un dossier et à la formulation de recommandations est plus importante que la charge de travail qui doit être consacrée au suivi du portefeuille du client. »
Imposer des limites aux FAR
Les régulateurs et organismes d’autoréglementation ont montré du doigt plusieurs problèmes de non convenance découlant de l’utilisation des FAR. Par exemple, l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) a découvert que des achats comportant des frais reportés ont été effectués pour le compte de clients ayant plus de 70 ans ou des gens dont l’horizon de placement était inférieur au barème de rachat de FAR.
C’est pourquoi Placements Manuvie appuie les mesures de contrôles proposées par l’IFIC ayant pour but d’empêcher que des personnes âgées ou ayant un court horizon de placement d’investir injustement dans les FAR.
« Que ce soit en termes d’âge du client, de type de compte (FERR, FRV), d’horizon de placement ou de taille de compte, nous serions favorables à ce que chaque courtier soit tenu de mettre en place certaines limites qui énonceraient clairement dans quelle situation les FAR pourraient être utilisés », lit-on dans le mémoire du Groupe Cloutier.
Mérici propose même que ce soit le conseiller qui « reçoit une commission de vente qui soit responsable de la rembourser si son client retire ou transfère ses actifs, comme cela est courant dans le domaine de l’assurance. Ainsi, celui qui a reçu est également celui qui devra donner, si besoin. »
« Cette proposition a aussi le mérite d’enlever un poids sur les épaules du client, poids qui ne devrait pas s’y trouver à notre avis, lit-on dans le mémoire de Mérici. Cette mesure favoriserait la mise en place d’efforts par le courtier et le représentant afin d’assurer l’entière satisfaction du client, afin de le fidéliser et de s’assurer du maintien du lien d’affaire. »
Certains dans l’industrie sont toutefois en faveur de l’abolition immédiate des FAR, comme le planificateur financier Eric F. Gosselin. « Les investisseurs sont bien mieux informés qu’il y a une trentaine d’année et sont maintenant plus conscients des choix de placements qui leur sont offert, ce mode de rémunération peut donc être aboli », écrit-il dans son mémoire.
Eric F. Gosselin prône toutefois de maintenir la structure à frais d’acquisition réduits (low load) : « Conserver ce type de rémunération permet de maintenir une bonne accessibilité aux services-conseils pour le petit investisseur tout en assurant la relève chez les conseillers. »
Accroître la transparence
Plusieurs groupes de l’industrie prêchent pour un rehaussement des divulgations quant aux frais et à la rémunération au moment de la souscription d’un fonds d’investissement et/ou de manière continue avec le client, dont celui du Mouvement Desjardins, de la Banque Nationale, de Placements Manuvie, de Mérici Services financiers.
« Nous appelons donc les ACVM à évaluer la possibilité de mettre en chantier un MRCC3 qui nous permettrait de divulguer aux clients l’ensemble des frais assumés par ce dernier, incluant les frais du gestionnaire de fonds, et corrigerait quelques aspects négatifs ou mal compris des clients, comme la méthode de calcul du taux de rendement ou la ventilation des frais déclarés », lit-on dans le mémoire de Mérici.
Selon MICA Services financiers, cette transparence passe par la divulgation obligatoire de tous les frais, y compris les frais des gestionnaires de fonds, sur le rapport annuel de rémunération et frais devant être transmis aux consommateurs. Ce cabinet propose aussi de bonifier et clarifier l’information en lien avec les différents modes de rémunération possible ainsi que les frais des gestionnaires de fonds apparaissant sur l’aperçu du fonds.
De plus, selon MICA, le formulaire servant à acheter un fonds devrait mentionner le montant, en dollars, de la commission à être versée au courtier pour cet achat ainsi qu’un estimé raisonnable de la commission de suivi, en dollars, qui sera versée au courtier. En outre, l’avis d’exécution transmis au consommateur, devrait comprendre le montant, en dollars, de la commission versée au courtier pour l’achat ainsi que l’inscription qu’une commission de suivi de x% sera versée au courtier.
En outre, selon le mémoire de MICA, on devrait « accorder aux consommateurs un droit d’annuler la transaction en cas de désaccord en lien avec la rémunération apparaissant sur l’avis d’exécution qu’il recevra suite à une transaction d’achat de parts de fonds ».
Forcer les discussions sur les frais
Plusieurs mémoires estiment que d’imposer un échange entre le conseiller et son client sur les frais pourrait être bénéfique.
Les conseillers devraient obligatoirement discuter avec leurs clients de leurs frais et de leurs services avant chaque ouverture de compte, chaque transaction ou chaque année, propose l’IFIC.
Les clients qui paient des frais selon le modèle de commissions intégrées pourraient avoir l’option de modifier leur compte à un modèle à honoraire lorsque la valeur de leur compte atteint un seuil approprié, propose Services d’investissement Quadrus : « Les courtiers devraient alors alerter les clients éligibles lorsque cela se produit et, dans un langage clair et simple, leur illustrer l’impact que les différentes structures tarifaires auraient sur leur compte. »
Selon Quadrus, cela permettrait à ceux qui préfèrent le modèle à commissions intégrées de le conserver. Cela permettrait aussi aux clients de connaître les avantages des honoraires.
Le Groupe Cloutier va plus loin et propose d’obliger le client à choisir la structure de frais désirée. Sur une page, le client lirait, en termes simples et neutres, les caractéristiques des cinq principales structures disponibles, soit les fonds à FAR, les fonds à frais d’acquisition réduits (low load), les fonds à frais prélevés à l’acquisition, les fonds sans frais d’acquisition et les fonds à honoraires.
« Cette divulgation pourrait être intégrée à la fiche d’ordre des courtiers ou, pour les comptes détenus au nom du client, au formulaire d’ouverture de compte de chaque société de fonds. Le client devrait y indiquer clairement son choix sur le formulaire après avoir pris connaissance librement de chacune des options à sa disposition. Cette procédure pourrait être rendue obligatoire lors de chaque dépôt pour s’assurer que le client a été informé à chaque transaction des implications de ses choix », lit-on dans le mémoire du Groupe Cloutier.
Faire concorder services et frais
Les ACVM, pourraient imposer aux courtiers et aux représentants une obligation de concordance entre la nature et la qualité des services rendus et la rémunération reçue, qu’elle soit payée directement par le client ou par l’intermédiaire des manufacturiers de produits, suggère le mémoire de Mérici : « Il existe au Québec, une obligation déontologique analogue pour plusieurs professions encadrées par le Code des professions. »
Le mémoire de Mérici cite en exemple le Code de déontologie des avocats qui prévoit que leurs rémunérations sont justes et raisonnables s’ils sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus. « L’idée générale demeure que le représentant est un professionnel qui devrait être reconnu à ce titre et qu’il peut être guidé par des principes dans l’établissement de sa rémunération plutôt que par une règlementation rigide et limitante. Un mécanisme d’arbitrage en cas de désaccord entre le client et son courtier quant à la rémunération pourrait être mis en place afin de dénouer les litiges pouvant survenir » entre un client et son conseiller.
Pour mieux aligner les frais avec le niveau de services rendus, l’IFIC propose de faire signer une entente d’honoraires de services au moment de l’ouverture du compte. « Ceci permettra à l’investisseur d’évaluer plus facilement la valeur des conseils et des services qu’il reçoit pour leurs commissions de suivis », lit-on dans le rapport du lobby de fonds d’investissement.
Mieux encadrer les conflits d’intérêt
Le Mouvement Desjardins propose une série de mesures afin de mieux encadrer les conflits d’intérêts liés à la rémunération des conseillers. Par exemple, les courtiers devraient obligatoirement traiter en accéléré les plaintes qui concernent la rémunération.
Les courtiers devraient également créer un cadre pour surveiller de près la rémunération. « Par exemple, ce cadre pourrait comprendre l’identification des cas d’opérations excessives aux fins de générer des commissions, l’établissement d’un taux de transfert interne dans des nouvelles structures de frais engendrant des commissions pour chaque représentant, l’identification des comptes avec un taux de commissions excessif et des représentants ayant un taux de commissions excessif », lit-on dans le mémoire de Desjardins.
Les employés responsables d’une telle supervision devraient être formés adéquatement et sur une base continue, selon le groupe coopératif. Et les représentants devraient obligatoirement « bénéficier d’une formation accrue pour devenir professionnels et sur une base continue portant sur les conflits d’intérêts engendrés par la rémunération et, le cas échéant, sur les obligations rehaussées s’y rapportant ».
Restreindre les commissions aux conseillers
Pour éviter qu’un client paie une commission de suivi à un courtier à escompte qui ne peut lui fournir de conseil, l’IFIC suggère que les séries A de fonds communs ne soient permis que dans les réseaux de distribution avec conseil.
Mérici va plus loin et propose d’interdire d’avoir recours aux commission intégrées « si le courtier ou le représentant n’offre pas un support et des conseils au client pendant toute la période de détention des parts ou encore fixer un seuil minimum de services à offrir pour avoir le droit de recourir aux commissions intégrées ». Le mémoire de MICA Services financiers abonde dans le même sens.
Dans le même ordre d’idée, iA Groupe financier suggère de plafonner les commissions pour les séries sans conseil, lit-on dans son mémoire.