De plus, leurs parts de marché demeurent assez stables. Le rapport indique qu’au 31 décembre 2016, quelque 92 assureurs sont autorisés à exercer au Québec. De ce nombre, 46 sont régis par une charte canadienne ou d’une autre province.
Les assureurs québécois continuent d’accaparer plus de la moitié du marché de la Belle Province, avec 53,4 % des parts de marché. En ce qui a trait au secteur de l’assurance accidents et maladie collective, il est largement dominé par les assureurs québécois, avec 60,4 % des parts de marché. Ces derniers dominent également le secteur de l’assurance vie collective.
«Bien que les parts de marché des assureurs québécois aient connu une légère baisse de 0,6 point de pourcentage en 2016, il convient de rappeler qu’en 2015, celles-ci s’étaient accrues de 1,8 point de pourcentage. Depuis les 10 dernières années, les parts de marché des assureurs québécois se sont accrues fortement, puisqu’en 2006, elles représentaient moins de la moitié du marché québécois avec 48,7 %», souligne le rapport.
Quant aux assureurs canadiens, ils dominent le secteur de l’assurance vie individuelle, avec 65,3 % des parts de marché.
Près des yeux, près du coeur
De l’avis des experts interrogés, la proximité explique en grande partie la dominance des assureurs québécois en collectif dans leur propre province.
«C’est normal que des clients nous perçoivent comme davantage reliés à la province et qu’ils veuillent favoriser l’économie du Québec en nous choisissant. Nous créons notamment plus d’emplois ici que les assureurs canadiens», affirme Carl Laflamme, premier vice-président, Distribution chez SSQ Groupe Financier.
Ce dernier croit que c’est pour cette même raison que les assureurs collectifs du Québec arrivent moins à percer le marché canadien de façon significative.
«Nous avons plus de difficulté à décrocher des contrats au Canada en raison de notre plus faible notoriété. […] Pourtant, les assureurs québécois n’ont rien à envier aux assureurs canadiens sur le plan du service», ajoute-t-il.
Si le degré de proximité est important, il n’est pas le premier facteur pris en considération par les consommateurs, affirme de son côté Nathalie Laporte, vice-présidente, Développement, Commercialisation et Stratégie, Assurance pour les groupes et les entreprises chez Desjardins Assurances.
«C’est un marché très concurrentiel. Oui, la proximité te donne toujours un avantage, mais le marché en assurance collective est beaucoup basé sur le prix, qui représente souvent plus de 80 % de la décision. La proximité donne plutôt la marge de manoeuvre», explique-t-elle.
Desjardins à la tête du collectif
Nathalie Laporte soutient d’ailleurs que Desjardins réussit à demeurer au premier rang dans le secteur de l’assurance vie collective et celui des accidents et maladie collectif par la force de son réseau.
«Nous effectuons notre développement d’affaires et nous essayons de conserver le plus possible nos clients. L’assurance collective est un marché de relations. Nos ventes se font par un intermédiaire, alors ce qui est vraiment important, c’est d’avoir de bonnes relations avec les consultants», dit Nathalie Laporte.
Selon le rapport sur les institutions financières, en 2016, Desjardins Sécurité financière a souscrit pour 460 872 000 $ de primes directes en assurance vie collective.
Ses parts de marché dans ce secteur sont passées de 31,37 % à 32,50 % de 2012 à 2016. En comparaison, les parts de marché de Canada sur la vie (Canada-Vie), qui occupe la deuxième place du secteur au Québec, ont augmenté de 9,96 % à 10,67 % durant la même période. Celles de l’Industrielle Alliance-Vie, située au troisième rang, sont passées de 8,30 % à 10,14 % pour la même période.
Occupant la position numéro quatre, l’assureur Sun Life du Canada a quant à lui vu ses parts de marché diminuer de 10,14 % à 9,47 % de 2012 à 2016. Elles ont toutefois crû par rapport à 2015, année durant laquelle elles se sont élevées à 9,26 %.
Desjardins occupe aussi la position de tête du secteur de l’assurance accidents et maladie collective. Toujours d’après le rapport, la coopérative a enregistré pour environ 1,5 G$ de primes directes souscrites et ses parts de marché sont passées de 23,07 % à 23,73 % de 2012 à 2016.
À chacun ses forces
SSQ Vie se classe au cinquième rang du secteur de l’assurance vie collective au Québec, avec 8,29 % de parts de marché en 2016, mais se démarque davantage dans le secteur de l’assurance accidents et maladie collectif.
Il semble que si certains assureurs réussissent mieux dans une branche plutôt que dans une autre, c’est qu’il s’agit du secteur que priorise l’entreprise, c’est-à-dire celui auquel on accorde le plus de ressources.
Si, par exemple, Desjardins domine nettement en collectif, l’institution financière se retrouve néanmoins au cinquième rang en assurance vie individuelle, avec des parts de marché de 10,48 % en 2016, légèrement en baisse par rapport à 10,67 % l’année précédente.
«Certains assureurs sont plus présents dans le domaine des placements pour la retraite (rentes collectives). D’autres sont plus présents dans l’assurance collective, et d’autres dans l’assurance individuelle. Chacun a ses propres objectifs. C’est donc normal que ce ne soit pas les mêmes acteurs qui dominent dans les différents marchés», indique Lyne Duhaime, présidente de l’ACCAP-Québec.
Concentration et stabilité
En général, les parts de marché des assureurs québécois en assurance vie collective se sont accrues, mais pas de manière significative. Par contre, Banque Nationale (BN) et Capitale Patrimoine ont connu des baisses. Les parts de BN ont diminué de 6,55 % à 5,62 % de 2012 à 2016, et celles de La Capitale de 3,32 % à 3,10 % pendant la même période.
L’évolution des parts de marché est semblable en assurance collective accidents et maladie. Capitale et Banque Nationale ont toutes deux perdu quelques plumes dans le top 20. Par exemple, les parts de marché de Capitale Patrimoine ont baissé de 6,47 % à 5,89 % de 2012 à 2016.
Lyne Duhaime souligne le caractère ultra-concurrentiel du marché de l’assurance collective : «Au Québec, il n’y a pas tant de nouvelles entreprises, alors nous ne verrons pas de réel mouvement à moins d’aller développer des segments avec des employeurs qui ont moins d’employés.»
En effet, les assureurs qui dominent au Québec sont ceux qui ont parmi leur clientèle les plus gros employeurs publics québécois.
«Tant SSQ que Desjardins assurent une base extrêmement importante du secteur public au Québec, explique Carl Laflamme, de SSQ. Dans notre cas, nous assurons tous les enseignants, tous les cadres du gouvernement et les employés de soutien qui travaillent dans les hôpitaux. Desjardins assure quant à elle les fonctionnaires et toutes les infirmières.»
De plus, même si les contrats d’assurance collective se renouvellent annuellement, Carl Laflamme mentionne que la clientèle publique change très peu souvent d’assureur.
«Ce sont des clients très fidèles. Par exemple, notre plus gros groupe, ce sont les employés de soutien de la Fédération de la santé et des services sociaux. Ils sont avec nous depuis 50 ans. Nous croyons aussi que leur fidélité démontre que nous leur rendons de bons services», élabore-t-il.
En rentes collectives, les meneurs du marché sont, et de loin, la Sun Life et iA Groupe financier. Par comparaison, les parts de Sun Life se chiffraient à 41,85 % en 2016 et celles d’Industrielle Alliance-Vie à 37,84 % pour la même année, tandis que les parts de Desjardins, qui occupe la troisième position, s’élèvent à 7,91 % seulement.
«C’est un marché dans lequel c’est très important d’avoir beaucoup plus de volume afin d’avoir une offre concurrentielle. Il faut que ton poids soit intéressant compte tenu des coûts qu’une présence représente», explique Carl Laflamme.
SSQ, Société d’assurance-vie a justement vendu à Viaction Assurance, en juillet 2016, le portefeuille de rente collective qu’il gérait pour Fondaction, le fonds de développement de la CSN.
Les parts de marché de SSQ sont passées de 1,74 % en 2015 à 0,13 % en 2016.
Capacité d’adaptation pour l’avenir
Tous les assureurs s’entendent pour le dire, il faut une capacité d’adaptation aux besoins du client pour survivre en assurance collective.
Même si les assureurs collectifs qui réussissent ont des assises solides, les nombreux défis auxquels ils doivent faire face (hausse faramineuse des prix des médicaments, vieillissement de la population, propagation de l’épuisement professionnel, etc.) les empêchent de se reposer sur leurs lauriers.
«C’est un marché très concurrentiel qui joue beaucoup sur le prix, et si tu baisses ta garde pendant quelques mois, ça ne sera pas payant à long terme», insiste Nathalie Laporte, de Desjardins.
Lyne Duhaime, qui soutient les membres de cette industrie, parle d’obstacles qui ne disparaîtront pas en «claquant des doigts». Elle mentionne tout de même comme une avancée récente l’obligation qu’auront les pharmaciens de divulguer leurs honoraires sur les factures de médicaments dès le 15 septembre.
De son côté, l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, sur la base d’une étude du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), a réclamé au début du mois de juillet que l’on exige également plus de transparence des assureurs privés, ce qui montre que cette lutte est loin d’être terminée entre les deux camps.
La présidente de l’ACCAP-Québec demeure néanmoins optimiste pour l’avenir : «Je pense que l’assurance collective va demeurer un avantage vraiment très important dans les milieux de travail. Les employeurs y tiennent. Par contre, il est clair pour nous que nous avons atteint un point où les coûts deviennent problématiques pour la pérennité à long terme des assureurs. C’est pourquoi nous travaillons là-dessus.»