Ainsi, s’il est adopté dans sa version initiale, le PL 141 permettra qu’un client souscrive de l’assurance en ligne sans intervention obligatoire d’un représentant, mais avec un accès possible en tout temps à un conseiller.
Permettre la vente en ligne affaiblit la protection des clients alors que certains ont une éducation financière insuffisante, estime Maxime Gauthier, chef de la conformité chez Mérici Services Financiers : « C’est une erreur de croire que les produits sont simples. Un produit peut sembler simple, mais la situation du client ne l’est pas nécessairement. S’il existe des professionnels qui ont des exigences de formation, qui doivent avoir des permis et des assurances responsabilité, c’est parce qu’on fait un métier complexe et qui n’est pas linéaire dans le temps. La situation des clients évolue, les produits évoluent et la situation du marché évolue. »
« Pourquoi on introduit ce risque au nom d’une série de sophismes, comme l’appel à la nouveauté ou la liberté du client ? ajoute Maxime Gauthier. Et il n’y a aucune garantie que le client va bénéficier d’une baisse de coûts. »
Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers, voit des problèmes dans la vente en ligne, dont certains après la souscription. De mauvais messages pourraient pousser le client à remplacer sa police, à son détriment. Ou encore, en l’absence de conseils fiscaux au moment du transfert d’une police, un client pourrait devoir assumer une facture fiscale inattendue.
Lors du Congrès de l’assurance et de l’investissement, Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la CSF, a souligné que le PL 141 engendre des risques sur le plan de la protection du client lorsqu’il souscrit à de l’assurance en ligne. « Sans l’obligation d’être accompagné par ceux qui sont formés et encadrés pour le faire, on transfère la responsabilité de prendre de bonnes décisions et les risques qui viennent avec sur les épaules des consommateurs », a-t-elle dit.
Un projet de loi équilibré
Actuellement, la distribution d’assurance en ligne n’est pas encadrée et la réforme offre un encadrement équilibré pour les clients qui souhaitent magasiner sur le Web, selon Yvan-Pierre Grimard, directeur, relations gouvernementales, Québec au Mouvement Desjardins.
« L’Autorité des marchés financiers (AMF) va certainement aller plus loin que les orientations qu’elle a produites il y a trois ans, dit-il. Exiger systématiquement qu’un représentant conclue la transaction, ça ne m’apparaît pas compatible avec la distribution d’assurance par Internet ni avec les attentes des consommateurs. »
L’encadrement proposé par le projet de loi 141 sera complété par une réglementation à être développée par l’AMF, et approuvée par le ministre des Finances, a rappelé Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF, lors du 12e Rendez-vous de l’AMF, la semaine dernière. « N’oublions pas, par ailleurs, que le consommateur ne sera jamais « forcé » de se procurer une assurance par Internet. C’est une option qui s’ajoute à ses choix, sans plus. Il sera toujours possible pour le consommateur de se tourner vers un représentant compétent en chair et en os, certifié et encadré par l’Autorité », a-t-il déclaré.
Les assureurs ont tout intérêt à être prudents et à bien informer les clients, pour éviter que ceux-ci ne se plaignent sur les réseaux sociaux, souligne par ailleurs Yvan-Pierre Grimard.
Lire notre dossier complet – Révision de l’encadrement du secteur financier
Lyne Duhaime, présidente pour le Québec de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP-Québec) partage cette vision par rapport à la prudence qu’auront les assureurs. D’autant que le projet de loi 141 accroît les responsabilités des assureurs à l’égard de la distribution sans représentant en ligne ou par l’intermédiaire d’un distributeur comme un concessionnaire automobile ou une banque.
« Que ce soit pour les produits d’assurance individuelle ou d’assurance collective qui peuvent être offerts par un distributeur, ce dernier, ou la personne physique à qui la tâche est confiée, engagerait la responsabilité de l’assureur s’il y a manquement sur le plan des rôles et responsabilités qui leur incombent au moment de la souscription ou de l’adhésion, et qui causerait préjudice à un preneur. Cela amène une responsabilité accrue du côté des assureurs », explique pour sa part l’avocate Evelyne Verrier, associée au cabinet Lavery.
Lyne Duhaime accueille favorablement le PL 141 et en demande une adoption rapide : « Le gouvernement a trouvé un équilibre. On répond à la volonté des gens d’acheter des produits par Internet, pour qu’ils continuent d’acheter de l’assurance, et en même temps, il y a certaines protections, comme la possibilité de parler à un représentant et le droit de résiliation dans les 10 premiers jours. »
« Nous prenons très au sérieux les questions qui ont été soulevées, notamment en ce qui concerne la protection du consommateur, qui demeure l’objectif principal du projet de loi, écrit le cabinet du ministre dans un courriel de réponse transmis par l’attachée de presse de Carlos Leitão. Nous aurons le plaisir d’accueillir les groupes en commission parlementaire pour échanger avec eux […] et apporter si nécessaire des améliorations à l’encadrement proposé. »