Et la Chambre de la sécurité financière (CSF) ainsi que les plus petits cabinets et courtiers semblent être les principaux perdants.

Ainsi, entre le 30 avril 2013 et 12 juin 2015, le ministère des Finances a déposé les rapports d’applications de différentes lois touchant le secteur financier, dont la Loi sur les assurances, la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF).

En fonction des intérêts des différents membres de l’industrie, une guerre d’influence a alors pris de l’ampleur, de manière plus ou moins silencieuse. Finance et Investissement a d’ailleurs mis en lumière les différentes forces entourant ce souque à la corde politique, dans une analyse exhaustive des mémoires déposés dans le cadre de la révision de la LDPSF, en 2015.

Lire ici le texte Mesure de l’influence.

En fonction des prises de positions passées, voici ce qui semble être les principaux gagnants et perdants des différentes positions adoptées par le ministère des Finances du Québec.

L’AMF avalerait la CSF

Le projet de loi 141 vise à abolir la CSF et la Chambre de l’assurance de dommages et à confier à l’Autorité des marchés financiers (AMF) les responsabilités en matière de contrôle de l’exercice de l’activité de représentant dont, entre autres, la déontologie et la formation.

Sans surprise, la CSF elle-même est la principale perdante de cette proposition. « La CSF peine à comprendre dans quelle mesure la disparition de la Chambre annoncée aujourd’hui sert vraiment l’intérêt supérieur de l’ensemble des épargnants québécois », a déclaré l’organise d’autoréglementation dans un communiqué en réaction au dépôt du projet de loi.

« Beaucoup d’idées, certaines fausses ou tendancieuses, ont été véhiculées, depuis le dépôt du Rapport sur l’application de la LDPSF en 2015 par ceux et celles qui souhaitent une loi plus permissive et moins contraignante. À qui profiteront les nouvelles dispositions ? » lit-on dans le communiqué de la CSF.

Cette dernière question est intéressante et Finance et Investissement y répondait partiellement dans l’article L’industrie se livre à une guerre d’influence paru en 2015.

Au premier chef, le Mouvement Desjardins serait le groupe qui économiserait le plus si l’AMF avalait la CSF. « À la fin de 2014, le Mouvement Desjardins travaillait avec 7 787 représentants en épargne collective et 545 représentants en assurance de personnes, qui versaient une cotisation cumulative de 2,37 M$ à la CSF, pouvait-on lire. À lui seul, le Mouvement Desjardins couvre 24,2 % de l’ensemble des cotisations perçues par la CSF en 2014 », écrivait l’auteur de ces lignes. Le Mouvement Desjardins espérait économiser une partie de cette somme.

Parmi ceux qui souhaitaient la disparition de la CSF dans leurs mémoires de 2015, figure aussi iA Groupe financier. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) et l’Association des banquiers canadiens (ABC) souhaitaient que l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) soit reconnue à titre d’organisme d’autoréglementation (OAR) en épargne collective au Québec.

Royal Mutual Funds et le Groupe Investors étaient également de cet avis, mais posaient certaines conditions, entre autres l’ouverture d’un bureau régional de l’ACCFM au Québec qui emploierait du personnel francophone. Lire l’article Tirs groupés contre la CSF pour davantage de détails. Si le projet de loi 141 obtenait la sanction royale, l’AMF gagnerait davantage de pouvoirs, notamment en matière de déontologie. On peut donc dire que l’AMF sort « gagnante » de ce projet de loi.

Parmi les principaux groupes qui étaient favorables au maintien de la CSF en 2015, on retrouve notamment Option consommateurs, Mérici Services financiers, Planifax et MICA Services financiers. Ils semblent avoir, en quelque sorte, perdu une bataille de cette guerre d’influence. C’est aussi le cas de l’Institut québécois de planification financière et de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF). La première organisation souhaitait la création d’un ordre pour les planificateurs financiers, ce qui ne se retrouve pas au projet de loi. L’APCSF voulait quant à elle un ordre professionnel pour tous les représentants s’occupant principalement de la formation.

Enfin, il est difficile de dire pour le moment si les représentants se trouvent du côté des gagnants ou des perdants. Alors que certains défendaient bec et ongle la CSF et seront donc déçus du projet de loi, d’autres, plus critiques à l’égard de la CSF, pourraient être satisfaits tout en espérant économiser les frais pour être membre de la CSF.

Lire notre dossier complet – Révision de l’encadrement du secteur financier

Feu vert à la vente en ligne sans conseiller

Le projet de loi 141 précise l’encadrement applicable à la distribution des produits et services financiers en ligne dans le but de « permettre aux cabinets d’offrir des produits et services financiers par des moyens technologiques ».

Ce document viendrait modifier la LDPSF, précisant qu’« un cabinet peut, sans l’entremise d’une personne physique, offrir des produits et services dans une discipline dès lors qu’il a à son emploi un représentant qui peut pratiquer dans cette discipline. »

Ce paragraphe ouvrirait donc la porte à la distribution d’assurance de personnes en ligne sans l’intervention obligatoire d’un représentant. « On permet en effet une distribution en ligne, mais encadrée, avec un accès possible en tout temps à un représentant », précise Evelyne Verrier, avocate et associée du cabinet Lavery, dans un courriel.

La plupart des grandes institutions financières, dont la totalité des assureurs qui ont déposé un mémoire dans le cadre de la révision de la LDPSF, en 2015, sont favorables à ce qu’on puisse distribuer des produits et services financiers directement auprès des clients.

L’ACCAP, l’ABC, le Mouvement Desjardins, iA Groupe financier et le Groupe Investors figurent donc à la liste des « gagnants » par rapport à cette proposition.

Parmi ceux qui s’opposaient à la distribution d’assurance en ligne sans l’intervention obligatoire d’un représentant, notons la CSF, le Conseil des professionnels en services financiers, l’APCSF, Option consommateurs, Mérici Services financiers, Planifax et plusieurs représentants de MICA Services financiers.

Comme les représentants perdraient du pouvoir, en raison de cette proposition du projet de loi, on peut raisonnablement les classer du côté des perdants.

FISF bonifié

Le projet de loi 141 réforme également le Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF). Si ce projet de loi est adopté, le FISF indemniserait un client qui a fait affaire avec un représentant, « sans égard à la discipline ou à la catégorie de disciplines pour lesquelles il est autorisé à agir en vertu de son certificat ou de son inscription ».

Si les conditions d’admissibilité au FISF sont assouplies et si les possibilités pour les victimes de faire appel des décisions sont étendues, il semble clair que le nombre d’indemnisations va augmenter.

Est-ce que cela signifie que le FISF coûtera plus cher aux conseillers? « Oui, c’est sûr, il y aura plus de cotisations à payer, mais le Fonds va enfin agir de manière à atteindre les objectifs de sa mise en place, non? » a affirmé Jean Martel, associé en droit financier chez Lavery, dans une entrevue donnée à Conseiller.ca.

On peut raisonnablement donc classer les représentants du côté des perdants sur ce plan, puisque leur cotisation au FISF risque d’augmenter.

En 2015, l’élargissement des critères d’admissibilité ralliait plusieurs organisations, dont Option consommateurs, FAIR Canada et la CSF. Ils sortent donc gagnant de cette proposition du projet de loi.

Toutefois, des entreprises comme Mérici ou iA Groupe financier prônait le statu quo considérant qu’un élargissement des critères viendrait «déresponsabiliser» les consommateurs. Le Mouvement Desjardins, Quadrus et le Groupe Investors étaient quant à eux en faveur de l’adoption de la Corporation de protection des investisseurs (CPI), le fonds d’indemnisation de l’ACCFM, qui aurait découlé de sa reconnaissance en tant qu’organisme d’autoréglementation (OAR) au Québec. Ils font donc partie du camp des perdants.

Comme quoi, certaines institutions financières ne sont pas gagnantes sur toute la ligne de cette bataille de l’influence.