Philippe Pratte, président, chef des investissements et gestionnaire de portefeuille, chez Pratte gestion de portefeuilles, explique comment investir au Canada sans tomber dans ces deux pièges.
Finance et Investissement (FI) : Comment percevez-vous le biais en faveur des sociétés nationales des investisseurs canadiens ?
Philippe Pratte : J’ai remarqué au fil des ans que l’investisseur canadien est très patriotique dans ses choix de placement. Le fait d’investir dans des entreprises de son propre pays semble lui apporter un certain réconfort et de la sécurité.
FI : Selon vous, pour quelles raisons les investisseurs canadiens privilégient-ils souvent les investissements à saveur canadienne, et comment ce biais s’articule-t-il dans l’actif des investisseurs ?
Philippe Pratte : En plus de la sécurité mentionnée précédemment, de nombreuses raisons portent les investisseurs à privilégier le Canada. Voici les principales, à mon avis :
Tout d’abord, les nouvelles émissions ou syndications auxquelles participent les maisons de courtage ou les banques pour en faire la promotion auprès de leurs clients sont en grande partie des émissions d’actions ou d’obligations canadiennes.
Par ailleurs, on voit régulièrement des investisseurs, croyant avoir trouvé une occasion, surpondérer leur portefeuille d’une nouvelle émission vendue par leur institution. Surpondérer son portefeuille ajoute un risque à celui-ci et n’est pas recommandé.
Ensuite, j’ai remarqué que plusieurs institutions financières reproduisent leurs différentes répartitions d’actif selon le même modèle que les grands fonds de pension canadiens. Ces derniers semblent souvent privilégier une répartition plus prononcée en investissements canadiens du fait qu’ils contribuent de façon importante à l’économie canadienne et encouragent les nouvelles émissions du pays.
Finalement, le fait que les actifs soient plus accessibles aide à justifier une plus grande exposition en investissements canadiens dans les portefeuilles des résidents canadiens. On observe le même phénomène aux États-Unis, les Américains aussi ont tendance à être patriotiques dans leur répartition d’actif.
FI : Comment investir dans le marché intérieur en évitant les pièges du marché canadien ?
Philippe Pratte : En premier lieu, il est très important de respecter sa tolérance au risque et sa répartition d’actif, on ne cesse de le répéter. L’économie canadienne est fortement liée à la variation du prix des commodités et demeure volatile en tout temps. L’indice TSX de la Bourse de Toronto est le moins volatil, et le niveau de risque des petites capitalisations canadiennes du TSX Venture semble sous-estimé par plusieurs investisseurs canadiens. Il ne faut pas oublier que l’offre de produits canadiens est moins nivelée qu’aux États-Unis.
FI : Quel réflexe doit-on développer au moment d’analyser le marché canadien.
Philippe Pratte : Il faut se souvenir que les secteurs de l’énergie et des matériaux ont beaucoup de poids dans la balance des indices canadiens. Il est donc important pour l’investisseur canadien de rester diversifié et de ne pas sur-pondérer involontairement.
FI : Quels sont les secteurs à privilégier pour les prochains mois, quelle proportion les titres des secteurs de l’énergie et du secteur financier doivent-ils occuper dans un portefeuille, et vers quels autres secteurs est-il pertinent de se tourner ?
Philippe Pratte : Les secteurs de l’énergie et des matériaux sont actuellement dans une période de pause, ce qui pourrait bien constituer un point d’achat intéressant. On constate que de son côté, le secteur financier progresse, alors que plusieurs banques canadiennes ont déposé des résultats positifs au dernier quart.
En ce qui concerne les autres secteurs à surveiller, on retrouve celui de la santé, qui s’améliore et participe au rebond de Valeant (VRX). Ensuite, les secteurs des télécommunications et industriels restent stables. Je les considère même comme une partie non volatile d’un portefeuille, étant donné que ces secteurs sont souvent composés d’actions à faible bêta, versant un dividende. Les secteurs de l’information et de la consommation sont actuellement en perte de vitesse, et nous demeurons vigilants afin de trouver un point d’achat intéressant.
FI : Quel outil le client qui souhaite investir majoritairement au Canada doit-il privilégier ?
Philippe Pratte : Les FNB permettent d’exprimer des idées et de créer une diversification à faible coût.
Ils permettent également de prendre position dans un secteur spécifique, diminuant ainsi le risque lié à une société en particulier du fait qu’ils sont un panier d’actions.