Ainsi, depuis 2013, les fonds distincts à garantie de retrait à vie (GRV) affichent des rachats nets annuels, selon Strategic Insight. Les rachats nets annuels s’élevaient à 1,5 G$, en 2015 et 2016, et les rachats nets de janvier à mai 2017 se chiffraient à 943 M$. Résultat, la part de marché des produits à GRV en termes d’actif sur l’ensemble des fonds distincts est passée de 31,4 à 29,2 %, de décembre 2015 à la fin de mai 2017. L’actif en produits à GRV, qui stagne depuis quelques années, s’élevait à 34,5 G$ à la fin de mai, et celui de l’ensemble des fonds distincts, à 118,5 G$.
Cette tendance diverge de celle des fonds distincts sans ce genre de garantie, qui affichent plutôt des ventes nettes positives depuis 2014 et ont cessé d’afficher des rachats nets au moment où les ventes de produits à GRV déclinaient, en 2013.
Dans l’industrie, on ne nie pas que les ventes ne sont pas à la hauteur des attentes. «Les nouveaux produits à garantie de retrait à vie ne sont pas, en règle générale, aussi populaires que les produits qu’ils ont remplacés», acquiesce Bryan Vanderleeuw, directeur du développement des produits d’investissement garantis à la Financière Manuvie, dans un courriel. Cet assureur est numéro un de l’industrie avec 31,3 % des actifs sous gestion en produits à GRV. Rappelons, que depuis 2013, l’industrie a modifié son offre en remplaçant d’anciens produits par de nouveaux dans la foulée des nouvelles exigences réglementaires en matière de capitalisation et du coût occasionné par les garanties de capital lors des corrections boursières de 2000 et de 2008.
Même candeur chez iA Groupe financier, troisième acteur en importance avec 11,8 % des parts de marché derrière Great-West Lifeco (27,3 %). «Le contexte n’a pas été très favorable depuis le lancement de la série ÀVIE (la nouvelle gamme qui a remplacé la précédente nommée Eco flextra). Les taux d’intérêt sont faibles, et les marchés, stables. Cela ne facilite pas la tâche des conseillers qui vendent des produits à revenu garanti», témoigne Marie-Claude Poulin, directrice des produits d’épargne et de retraite individuelle chez iA Groupe financier.
Son confrère, Philippe Millette, vice-président régional aux ventes chez iA Groupe financier, tient à préciser que c’est surtout la stabilité des marchés qui porte ombrage aux produits à revenu garanti. «Il faut constater que les marchés sont à la hausse depuis sept ou huit ans», dit-il.
Retour sur les changements
Tant du côté de Manuvie que d’iA, on reconnaît que la nouvelle mouture des produits lancée en lieu et place des anciens produits s’avère moins avantageuse sous certains aspects. Toutefois, on ajoute que le produit demeure pertinent et dispose de nouvelles caractéristiques qui peuvent être à l’avantage du client.
«Contrairement à son prédécesseur, Manuvie RetraitePlus ne procure pas un taux de retrait garanti dans le contrat. En effet, le taux de versement peut fluctuer et il n’est fixé que lorsque le client passe de la phase de l’accumulation à celle du décaissement. De plus, le nouveau produit ne garantit pas de bonis différés et la garantie de capital au décès ou à l’échéance est de 75 %, et non de 100 %», reconnait Bryan Vanderleeuw.
Ce dernier note cependant que sa nouvelle mouture de produit à GRV, «RetraitePlus, est moins chère que les GRV traditionnels. De plus, le produit permettra aux clients de tirer profit d’une hausse des taux d’intérêt.»
iA Groupe financier émet des commentaires semblables. «Notre ancienne gamme de produits avait des taux de revenu garanti à vie. Maintenant, on se garde le droit de réviser les taux à la phase accumulation toutes les semaines. En plus, une fois à la phase décaissement, le choix des fonds à la disposition du client est moindre», reconnaît d’emblée Marie-Claude Poulin. Cependant, elle se réjouit que le client puisse dorénavant tirer profit d’une hausse des taux d’intérêt. Ces modifications ont permis à iA Groupe financier de revenir sur ce marché tout en offrant un produit à frais raisonnables et qui permet à l’assureur de respecter les nouvelles normes de capitalisation.
Une vérification faite sur le site web de l’assureur permet de constater que les options offertes à l’étape décaissement sont réduites. Si à l’étape «épargne», le client peut choisir à même 46 fonds, une fois à l’étape revenu (50 ans et plus) ce dernier devra opter entre le fonds Revenu Maximal Garanti composé à 100 % de titres à revenu fixe et le fonds Croissance et Revenu Garanti composé à 70 % de titres à revenu et à 30 % d’actions. Selon le fonds choisi et l’âge du client, le taux de revenu sera plus ou moins généreux.
Clients cibles
Malgré ces modifications aux fonds distincts à GRV, l’industrie s’entend pour dire que le produit est toujours pertinent. Chez Manuvie, on fait remarquer que «les GRV jouissent toujours d’une popularité incontestable auprès de certains représentants.» De plus, l’assureur souligne que le produit répond aux besoins de certains clients, soit notamment ceux dont la retraite arrive à grands pas et qui ne disposent pas d’un régime de retraite à prestations déterminées.
Philippe Millette fait remarquer que, selon lui, il ne s’agit pas d’un produit unique qui convient à tous les besoins du client : «On ne dit pas aux gens de placer toutes leurs billes dans ce seul produit. Je recommande les GRV surtout pour garantir les dépenses courantes ou de base du client.»
Le client disposera ainsi d’un revenu garanti qui lui permettra d’assumer l’essentiel de ces dépenses sans souci. Le GRV ferait en fait davantage partie des revenus du retraité que de ses actifs.
Encore des inconvénients
Le produit ne convient pas à tous pour autant et comporte des inconvénients dont il faut tenir compte. Dans ses notes de cours à HEC Montréal, le planificateur financier Denis Preston fait remarquer que les GRV font payer cher l’assurance d’un revenu garanti. «Des frais supplémentaires de 0,25 à 1,25 % s’ajoutent aux frais des fonds distincts», ce qui vient gruger le rendement du client. Dans l’industrie, on rétorque toutefois que l’écart est raisonnable compte tenu de la protection offerte. On fait également valoir que l’épargnant conserve l’accès à son capital. «On doit donc conserver des liquidités pour faire face à cette éventualité», explique Marie-Claude Poulin.
Toujours dans ses notes de cours, Denis Preston mentionne que la garantie n’est pertinente que pour les fonds d’actions. «Les frais de fonds distincts sont plus élevés que le rendement brut (avant frais) des rendements pondérés à l’échéance des indices obligataires. Par exemple, en date du 4 août 2017, ces rendements sont de 2,33 % (pour une duration de 7,4 ans) pour l’indice FTSE TMX Canada Universe Bond Index et de 2,86 % pour l’indice FTSE TMX Canada All Corporate Bond Index (pour une duration de 6,28 %)», rappelle-t-il. À titre d’exemple, le ratio de frais de gestion des fonds d’obligations ÀVIE d’iA Groupe financier, dans la phase «épargne» au 30 juin dernier varie de 2,37 % pour le fonds d’obligations court terme à 2,49 % pour le fonds tactique d’obligations. Quant au taux de rendement à plus long terme, il serait, selon les normes d’hypothèse de projection de l’Institut québécois de planification financière, de 3,9 % avant frais. D’où une espérance de rendement très faible sur les fonds distincts d’obligations. «Le problème est que les assureurs ne permettent pas d’investir seulement dans les actions», note Denis Preston qui reluque plutôt les rentes avec période de garantie. Pour les fonds d’actions, les frais sont plus élevés puisqu’ils varient, toujours dans l’exemple de iA Groupe financier, de 2,77 % pour le fonds actions revenu stratégique à 3,23 % pour le fonds d’actions canadiennes modérées.
Le chargé de cours constate que les flux monétaires de ces rentes sont supérieurs. Au 7 août 2017, un client de sexe masculin qui investissait 100 000 $ dans un GRV obtenait un flux monétaire annuel de 4 000 $ par rapport à 6 479 $ pour un investissement de 103 659 $ dans une rente avec une période garantie de 16 ans.
Denis Preston reconnaît cependant que les GRV possèdent des avantages. Parmi ceux-ci, il souligne la protection contre l’effondrement des marchés, la possibilité de réinitialiser les garanties, l’accès au capital et la possibilité de nommer des titulaires subrogés, des corentiers et des bénéficiaires, facilitant du coup les règlements de successions et protégeant mieux le capital contre des saisies éventuelles de créanciers.