Ils devraient plutôt mieux les encadrer ou prôner une meilleure divulgation au client.
C’est l’un des messages que des membres de l’industrie financière ont lancés à Mathieu Simard et Hugo Lacroix, respectivement conseiller en fonds d’investissement et directeur principal des fonds d’investissement à l’Autorité des marchés financiers (AMF) à l’occasion d’une consultation sur l’option d’abandonner les commissions intégrées, le 12 mai dernier.
À cet événement, plusieurs ont ciblé des solutions potentielles qui éviteraient aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) d’interdire les commissions intégrées et les FAR. En voici les principales.
Améliorer la divulgation
L’industrie devrait présenter au client à la fois un rendement annuel en pourcentage net de tous frais ainsi que la totalité des coûts facturés au client, quelque soit le mode de distribution, a proposé Gino Savard, président de MICA Services financiers. Ces modes de présentation devraient être uniformisés dans l’industrie.
« Même les gens qui n’ont pas une grande compréhension du système financier auraient des données importantes pour juger du système actuel pour pouvoir se comparer, a noté Gino Savard. Si vous faites cela, vous allez laisser la libre compétition aller dans un secteur transparent. »
Toute autre contrainte réglementaire supplémentaire risque de briser l’équilibre du système actuel, a-t-il ajouté. Selon Gino Savard, cet équilibre repose sur un système de répartition dans lequel les clients plus fortunés « subventionnent » indirectement le service donné aux épargnants moins nantis.
« Si on brise cet équilibre, on force à facturer le juste prix à tout le monde [pour le conseil] et on vient d’éradiquer l’accès au conseil », a-t-il souligné.
Niveler les commissions
Pour réduire les risques de conflits d’intérêts, les régulateurs pourraient encadrer les rémunérations versées par les manufacturiers de fonds aux courtiers et aux conseillers. La commission de suivi pourrait être identique, quel que soit le produit financier distribué.
« Le conflit d’intérêts devient alors inexistant », a estimé Éric F. Gosselin, représentant en épargne collective chez Services en placements PEAK.
Avec un pourcentage de commission unique, un conseiller ne pourrait pas être tenté d’offrir un fonds juste parce que celui-ci le rémunère davantage. Les chances seraient meilleures que la tolérance au risque du client soit ainsi mieux respectée.
Une variante de cette solution serait d’offrir la même commission pour des fonds de chaque catégorie d’actif. La commission de suivi serait supérieure pour les fonds d’actions mondiales et inférieure pour les fonds du marché monétaire.
Plutôt qu’abolir les commissions, les régulateurs pourraient mieux encadrer les commissions. Par exemple, ils pourraient améliorer la mise en application des règles et favoriser une meilleure gestion des conflits d’intérêts.
Encadrer les FAR
Au lieu d’interdire les FAR, les régulateurs devraient mieux les encadrer. Par exemple, ceux-ci pourraient abolir ce mode de rémunération pour les clients âgés, qui ont un faible horizon de placement ou qui sont en mode « décaissement » de leur actif.
Éric F. Gosselin propose même de remplacer les FAR dont les échéances sont les plus longues par des FAR à faible échéance, comme les frais d’acquisition réduits aussi connus comme « low load ». Rappelons que ce dernier mode de paiement paie au conseiller une commission de vente inférieure, allant jusqu’à 3 % généralement. Pour le client, le frais de rachat est aussi inférieur et l’échéancier lui permettant de racheter sans frais ses parts de fonds est aussi moins long, soit trois ans.
« On pourrait permettre le low load de trois ans. C’est raisonnable comme temps de détention. On peut le baliser pour éviter qu’une clientèle vulnérable soit prise avec des frais à payer lorsqu’ils auront des besoins financiers », a-t-il fait valoir.
À cet événement, cette proposition était loin de faire l’unanimité. L’un des conseillers présents, Benoît St-Laurent, représentant de courtier en épargne collective chez Services financiers Primerica, a souligné que cette proposition réduirait significativement ses revenus de première année. Selon lui, il sera alors difficile de servir un nouveau client ayant peu d’actif à investir.
Laisser le choix au client
Selon Benoît St-Laurent, le régulateur devrait tout simplement maintenir le statu quo : « Pour un client qui a 10 000 $ à investir, je ne peux pas le prendre à rémunération sur honoraires. Il faut quand même que je gagne ma vie, que je paie mon hypothèque. Le FAR me permet quand même de prendre ce client-là, de l’éduquer, de lui expliquer c’est quoi un REER et de le servir. »
D’autres conseillers ont souligné que les FAR leur permettent de payer leurs dépenses de bureau, leurs adjoints administratifs et financer leurs coûts lorsqu’un client a peu d’actif à investir.
Selon Benoît St-Laurent, les FAR sont beaucoup moins contraignants pour le client que les certificats de placement garanti non rachetables sur cinq ans qui sont offerts par des institutions financières. « Je ne vois pas où est le problème d’un FAR divulgué. Au pire, le client paye 5 % de frais de sortie. Qu’est-ce qui est pire entre ça et geler l’actif d’un client sur 5 ans où peu importe ce qui se passe dans sa vie, il ne peut pas le transférer. Le FAR est moins contraignant », a dit Benoît St-Laurent.
Il reste que la beauté du système actuel est qu’il laisse le choix au client entre de multiples options : les honoraires, les frais prélevés à l’acquisition, sans frais d’acquisition, avec FAR et à frais d’acquisition réduits, entre autres. Cette souplesse devrait être maintenu, selon Daniel Binette, planificateur financier et représentant en épargne collective chez Desjardins sécurité financière Investissements.
« Je ne comprends pas l’utilité de prendre le client par la main, a-t-il lancé. Laissons-leur le choix, aux clients. Les clients ont tout ce qu’il faut pour décider. »
Selon lui, les autorités règlementaires devraient encadrer plutôt le conflit d’intérêts des firmes qui ont des quotas de vente ou des objectifs de distribution rigides. « L’enjeu du conflit d’intérêt, c’est lorsqu’un conseiller salarié a l’obligation d’obligation de vendre le produit que son employeur l’oblige à vendre. Il est là le conflit », a noté Daniel Binette.
Les autorités règlementaires devraient plutôt s’attarder aux risques et aux inconvénients des honoraires, a estimé Bertrand Larocque, représentant en épargne collective et trésorier de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers.
« J’ai connu la rémunération directe des années 1980. La rémunération intégrée n’existait pas. Après 1987, les représentants, ça tombait comme des mouches. Après cela est arrivée la récession des années 1990 et il y a eu les commissions, a-t-il relaté. Dans les cycles haussiers, ce n’est pas difficile pour les clients d’acheter. Et ce n’est pas difficile la rémunération directe. Dans les crises financières, [c’est le contraire, pourtant] c’est là que les clients ont le plus besoin de soutien et de conseils, et de prendre les bonnes décisions. La rémunération directe n’a pas de réponse à ça. »
Hausser les standards de scolarité
Tenter d’éliminer les conflits d’intérêts dans l’industrie est un exercice futile, selon un conseiller en sécurité financière qui est intervenu à cette occasion, dont le prénom est Daniel. Le conflit se retrouve dans tous les domaines et toutes les carrières, a-t-il souligné notant qu’un dentiste doit gérer chaque jour des conflits d’intérêts. Le capitalisme lui-même est un conflit d’intérêts. »
Au lieu d’éliminer les commissions intégrées, les régulateurs devraient plutôt élever les examens requis avant de se lancer dans la profession, selon lui : « Ceci va avoir par conséquent d’augmenter la confiance que les consommateurs ont envers l’industrie et les professionnels qui y pratiquent. »