Cette année a été éblouissante pour les marchés canadiens, l’Indice composé S&P/TSX ayant produit un rendement total de plus de 22 % en 2016. Mais le marché a-t-il grimpé trop vite et trop tôt? C’est ce dont s’inquiètent plusieurs gestionnaires de fonds canadiens, bien que beaucoup d’entre eux pensent encore qu’il y a des occasions à saisir. Nous avons parlé à cinq experts du placement sur la direction du marché en 2017.
Tim Caulfield, gestionnaire du Fonds d’actions canadiennes Franklin Bissett
Cote des analystes Morningstar : Argent
Nous avons assisté à une grande reprise du marché à l’orée de 2017, et bien que tout le monde aime les marchés haussiers, la vérité est que malheureusement, si les rendements vont surpasser la croissance dans la valeur sous-jacente d’une entreprise, cela modère notre enthousiasme sur les rendements absolus. Nous pensons toujours qu’il y a des occasions pour les gestionnaires actifs qui peuvent tirer parti de la dislocation continuelle du marché boursier canadien. Tout en étant prudemment optimistes sur les rendements absolus, nous pensons donc qu’il y a une occasion fantastique de générer des rendements relatifs solides.
Nous essayons de suivre l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur le marché. Les taux ont baissé pendant si longtemps qu’il est difficile pour tout le monde, investisseurs comme dirigeants de sociétés, de se rappeler ce que c’est que d’avoir des taux d’intérêt bien plus élevés. C’est comme si on se trouvait dans un environnement d’apesanteur, où les astronautes restent sur place et ont graduellement perdu l’usage de leurs muscles parce que cela fait pas mal de temps qu’ils ne sont pas obligés de combattre la gravité. Si nous voyons une augmentation des taux avec le temps, nous allons aussi voir de quel bois beaucoup de ces sociétés se chauffent. Les sociétés, nous l’avons vu, ont fait beaucoup de fusions et d’acquisitions et augmenté leur endettement sur leur bilan, et il sera intéressant de voir ce qui va se passer.
Jeff Mo, gestionnaire du Fonds Mawer Nouveau Canada
Cote des analystes Morningstar : Argent
Nous sommes prudemment optimistes pour 2017. L’économie canadienne paraît prête à passer une autre année de croissance économique lente mais positive, et l’optimisme règne à la fois sur une augmentation du prix du pétrole et une relance de l’économie américaine. Toutefois, chez Mawer, nous nous concentrons sur les données fondamentales, et bien que les chiffres sous-jacents soient positifs, de fortes attentes ont été intégrées aux cours boursiers. Un rendement positif modeste serait considéré comme le signe d’une bonne année pour les clients de nos fonds à petite capitalisation.
À notre sens, le plus gros risque auquel nous puissions être confrontés est celui que posent les attentes intégrées aux cours des actions. Les actions pétrolières ont intégré à leurs cours un prix du pétrole plus élevé, alors que les actions qui suivent l’économie générale ont des ratios d’évaluation plus élevés que la moyenne et évoluent dans une conjoncture de croissance économique plus faible que la moyenne. Les actions qui ont bénéficié du fait que l’on attendait un accroissement des dépenses d’infrastructure aux États-Unis peuvent aussi trouver difficile de répondre à ces attentes puisque les dépenses d’infrastructure tendent à se concrétiser plus lentement que certains investisseurs ne l’attendent.
Cherchez là où personne ne cherche. Les secteurs sensibles aux taux d’intérêt comme l’immobilier et les services publics sont tombés en disgrâce. Certaines sociétés de ces secteurs ont d’excellentes perspectives de croissance, se négocient actuellement à des évaluations moins strictes et pourraient être capables d’équilibrer la hausse des rendements par des projets de croissance. De plus, certaines compagnies technologiques qui se sont bien comportées en 2015 sont tombées en disgrâce en 2016.
Marian Hoffman, co-gestionnaire du Fonds d’actions canadiennes Sionna
Cote des analystes Morningstar : Bronze
Cette année s’est terminée par une reprise, causée en partie par le rebond de l’énergie et une certaine remontée des matériaux. Au lendemain de cette reprise, nous avons des attentes plus modestes pour 2017 et ne serions pas surpris si la nouvelle année était marquée par une plus grande volatilité et un repli. Beaucoup des choses qui se sont passées ont été davantage dictées par l’humeur du marché, et cela nous donne plus à réfléchir que si elles reposaient sur les données fondamentales. L’énergie a été surpondérée ces deux dernières années et nous pensons qu’elle peut encore progresser compte tenu du prix actuel du pétrole. Nous n’avons pas encore vu l’augmentation du prix du pétrole se refléter dans les résultats des sociétés. Je ne pense pas qu’il soit aussi attrayant que par le passé, mais je pense qu’il peut encore évoluer.
Une chose que nous surveillons est la poursuite des tensions entre la gestion active et la gestion passive. Pris ensemble, les gestionnaires actifs n’ont pas su se différencier ces dernières années. Certains signes montrent que 2016 a été un moment où les gestionnaires actifs ont mieux su faire la preuve de leur valeur, et peut-être verrons-nous donc une reconnaissance accrue du fait que les marchés aient besoin de gestionnaires actifs. Mais il faut qu’ils fassent la preuve de leur valeur et qu’ils méritent les frais qu’ils font payer.
Brandon Snow, gestionnaire de la Catégorie de société d’actions canadiennes Cambridge CI
Cote des analystes Morningstar : Bronze
Nous nous attendons à un retour de la volatilité en 2017. La reprise qui s’est produite depuis l’élection de Donald Trump a été soutenue par des données économiques plus robustes, mais je ne suis pas convaincu qu’elle va se poursuivre, et les attentes sont devenues trop élevées. Bien que nous ne trouvions pas l’indice attrayant, nous trouvons des domaines plus spécifiques dans lesquels investir.
Un risque est l’incertitude qui règne sur ce que va faire le gouvernement de M. Trump au niveau des accords commerciaux. Il pourrait y avoir des incidences importantes sur certains produits et sociétés difficiles à évaluer à l’avance. L’autre grande préoccupation que nous avons a trait à la Chine. Les problèmes structurels de ce pays n’ont pas été résolus, et les pressions qui s’exercent sur la liquidité à l’intérieur du pays et sur la devise en raison des sorties d’argent continuent à monter. Nous craignons une dévaluation importante du renminbi.
Nous trouvons de nos jours davantage d’occasions dans des domaines moins risqués comme les soins de la santé et les biens de consommation courante, dans certaines actions bien choisies, alors qu’en même temps les cas de croissance à long terme dans la technologie ont reçu une évaluation plus attrayante. La patience et la prudence seront à l’ordre du jour l’année prochaine. Nous continuons à voir beaucoup de spéculation qui occasionne des mouvements brusques du marché. Nous demeurerons fidèles à la discipline de notre processus ascendant et utiliseront ces périodes de volatilité dans l’intérêt de nos clients.
Mike Leonard, stratège en chef des actions, Morningstar Canada
Le ratio cours/valeur comptable de l’action canadienne moyenne est presque toujours entre 1,4 et 2. Entre 1985 et 2015, les deux seules fois où ce ratio est descendu au-dessous de 1,4 ont été la récession de 1990 à 1992 et la crise financière de 2008. Le ratio cours/valeur comptable médian au Canada est actuellement de 1,52, ce qui veut dire que la plupart des actions au Canada sont relativement bon marché par rapport aux évaluations effectuées pendant les 32 dernières années.
Le rendement des capitaux propres de l’action canadienne moyenne a baissé entre mars 2015 et juillet 2016, principalement en raison de la baisse du prix des ressources naturelles. Depuis juillet, le RCP médian a augmenté. Si les prévisions de bénéfices effectuées par les analystes d’actions canadiennes se réalisent, en tout ou en partie, en 2017, le RCP des sociétés sera le plus élevé qu’on ait connu au Canada depuis plus de 30 ans.
Entre mai 2015 et juillet 2016, la croissance médiane des bénéfices des sociétés canadiennes d’une année sur l’autre a été négative, et plus de la moitié des sociétés canadiennes voyaient décliner leurs bénéfices. Ce chiffre est devenu positif en août et se situe actuellement à 3 %. Si les estimations des analystes se réalisent pour le quatrième trimestre, la croissance des bénéfices d’une année sur l’autre augmentera jusqu’à 5,8 %, ce qui est de bon augure pour une amélioration continue du RCP des sociétés. La hausse de la croissance des bénéfices alimente cette augmentation du RCP. Ce sont là de très bonnes conditions pour ceux qui souhaitent investir dans les actions canadiennes.