Ainsi, le projet de loi 141 prévoit qu’un client pourra souscrire de l’assurance par internet sans intervention obligatoire d’un représentant. Or, Annik Bélanger-Krams, avocate à Option consommateurs, souligne qu’en matière de produits et services financiers, les consommateurs sont encore plus vulnérables parce que ce sont des produits qui sont complexes : « Le consommateur moyen ne connaît pas bien les produits, c’est un profane dans ce domaine alors qu’il fait face à des initiés qui connaissent les règles du jeu et les produits. Une mauvaise décision peut avoir des conséquences catastrophiques. »
Elle souligne donc que le consommateur moyen n’a pas les outils pour bien comprendre et comparer les produits qu’on lui offre. Laissé à lui-même, le client pourrait également, de bonne foi, ne pas divulguer les bonnes choses aux assureurs, ce qui pourait l’amener à croire à tort qu’il est assuré convenablement.
Selon Option consommateurs, le projet de loi vise à permettre la distribution de produits d’assurance en ligne sans l’encadrer suffisamment. Elle redoute la création de modèles d’affaires selon lesquels un cabinet aurait dans son personnel un seul représentant certifié et un nombre important de téléphonistes, sans obligations déontologiques et dont le métier est plus près de celui d’un vendeur.
« Le consommateur qui transige en ligne fera donc affaire, sans le savoir, avec une personne qui n’a pas les mêmes obligations que le représentant. »
« Est-ce que ça veut dire qu’un cabinet qui emploie 100 personnes n’a qu’à avoir un seul représentant certifié? C’est complètement inacceptable », indique Annik Bélanger-Krams. Elle a souligné qu’Option consommateurs prône une distribution hybride, donc qui combine le travail d’un représentant avec celui d’une souscription en ligne.
Lire notre dossier complet – Révision de l’encadrement du secteur financier
Questionnée à savoir si l’industrie entend s’autorèglementer afin que la personne qui parle au consommateur soit bel et bien quelqu’un qui peut donner du conseil, Lyne Duhaime, présidente pour le Québec de l’Association des compagnies d’assurances de personnes répond ceci lors d’une récente entrevue donnée la semaine dernière : « Les assureurs vont vouloir que la loi soit respectée et que si le consommateur a besoin de conseil, qu’il ait le meilleur conseil possible. Parce qu’ultimement, dans une relation à long terme avec le client potentiel, il a tout intérêt à ce que la personne ait tous les conseils qu’elle a besoin, si elle en a besoin. »
L’avocate d’Option consommateurs déplore également que le projet de loi ne limite pas les produits d’assurance qui peuvent être offerts en ligne, soulignant que certains produits complexes d’assurance vie qui prévoient une part d’investissement ne devraient pas être vendus en ligne.
« L’autorèglementation des entreprises en fonction des règles du marché n’est jamais un bon outil pour protéger le consommateur. On aurait aimé que le législateur intervienne à ce niveau et ça n’a pas été fait. C’est une autre lacune du projet de loi. »
Lyne Duhaime a également récemment souligné que les assureurs n’ont pas l’intention de permettre la distribution de n’importe quel produit d’assurance en ligne.
Option consommateurs espère que l’AMF interviendra rapidement pour baliser la distribution d’assurance en ligne.
L’absorption de la CSF est un recul
Selon l’organisme de défense des intérêts du consommateur, l’intégration des fonctions de la CSF à l’AMF représente un recul de protection du consommateur.
Selon Annik Bélanger-Krams, la concentration des mandats peut être problématique, alors que le régime actuel est efficace et atteint son objectif de protéger les clients. L’encadrement actuel fonctionne bien. « Le regroupement de la responsabilité d’encadrement à l’intérieur d’un seul organisme pourrait conduire à l’affaiblissement de l’encadrement des représentants au profit de l’encadrement des cabinets », dit-elle.
« C’est primordial que les représentants continuent d’être encadrés par un régime professionnel de responsabilité individuelle, continue d’avoir les mêmes obligations déontologiques. L’encadrement des cabinets fonctionne en complémentarité à l’encadrement des représentants. En amputer une partie représente un recul inacceptable. »
Moins d’obligations pour le représentant?
Même si un client continue de faire affaire avec un représentant certifié, ce client traitera-t-il avec un représentant ayant des obligations aussi étendues? Options consommateurs exprime des craintes à cet égard.
Le projet de loi élimine l’expression « il agit comme conseiller » prévue dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF), selon Annik Bélanger-Krams : « Cela nous fait craindre la perte du devoir de conseil ainsi que de la professionnalisation des représentants, ce qui est extrêmement risqué. Est-ce que cela veut dire qu’éventuellement, les produits d’assurance pourraient être offerts par une personne qui n’est pas certifiée ? »
« En ce qui concerne la disparition de la notion de conseiller du projet de loi, ce n’est pas l’interprétation que nous en faisons », déclare Lyne Duhaime, dans un courriel, en réponse au communiqué de presse d’Option consommateurs.
Par ailleurs, Options consommateurs s’inquiète de la modification de l’article 27 de la LDPSF, prévue dans le projet de loi 141, qui viendrait éliminer l’obligation de présenter au consommateur les produits et services financiers qui lui conviennent le mieux.
« Cette obligation est remplacée par celle de lui présenter des produits et de lui donner des conseils. En lisant cela, il semble que le représentant n’a plus l’obligation de présenter au client les produits qui lui conviennent le mieux, mais tout simplement de lui conseiller des produits en fonction de ses besoins. C’est un recul qui est grand et inacceptable », soutient Annik Bélanger-Krams.
Sur une note plus positive, Options consommateurs se réjouit que le projet de loi accroit les responsabilités des assureurs à l’égard des distributeurs d’assurance et qu’il améliore la couverture du Fonds d’indemnisation des services financiers pour les clients.