Ainsi, les ventes nettes de fonds communs individuels à long terme s’élevaient à 15,4 G$ de janvier à août 2017, par rapport à des ventes nettes de fonds de fonds à long terme de 21,8 G$ durant la même période. En comparaison, pour toute l’année 2016, les FCP individuels ont enregistré des rachats nets de 6,8 G$, alors que les fonds de fonds affichaient des ventes nettes de 36,6 G$, d’après Strategic Insight.
La fin des rachats nets de FCP individuels en 2017 est en quelque sorte un retour à la tendance des cinq dernières années. Selon cette dernière, les FCP individuels affichent des ventes nettes certes, mais plus faibles que celles des fonds de fonds, les ventes des premiers représentant de 5 à 60 % de celles des seconds.
Une combinaison de tendances structurelles et conjoncturelles explique ces chiffres.
Sur le plan conjoncturel, l’actuel marché haussier y est pour quelque chose, selon Dan Hallett, vice-président et associé, gestion d’actifs, chez HighView Financial Group. «Certains clients sont déçus par la performance de leurs portefeuilles plus conservateurs. En conséquence, les nouveaux actifs et certains actifs existants sont redirigés des fonds de fonds et vers des fonds individuels. Quand le marché baissier nous frappera, je m’attends à ce que cette tendance à court terme s’inverse et s’aligne sur la tendance à plus long terme qui favorise les fonds équilibrés et les fonds de fonds.»
De plus, en 2017, «les gens ont cherché à obtenir une exposition à certaines catégories d’actif, comme les fonds d’actions américaines et les fonds internationaux, et certains mandats de titres à revenu fixe», ajoute James Gauthier, chef de la recherche sur les fonds chez Industrielle Alliance Valeurs mobilières.
Sur le plan structurel, plusieurs facteurs expliquent la dominance des fonds de fonds, dont la force des réseaux de distribution des banques et des caisses, qui offrent principalement des fonds de fonds.
«Ce phénomène se produit depuis plusieurs années, dit James Gauthier. Les succursales bancaires ont vraiment le meilleur réseau de distribution. Beaucoup de consommateurs y entrent et elles essaient de tirer profit de leur capacité à mener des activités de gestion de patrimoine.»
Les grands réseaux de distribution bancaires, dont les conseillers sont en général moins qualifiés, ont davantage besoin de conseils standardisés, soutient Dan Hallett : «Tous ceux à qui j’ai parlé et qui ont reçu des conseils en investissement dans une succursale bancaire ont suivi un processus d’analyse de leur profil de risque assez simple et identique, pas un véritable processus de planification financière. Ensuite, ils ont été dirigés vers l’un des fonds de fonds de la banque, plutôt que vers une combinaison de FCP individuels d’actions et d’obligations.»
Le besoin de standardiser le processus d’investissement n’est pas strictement l’apanage des succursales bancaires ou des caisses, ajoute Dan Hallett : «Au fil des ans, pour une pratique plus efficace, les coachs de conseillers ont préconisé l’utilisation de fonds de fonds pour de nombreux clients. L’utilisation de fonds équilibrés et de fonds de fonds est sensée pour de nombreuses situations simples, dans le cas de clients débutants ou dont le compte est de petite taille.»
En outre, des conseillers adoptent de plus en plus les fonds de fonds (fund wraps), d’après une étude de Strategic Insight. D’abord, plusieurs manufacturiers de fonds offrent des solutions de ce genre pour les clients bien nantis, comme le Programme de placement privé de Fidelity, et ces solutions suscitent un certain intérêt chez les conseillers.
De plus, une tendance s’accentue chez les conseillers en placement et les conseillers qui ne travaillent pas dans les réseaux bancaires : «ils « abandonnent » une partie des décisions d’allocation d’actifs aux gestionnaires d’actifs professionnels. Cette tendance était marginale il y a 10 ans», d’après cette étude. Cela stimule la vente de fonds de fonds.
Dan Hallett observe cette tendance, mais James Gauthier émet des réserves : «Les conseillers ont des exigences sur le plan de la connaissance du client. Certaines catégories d’actif sont liées à certains objectifs et si vous déviez trop du plan, vous allez avoir un drapeau rouge de la con-formité. L’allocation d’actif doit être faite par le conseiller.»
L’étude de Strategic Insight soutient aussi que les conseillers en placement ont adopté de manière importante les comptes à honoraires et la gestion discrétionnaire: «Dans les programmes discrétionnaires qui gagnent du terrain, les FCP ne sont pas une option de placement privilégiée. Ce fait, jumelé au fait qu’on s’attarde davantage au coût et à la valeur du conseil, a stimulé la croissance des fonds négociés en Bourse (FNB) dans ce réseau de distribution, et ce, aux dépens à la fois des fonds gérés activement et des titres financiers individuels».
Selon James Gauthier, les succursales bancaires continueront de distribuer des fonds de fonds. Les éventuelles nouvelles exigences en matière de connaissance du produit de la part des conseillers auront aussi un impact, qui dépendra de ces exigences. «Dans le futur, les courtiers pourraient restreindre les produits disponibles dans les étagères des conseillers en réponse aux changements dans la réglementation. Et cela influencera où l’argent va», dit James Gauthier. Des exigences accrues en matière de connaissance du produit pourraient éventuellement nuire aux ventes de FCP individuels, alors qu’un possible encadrement de l’offre de produits maison aurait peut-être l’effet inverse.
Il reste que la performance des FCP par rapport à celle des produits concurrents pèsera lourd dans l’adoption future des FCP individuels, des fonds de fonds ou des FNB, selon Dan Hallett.