Ce résultat montre une croissance par rapport à l’an dernier, alors que 51,6 % des conseillers s’étaient déclarés favorables à une réduction des écarts entre les fonds distincts et les FCP.
«Les mentalités évoluent et c’est tant mieux. Une plus grande transparence fera que les clients pourront prendre des décisions plus éclairées», constate Michel Mailloux, planificateur financier et président de Déontologie.ca.
«Les gens arrêteraient de se faire prendre avec des frais trop élevés, pour une garantie dont ils n’ont peut-être pas besoin», dit un conseiller sondé.
«C’est urgent, ça doit se faire, parce que beaucoup de représentants dans l’industrie ne font pas les choses correctement. Ils ne travaillent pas pour le client, mais plus pour leur poche», ajoute un autre.
D’autres sont plus cyniques. «Ça ne me dérange pas vraiment qu’on divulgue les frais, les clients ne comprennent pas plus.»
Certains mettent encore en question le principe même de dévoiler leur rémunération. «Est-ce que tu demandes aux pharmaciens, épiciers et médecins s’ils affichent leur rémunération ?» demande l’un d’eux.
Ne montrer qu’une partie de la rémunération, soit celle liée à la distribution, risque d’induire le client en erreur, d’après certains répondants. «En se basant seulement sur une partie, il peut trouver qu’on gagne trop, mais il n’aura pas l’ensemble du portrait.»
L’un d’eux dit qu’il quittera carrément la profession le jour où il devra dévoiler sa paye à tout le monde. Plusieurs mentionnent enfin qu’ils sont pour, à condition que la règle s’applique aussi aux banques.
Certains conseillers sont-ils tentés de vendre plus de fonds distincts pour éviter la divulgation ? Peut-être certains, mais ce n’est pas généralisé, selon Normand Morin, directeur général d’Excel Gestion privée.
«Chez ceux qui ont les deux permis, en général, la règle est d’offrir le produit qui s’applique au client. A-t-il besoin d’une garantie au décès ou à l’échéance ? Dans certains cas, non, et évidemment, cette garantie a un coût qui a un impact sur les frais de gestion», dit-il.
S’il y a une tendance à l’arbitrage, elle va s’estomper avec le temps. «Même si la réglementation n’a pas avancé beaucoup, on voit que les cabinets et les assureurs mettent de la pression sur les agents généraux pour qu’ils surveillent plus les transactions et les comptes des clients en fonds distincts», note Normand Morin.
Une volonté des régulateurs
Les conseillers n’auront peut-être pas d’autre choix que de se résigner, si l’on se fie aux volontés du CCRRA. Dans un document de consultation publié en mai 2016, l’organisme suggérait que les sociétés d’assurance soient tenues de faire connaître tous les frais que paie le titulaire du compte, à savoir la rémunération du gestionnaire de fonds, des conseillers juridiques et des comptables, ainsi que les frais de garde et de tenue des comptes.
Plusieurs mémoires déposés, dont celui de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), sont favorables à une harmonisation des règles entres les fonds distincts et FCP. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) se dit d’accord pour harmoniser les deux produits, mais exige que l’ensemble du ratio des frais de gestion (RFG) soit divulgué.
L’ACCAP suggère que dans le cas des fonds distincts le RFG se scinde en trois éléments : les frais d’administration, ceux de distribution et ceux d’assurance.
Il ne faudrait pas croire pour autant que les assureurs sont «des saints», prévient Michel Mailloux. «Quand on contrôle toute la chaîne, on peut déplacer les profits où bon nous semble…», fait-il remarquer.
Il souhaite que les régulateurs aillent de l’avant. Si l’industrie de l’assurance semble vouloir adopter elle-même une plus grande transparence, elle devrait être soumise aux mêmes règles que celle des valeurs mobilières. «Je ne crois pas à l’autorégulation dans l’industrie, dit-il. Tous les produits devraient être traités de la même manière.»
Les conseillers sondés ne sont pas aussi prompts à se prononcer pour la divulgation totale. À la question : Seriez-vous prêt à divulguer à vos clients l’ensemble de la rémunération que vous recevez ainsi que celle reçue par tout intermédiaire, comme un agent général de distribution d’assurance ?, près de la moitié, soit 48 %, ont répondu par l’affirmative.
«Ça m’importerait peu, dit un répondant. C’est une question de transparence et les clients pourraient se rendre compte que les courtiers ne font pas tant d’argent.»
La plupart de ceux qui sont contre disent que le client aurait de la difficulté à comprendre la rémunération de première année en assurance, qui est plus élevée que pour les années subséquentes. «Et enlever la rémunération de première année rendrait l’accessibilité au secteur du courtage difficile et laisserait l’espace aux banques pour offrir des produits», dit l’un d’eux.
«Le service est étalé sur 20 ans et la paye est sur un an. Donc, c’est stupide de montrer les rémunérations. Le client ne prendrait pas en compte le suivi qui est fait. Il n’y a pas de matching entre le service dans le temps et la rémunération», dit un autre.
Normand Morin croit que toute l’information devrait être divulguée, mais de façon détaillée et claire. Il précise qu’il faudrait distinguer les frais pour la garantie, les frais de gestion et les frais d’opérations.
«Si l’on indique seulement le RFG, ça peut être trompeur. Le client verra que pour tel produit, les frais sont plus élevés, donc qu’il est trop cher, alors que ce n’est pas nécessairement le cas. Vient-il avec des garanties, comme un fonds distinct ? Si c’est ce que souhaite le client, il doit s’attendre à payer plus.»