«Il faut conserver les commissions de suivi, sinon les petits clients seront laissés à eux-mêmes.» Cette opinion reflète celle de la grande majorité des 124 responsables de la conformité, dirigeants et directeurs de succursale qui ont participé au sondage lié au Pointage des régulateurs de Finance et Investissement.
Les répondants étaient invités à se prononcer sur le type d’encadrement que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) devraient implanter par rapport aux commissions de suivi des fonds communs de placement.
Seule une poignée de répondants s’est dit en faveur de l’abolition des commissions de suivi et de la rémunération sur honoraires en tant qu’unique mode de rémunération.
Quelques conseillers ont évoqué la possibilité de «plafonner les commissions» et de «diminuer les commissions d’entrée».
De plus, en forte majorité, les répondants jugent que la nouvelle réglementation issue de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) va suffisamment loin pour protéger les intérêts du public. «Il faut plus de transparence. Grâce à la nouvelle réglementation, c’est ce qui se fait déjà. Il faudra donc veiller à bien l’appliquer», résume un répondant.
Rappelons que dès 2017, plusieurs clients commenceront à recevoir des relevés précisant au dollar près la rémunération de leur courtier dans le cadre du MRCC 2.
Par ailleurs, la majorité des responsables de la conformité et des dirigeants sondés croient que les nouvelles règles de divulgation de la rémunération doivent s’appliquer, tant dans l’univers des fonds distincts que dans celui des fonds communs de placement.
Expériences peu concluantes
L’avenir des commissions de suivi est un sujet brûlant d’actualité, étant donné que les ACVM prévoient de communiquer leurs orientations à cet effet d’ici juillet prochain. Or, les dernières études publiées par les ACVM sont très critiques. On y affirme notamment que les recommandations des conseillers sont parfois biaisées au profit des produits qui génèrent le plus de commissions (http://tiny.cc/p9hs9x).
Les ACVM aboliront-elles les commissions de suivi ? Consultant auprès de firmes en gestion de patrimoine, Jean Morissette affirme que les dés ne sont pas jetés.
«Est-il pertinent d’abolir les commissions de suivi ? Cela n’est pas prouvé. L’expérience de l’abolition des commissions de suivi en Grande-Bretagne et en Australie n’est pas concluante, car les petits clients ont été exclus du conseil financier», souligne-t-il.
«Au Canada, l’industrie a encore le temps de démontrer l’utilité des commissions de suivi. Les ACVM n’ont encore rien décidé», dit l’ancien président de Services Financiers Partenaires Cartier et ex-associé fondateur de Talvest.
Beaucoup d’inquiétude
André Martel, président de Services Financiers André Martel, croit au contraire que les commissions de suivi sont en sursis.
«À moyen terme, d’ici trois à cinq ans, les commissions à la vente seront probablement interdites. Et la rémunération par honoraires sera probablement le modèle qui s’imposera. Ma clientèle a actuellement le choix entre ces deux modes de rémunération», précise André Martel.
Le représentant en assurance de personnes et épargne collective de Saguenay (Chicoutimi) ajoute que la pression pour l’élimination des commissions de suivi pourrait aussi venir des «grandes institutions financières comme les banques, qui auront plus de facilité à gérer les comptes sur honoraires».
Selon lui, bon nombre de conseillers anticipent ces changements possibles avec beaucoup d’inquiétude : «Pour certains, c’est l’heure de la retraite qui sonne plus vite que prévu, car ces conseillers ne sont pas prêts à justifier d’éventuels honoraires».
«Plusieurs conseillers redoutent même la divulgation, car ils n’ont pas pris l’habitude de rencontrer leurs clients et de leur prouver, par leurs actions, la valeur du conseil», ajoute André Martel.
Par ailleurs, Jean Morissette croit aux bienfaits de la pluralité des modes de rémunération des conseillers : «Les clients ayant un actif de moins de 500 000 $ n’auront pas intérêt à passer à des comptes sur honoraires. Les coûts seront trop élevés.»
À ses yeux, la divulgation «pleine et complète» semble la voie à suivre.
«Les clients doivent être informés de ce qui constitue une juste rémunération par rapport aux services reçus. Je crois que l’industrie doit produire des enquêtes de référence (benchmark) qui montreraient quelle est la rémunération moyenne des conseillers par rapport à la taille de l’actif et par rapport au service reçu, comme le rééquilibrage du portefeuille et la planification de retraite», précise-t-il.
Si la divulgation est complète et si les consommateurs peuvent comparer ce qu’ils reçoivent, «l’industrie des fonds communs regagnera toute sa crédibilité, poursuit Jean Morissette. Et la question de la rémunération ne sera plus un enjeu. La pluralité des modes de rémunération sera un atout pour l’industrie».