«Il faut maintenant des notes sur tout, ça prend des signatures par-ci et par-là pour un simple changement d’adresse. Nous sommes toujours sur la défensive», note un conseiller de Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL).
Notre sondage révèle que plusieurs dizaines de conseillers répondants se sont plaints de l’alourdissement des tâches administratives, certains en rejettent la faute sur leur service de conformité, et bon nombre, sur les autorités de réglementation.
D’autres font remarquer qu’en étant à la fois gestionnaire de portefeuille et conseiller en placement, ils sont soumis par leur firme à une double conformité. «S’il y avait une meilleure régulation, on aurait pu tout simplifier», dit un conseiller de Gestion de patrimoine TD.
Stephan Bourbonnais, premier vice-président et directeur régional, Est-du-Canada, chez TD Waterhouse ne s’étonne pas de ces commentaires. «Chaque fois qu’un régulateur ajoute une nouvelle règle, on doit ajouter un papier, dit-il. Le bureau sans papier ? On n’y est pas encore, mais on y va de façon graduelle.»
D’ici 2017, TD espère pouvoir utiliser la signature électronique, par exemple, ce qui éviterait aux conseillers d’avoir à réimprimer des documents au moindre changement. «Comme nous travaillons avec la clientèle la plus fortunée, les attentes sont très élevées sur le plan de la conformité», souligne Stephan Bourbonnais.
La Financière Banque Nationale (FBN)s’est donnée pour sa part de quatre à cinq ans pour atteindre l’idéal d’un bureau sans papier, aux dires de Denis Gauthier, premier vice-président et directeur national. «Nous sommes en conversation constante avec les autorités pour adapter le plus rapidement nos technologies aux nouvelles exigences», remarque Denis Gauthier.
Le pouvoir des firmes à l’égard de la lourdeur administrative se limite en effet aux exigences des autorités de réglementation, fait remarquer également Sylvain Brisebois, premier vice-président, directeur général et directeur régional, Est-du-Canada, et gestionnaire de portefeuille chez BMO Nesbitt Burns.
«La réglementation extérieure est responsable de 85 à 90 % de la paperasse supplémentaire», dit le directeur, lui-même conseiller en placement. Il réprime un rire quand on lui parle de bureau sans papier. «Nous travaillons avec les autorités pour tenter de réduire le fardeau, mais jusqu’ici l’industrie n’a pas eu beaucoup de succès.»
«On essaie de voir avec l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) à quel point on pourrait automatiser certaines tâches», ajoute Luc Papineau, vice-président et directeur général de Valeurs Mobilières Desjardins (VMD).
«Pour beaucoup de choses, on exige encore des documents signés à l’encre. En 2016, ne pourrait-on pas utiliser une signature électronique ou une forme d’identification numérique ? La principale raison de l’abondance du papier, c’est qu’il faut la signature originale du client», dit Luc Papineau.
Initiative porteuse
Des conseillers prennent eux-mêmes l’initiative de numériser certaines tâches. Il y a un an, Jean-François Girard, conseiller en placement et gestionnaire de portefeuille chez VMD, à Ville de Saguenay (Chicoutimi), a fait prendre un virage numérique à sa firme pour des raisons géographiques.
«J’ai des conseillers répartis à Saguenay et au Lac-Saint-Jean, alors si on travaillait encore seulement en mode papier, on ne pourrait pas partager l’information» dit-il.
Son équipe utilise Microsoft Surface, une tablette à écran tactile, dont certains modèles ont l’apparence d’un ordinateur portable et qui permet de prendre des notes et de saisir les informations des clients. Les données sont automatiquement entreposées sur un serveur sécurisé de Desjardins.
«C’est simple, des notes papier, on n’en prend plus», dit Jean-François Girard, qui a mis près de deux ans à implanter cette nouvelle procédure dans son équipe de 11 conseillers qui servent quelque 1 600 clients. «Ça prend de la discipline, mais ça nous a permis de maintenir une croissance intéressante sans perdre le contrôle quant à la qualité des notes», dit-il.
Il ne lui reste maintenant qu’à espérer qu’un jour, la signature électronique soit acceptée par les autorités de réglementation, pour passer dans un univers totalement sans papier.
Pour le conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective François Laporte, auteur d’un livre intitulé Bureau sans frontières, si la conformité est une cause importante de l’accumulation des papiers dans les bureaux des conseillers, elle ne doit pas être un obstacle à leur numérisation.
Dans son livre, présenté comme un guide du virage numérique pour les professionnels des services financiers, il prodigue trucs et conseils pour gagner en productivité, mais aussi en qualité de vie. «Il faudrait que cela soit géré en fonction du risque. Si vous placez 2 M$, je ne suis pas sûr que la signature numérique sera acceptée, mais pour un changement d’adresse, ça devrait l’être».
Il croit que dans cinq ans, les formulaires authentifiés numériquement seront complètement intégrés à la pratique des conseillers. Et qui sait, peut-être qu’un jour, ces classeurs qui encombrent les bureaux des conseillers ne seront plus que les fantômes d’une époque révolue.