L’agent général a connu une croissance importante ces dernières années, laquelle a nui à la relation qu’il entretient avec ses conseillers. Le président d’Aurrea Signature, Christian Laroche, est conscient de ce qu’on pourrait décrire comme sa crise de croissance et travaille à surmonter les embûches qui en découlent.
Ainsi, Aurrea Signature obtient un Indice FI de 6,8 sur 10 en 2018. Cet indice correspond à la note moyenne accordée par les conseillers répondants aux 19 critères d’évaluation de ce cabinet. Cette note est faible par rapport à l’Indice FI moyen, de 7,8. Ce groupe de cabinets obtient des notes faibles sur le plan de son soutien administratif d’arrière-guichet, de son soutien à l’utilisation de médias sociaux, de son soutien à la planification des investissements des clients et de son soutien pour obtenir l’appui d’experts-conseils.
« Aurrea a eu de la difficulté à gérer son expansion trop rapide. Elle ne livre pas la marchandise promise. De plus, il y a eu beaucoup de changement de personnel », déplore un conseiller sondé.
Plusieurs répondants montrent du doigt le manque de suivi de leurs affaires, dont l’un qui affirme ceci : « Il y a un manque de suivi sur les nouvelles affaires, un manque de soutien pour les conseillers, un manque de suivi sur le plan de la conformité. Puis, ils ont souffert d’un roulement de personnel, ce qui a créé un déficit de compétence et des délais de réponses qui sont longs. »
Certains répondants ne sont pas aussi sévères, mais un indicateur est évocateur. Lorsque les sondeurs de Finance et Investissement ont demandé aux conseillers interrogés s’ils étaient prêts à recommander leur firme, environ 25 % des répondants n’étaient pas prêts à le faire spontanément. Ce pourcentage est significativement plus élevé par rapport à celui enregistré dans les autres cabinets multidisciplinaires du Top 12 de cette année, lequel oscille de 10 à 15 %, mais est parfois nul pour certains cabinets.
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En entrevue, Christian Laroche ne cache pas ses défis et est conscient que la croissance a amené son lot de mécontentement : « On va prendre la critique, c’est le prix à payer pour la croissance. »
Aurrea a connu une croissance élevée: « En trois ans, on a doublé la taille de l’agent général, dit-il. On a fini à 13,5 M$ en volume de prime l’an passé. Il y a trois ans, on était à 7 ou 8 M$. »
L’ensemble des recommandations (leads) provenant des différents sites Internet avec qui il fait affaire a propulsé ses ventes. « On est un agent général qui a fait environ 13 000 nouvelles propositions l’an dernier. C’est énorme », ajoute le président.
« Si on regarde les opérations en 2013 ou 2014 et celles d’aujourd’hui, c’est complètement une autre compagnie », lance-t-il.
Problèmes d’arrière-guichet
Cette métamorphose ne s’est pas faite sans douleur, raconte Christian Laroche : « Juste l’an dernier, il s’est joint 142 nouveaux conseillers au niveau de la bannière. Ça nous a occasionné des problèmes en 2017. Il a fallu réorganiser notre back-office [arrière-guichet] complètement. L’embauche de la main-d’œuvre n’a pas été évidente. Il a fallu bien structurer les employés au niveau du soutien des ventes. Nos faiblesses étaient sur le plan des nouvelles affaires. Il y a eu l’embauche de personnel sur ce plan. »
Il convient qu’il y a eu des débordements administratifs pour ses affaires en placement. « J’ai eu des cas de maladie assez grave. Il y a des membres du personnel qui ne sont même pas revenus encore. Il a fallu les remplacer. On ne peut pas contrôler la maladie de nos dirigeants. Ça a été une période plus difficile. »
De plus, Aurrea a orchestré l’implantation du logiciel FundSERV à son arrière-guichet, lequel n’était pas là il y a deux ans, ajoute Christian Laroche : « Aujourd’hui, ça va rondement, mais il y a eu une petite période difficile. » Il convient que le volume de 13 000 nouvelles propositions en assurance a également sursollicité son personnel administratif.
« On devait faire des ajustements avec les arrière-guichets. On doit ajuster la machine pour qu’elle soit capable de prendre le volume. On a travaillé très fort de ce côté dans les 24 derniers mois », dit Christian Laroche.
Il convient que certains conseillers préfèrent d’autres logiciels d’arrière-guichet que celui qu’il utilise, soit AGEman. Ce fournisseur a toutefois travaillé avec Aurrea afin d’améliorer la situation. « Dans le meilleur des mondes, on robotiserait ça le plus possible. Il y a l’intervention humaine à faire, mais on veut le moins d’ouvrage possible pour notre personnel. »
Selon lui, tous les assureurs n’ont pas des plateformes électroniques aussi sophistiquées. Il a hâte que tous les manufacturiers de produits d’assurance facilitent la gestion de ses affaires grâce à des plateformes électroniques, mais constate que ce n’est pas encore le cas. « La journée où on va brasser moins de papier, ça va régler beaucoup de problèmes. L’industrie n’est pas assez évoluée sur ce plan », juge Christian Laroche. Il souligne toutefois que des assureurs offrent des plateformes plus automatisées, ce qui l’aide énormément.
Il constate que les choses se sont améliorées récemment : « On s’en sort de mieux en mieux depuis le début de l’année. Mais ce n’est jamais facile de bâtir une croissance », admet-il. Cependant, la firme n’avait pas le choix de croître afin de conserver ses contrats avec les assureurs. Ceux-ci exigent des seuils minimums de volume de vente qui sont de plus en plus élevés pour qu’un agent général conserve son contrat.
« Aurrea est un agent général qui détient tous les contrats avec les assureurs, mais il y a des volumes à fournir pour maintenir les contrats avec eux et pour avoir une bonification qui est compétitive afin d’être capable d’aller chercher des conseillers et des cabinets », explique Christian Laroche.
« C’est peut-être une croissance trop accélérée, mais c’est une course contre la montre. Quand on regarde la consolidation au niveau des services financiers, si on veut garder notre place, il faut que notre carré de sable grandisse et qu’on atteigne des volumes plus importants », ajoute-t-il.
Résistance au changement
Invité à réagir au nombre relativement élevé de conseillers qui hésitent à recommander Aurrea Signature à leurs pairs, Christian Laroche met les choses en perspective : « Quand un cabinet double son chiffre d’affaires, c’est la culture d’entreprise qui est changée. Il y a trois ans, c’était une entreprise plus petite, gérée de façon plus locale. Maintenant, vous vous retrouvez avec un agent général majeur au Québec. Les répondants qui vont voir ça de façon plus négative, ce sont nos conseillers de longue date. Ils ont peur de perdre la culture qu’ils ont connue à l’époque, de perdre la proximité avec les dirigeants. C’est beaucoup de changement très rapidement. Le changement fait peur. »
Certains conseillers, parfois plus jeunes, apprécient toutefois cette transformation. « Les gens viennent chez nous parce que c’est un cabinet en pur développement des affaires. Le conseiller vient parce qu’il va avoir des clients. On est un lead generator. On est très accentué sur le développement de plans d’affaires, sur le coaching. Ce sont eux qui vont avoir une réponse plus positive », mentionne le président.
Parmi les forces d’Aurrea Signature qui sont perçues par les conseillers sondés, plusieurs notent la formation, la possibilité d’acheter de la clientèle, de profiter des nombreuses références.
« On donne des séances d’information et de formation tous les lundis et les vendredis, que ce soit de la formation avec les assureurs ou sur nos plans d’affaires. Les gens qui y assistent vont être très à l’affut de nos services », note Christian Laroche.
Certains conseillers répondants semblaient ignorer le programme de relève d’Aurrea. Ce groupe de cabinets achète des blocs d’affaires dans le but de les redistribuer à des conseillers. Il soutient les conseillers qui vendent leur clientèle en les appariant à des acheteurs et offre un soutien à l’évaluation du prix d’un bloc d’affaires.
« Parmi les 142 nouveaux conseillers qu’on a depuis l’an dernier, il doit y en avoir un gros pourcentage qui ne connait pas tous nos services, dit Christian Laroche. Les gens qui vont travailler avec les directeurs de nos centres financiers et qui posent des questions, ils vont avoir les réponses. »
Notes faibles en techno?
Christian Laroche ne comprend pas pourquoi les conseillers sondés lui accordent une relativement faible note sur plusieurs aspects technologiques, dont le logiciel de gestion de la clientèle ou le soutien pour la technologie mobile.
Aurrea est en train de développer son propre logiciel de relation avec la clientèle (CRM). De plus, par l’intermédiaire de Karma Assurance, un conseiller peut vendre une assurance à distance, en analysant les besoins du client et en l’orientant possiblement vers la proposition électronique d’un assureur si c’est pertinent.
« On développe un CRM pour tous nos conseillers en sécurité financière qui va être un outil pour le référencement, en géolocalisation des clients potentiels et qui va donner un engin au niveau des prix et des cotations. On est perçu comme un agent général 3.0. On est très avancé », dit-il.
Selon lui, sa capacité à obtenir des recommandations de clients par l’intermédiaire de sites internet est à la fois une force et une faiblesse pour les conseillers. Ces recommandations aident les conseillers à bâtir leur bloc d’affaires. Toutefois, certains représentants peuvent en devenir accros, cesser de faire leur propre développement des affaires et se retrouver à partager une part trop importante de leurs revenus en raison du partage de commission prévue à l’entente de référencement.
« On fournit les leads, mais ça doit représenter maximum 30 % de leur chiffre d’affaires. Si un conseiller axe son développement des affaires seulement là-dessus, il va travailler énormément et les revenus ne seront pas au rendez-vous. Les leads, c’est une drogue. On travaille très fort pour que les gens ne tombent pas dans le piège. »
Christian Laroche ne prévoit pas une croissance aussi forte dans les prochaines années : « Notre croissance va être plus régulière, peut-être plus de l’ordre de 8 % par an. On veut garder notre place. Est-ce que notre carré de sable est suffisant au Québec? On est en train de regarder notre expansion pancanadienne. Notre modèle d’affaires intéresse des gens. »
Étant donné les coûts d’acquisition élevés d’un conseiller qui sont imposés par les assureurs, Christian Laroche et son équipe ont resserré les critères d’acquisition d’un conseiller afin de favoriser les représentants qui peuvent démontrer un plan de croissance de leurs affaires.