Les gains en parts de marché pancanadiennes des institutions financières se sont faits aux dépens des indépendants. La plupart de ces derniers ont cédé du terrain, notamment Groupe Investors, Placements Mackenzie, Placements Franklin Templeton, Placements AGF, Placements NEI (propriété à 50 % de Desjardins) et Sprott.
Propriété de l’assureur iA Groupe financier (autrefois Industrielle Alliance), IA Clarington affiche une performance légèrement négative. Parmi les indépendants, Fidelity Investments, Sentry Investissements et Gestion de patrimoine EdgePoint ont gagné des parts de marché.
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Une statistique tirée des derniers rapports annuels de RBC illustre de façon saisissante l’impact de la force de frappe bancaire. En 2014 et 2015, les ventes nettes de FCP à long terme (autrement dit, tout sauf les fonds de marché monétaire) de la Banque RBC ont atteint 20,83 G$. Cette somme est supérieure à la totalité de l’actif géré des fonds de détail de l’indépendant AGF (18 G$ en 2015).
AGF, qui soufflera ses 60 bougies en 2017, a fortement souffert des rachats nets. Entre 2010 et 2015, son taux de croissance annuel composé de l’actif sous gestion en FCP a été de – 5,0 %, selon Investor Economics. En entrevue avec Investment Executive (juillet 2016), le chef de la direction d’AGF, Blake Goldring, signalait toutefois que les ventes ont récemment augmenté en raison de meilleurs rendements et d’une gamme élargie de produits. (Lire «Signes de vitalité retrouvée chez AGF», p. 26)
Consolidateurs en marche
Championne des gains de parts de marché sur cinq ans, la Banque Scotia a le vent dans les voiles. Selon son dernier rapport annuel, son actif sous gestion en FCP a bondi de 59 % entre 2013 et 2015.
«Scotia est un consolidateur. La banque a acquis les fonds Dynamique en 2010 et la banque en ligne Tangerine en 2012. Par conséquent, Scotia élargit constamment sa portée», dit Jean Morissette. Observateur aguerri de l’industrie, ce dernier a été cofondateur de Gestion financière Talvest et président de Services financiers Partenaires Cartier pour le Québec.
Notons que Tangerine affiche la deuxième meilleure performance au chapitre de la croissance annualisée des actifs sur cinq ans, avec une hausse de 41,2 %. Selon Investor Economics, ses entrées nettes de FCP à long terme ont atteint 529 M$ en 2015, soit deux fois plus que celles de l’indépendant Sprott (261 M$).
Indice supplémentaire de la capacité d’attraction des banques : RBC et CIBC ont canalisé le quart (26,4 %) des 58 G$ de ventes nettes de FCP à long terme de toute l’industrie en 2015, rapporte Investor Economics.
Pour sa part, Manuvie a grandement bénéficié de l’achat des activités canadiennes de Standard Life en janvier 2015. En cours d’année, ses actifs en FCP ont augmenté de 6,5 G$.
«Sans conteste, les grandes institutions financières ont pris beaucoup d’ascendant. Les banques et les compagnies d’assurance sont les consolidateurs d’une industrie déjà très concentrée», affirme Jean Morissette.
En revanche, les indépendants n’ont pas dit leur dernier mot.
Les gains de parts de marché de Fidelity sont comparables à ceux de TD, alors que Sentry et EdgePoint affichent des taux de croissance de parts de marché supérieurs à ceux de la CIBC.
La croissance annualisée des actifs sur cinq ans de Sentry (31,1 %) et d’EdgePoint (42,0 %) est spectaculaire, démontrant que les indépendants peuvent toujours se faire une place au soleil.
Vive concurrence
«Lorsque les banques se sont lancées dans la distribution de fonds communs dans les années 1990, certains évoquaient la disparition des conseillers indépendants. Mais nous sommes toujours là», dit Sylvain De Champlain, planificateur financier et président de De Champlain Groupe financier.
Selon lui, les conseillers indépendants disposent d’avantages importants par rapport aux conseillers rattachés aux institutions financières : l’indépendance dans le choix des produits et davantage de moyens pour suivre la clientèle. «Nous avons des adjointes administratives. Eux n’en ont pas. En succursales bancaires, les conseillers sont mobiles. Leurs clients ne sont pas toujours les mêmes d’année en année. Par conséquent, les clients qui veulent un meilleur service deviennent clients de conseillers indépendants», dit-il.
Alain Huard est vice-président et directeur régional des ventes chez Invesco Canada. Il n’est pas prêt à dire que les clients des banques deviendront inévitablement les clients des conseillers indépendants. «Les succursales bancaires sont de mieux en mieux outillées pour répondre aux besoins de leur clientèle», dit-il.
Alain Huard estime toutefois que l’éventail de produits en succursale bancaire laisse à désirer : «Les conseillers indépendants doivent mieux faire valoir leur avantage comparatif à cet égard.»
Jean Morissette ajoute que les institutions financières ont un atout puissant : la divulgation de la tarification qui découle de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2). Selon lui, la divulgation des frais de distribution d’un conseiller indépendant risque d’être «plus élevée que ce que les banques auront à divulguer au même titre. Et ce, même si en fin de compte, les frais de gestion totaux payés ne seront généralement pas moindres dans le cas d’un produit bancaire.»
«Certains conseillers indépendants auront de la difficulté à concurrencer les institutions financières à cause du système de tarification. Étant donné que les institutions financières ne disent pas ce qu’elles paient à leurs conseillers, leurs clients pourront avoir l’impression de payer moins cher.»
Cependant, les autorités de réglementation ont promis de surveiller les institutions financières dans leur façon d’établir le montant de rémunération divulgué. Une institution financière, qui ne reçoit pas de commission d’un manufacturier externe mais plutôt des paiements de transferts internes entre filiales, «doit faire une estimation raisonnable du montant qu’il aurait reçu s’il avait gagné une commission», précise une note de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM).
«Par exemple, [cette firme] peut fonder son estimation sur la rémunération qu’un courtier tiers aurait touchée pour la vente des mêmes produits ou de produits similaires», lit-on dans ce document.