C’est ce qui ressort du sondage du Top 8 des courtiers québécois. À la question : «Comment ont été accueillis les nouveaux relevés du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) ?», 82 % des répondants disent que les clients les ont bien accueillis. De nombreux conseillers ont toutefois le sentiment que tous n’ont pas bien compris le contenu de ces nouveaux rapports.
Certains ont également signalé des retards dans la livraison des relevés et disent avoir vu des erreurs dans les calculs. «L’accueil n’a pas été très favorable à cause du calcul de rendement erroné», dit un conseiller de BMO Nesbitt Burns.
Chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD), tout comme chez d’autres courtiers, les relevés ont été livrés en retard. «Les clients ont bien compris, mais n’ont pas aimé le retard», dit un répondant de cette firme.
Délais trop courts
Luc Papineau, vice-président et directeur général chez VMD, admet que se conformer au MRCC 2 a été un gros défi. Les clients ont reçu leurs relevés à la fin de janvier plutôt qu’en début d’année. Le courtier a aussi connu des problèmes avec l’impression des relevés papier.
«Présenter les honoraires des fonds communs a été un défi, car ce n’était pas quelque chose qu’on avait à consolider avant, indique Luc Papineau. Certains frais n’avaient pas été placés dans la bonne catégorie, comme les frais directs et les frais indirects.»
Il déplore les délais trop courts imposés par les autorités de réglementation. «L’industrie au complet est allée voir l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) pour avoir un délai supplémentaire et celui-ci a refusé. On savait qu’on manquerait de temps», dit Luc Papineau.
C’est aussi ce qui est arrivé chez CIBC Wood Gundy, où les conseillers et leurs clients ont constaté des retards de livraison, selon Charles Martel, directeur exécutif – Québec chez ce courtier : «Plutôt que de communiquer rapidement de l’information qui contenait une erreur et de la corriger par la suite, on a retenu tous les relevés. On était en retard, mais l’information était parfaite.»
Charles Martel, qui siège aussi au conseil de la section du Québec de l’OCRCVM, confirme que d’autres firmes ont admis avoir fait des erreurs pour certains types de comptes, mais ont choisi de diffuser l’information à temps quand même. «Nous avons adopté l’autre approche», dit-il.
Les nouvelles normes pour calculer le rendement en fonction des entrées et des sorties d’argent (money weighted) ont aussi donné du fil à retordre aux courtiers. «Tous les systèmes ont été conçus en fonction du rendement time weighted, dit-il. Tout changer pour aller en money weighted, c’est énorme. Notre fournisseur, Croesus, a mis tous ses autres projets en veilleuse pour se concentrer sur MRCC 2», constate Luc Papineau.
Bon nombre de courtiers ont eu maille à partir avec les frais de gestion liés aux fonds communs. «Avant, je savais que tel conseiller recevait tant de commissions de la part de Fidelity, mais pas par client. Il a fallu que les sociétés de fonds nous fournissent cette information», dit Luc Papineau, soulignant au passage que cette étape a été compliquée.
La divulgation des frais est ce qui a soulevé le plus de discussion entre les conseillers et leurs clients, croit Vincent Cliche, conseiller en placement à la Financière Banque Nationale, où tout s’est déroulé rondement, selon lui.
Frais encore cachés
Si la divulgation du rendement, qui était nécessaire, a été bien comprise, celle des frais a présenté plus de problèmes, d’après lui : «Cette divulgation a pour conséquence qu’on se retrouve à comparer des pommes avec des oranges.»
Par exemple, dit Vincent Cliche, les frais divulgués qui sont reliés aux fonds communs peuvent donner l’impression d’être moins élevés que ceux d’autres types de placement, car ils ne comprennent pas la rémunération de la société de fonds, mais seulement la partie versée au courtier. Il déplore que le ratio des frais de gestion (RFG) ne soit pas divulgué, ce qui donnerait une vision plus juste au client.
Certains clients ont aussi tendance à appliquer les frais au rendement en dollars. «Une cliente m’a dit : « J’ai fait 5 000 $ et ça m’a coûté 800 $, alors ça veut dire que le sixième de mon rendement part en frais de gestion. » Il faut bien expliquer au client que les frais s’appliquent au capital investi», note Vincent Cliche.
Ce dernier croit cependant que l’exercice a été salutaire. «Au début, je me disais qu’en divulguant les rendements en temps et en argent, on allait mêler les clients encore plus, mais j’explique à mon client que le rendement en argent, c’est son rendement et que celui en temps, c’est celui du gestionnaire», précise Vincent Cliche, qui estime que le conseiller a son rôle à jouer pour expliquer les nouveaux rapports.
«J’en fais le premier point de discussion de ma première rencontre annuelle avec mes clients et ça se passe bien», ajoute-t-il.
Ce calcul de rendement, qui présente deux résultats différents, peut expliquer pourquoi certains conseillers de BMO ont cru à une erreur, avance Sylvain Brisebois, premier vice-président, directeur général et directeur régional, Est du Canada chez BMO Nesbitt Burns : «C’est souvent une interprétation des résultats, car ces calculs-là rapportent des données mathématiques. Chez nous, on va rapporter la performance des deux façons, donc time weighted et money weighted, et dépendamment des dépôts et des retraits, les deux chiffres peuvent être différents. Mais les deux sont justes.» Il n’a pas été mis au courant d’erreurs dans le calcul de performance, bien que les rapports aient été envoyés avec quelques jours de retard.
«Chez BMO, ça fait un certain temps qu’on dit aux conseillers : « Voici les nouveautés, préparez vos clients. » Pour les conseillers qui ont préparé la clientèle, ça s’est bien passé.»
Pour certains conseillers, la divulgation des frais a été une occasion de montrer leur valeur ajoutée, notamment en matière de planification financière. «C’était de dire au client : « Je fais plus que gérer votre portefeuille. Je fais une planification de vos affaires personnelles. J’ai un planificateur financier dans mon équipe et on va regarder ensemble le volet planification successorale », par exemple», explique Charles Martel.
C’était aussi une façon pour les conseillers de justifier la conversion de certains comptes transactionnels en comptes à honoraires, ajoute-t-il : «Ils pouvaient dire au client : « Voici combien vous payiez en transactionnel et voici ce que ça vous coûterait au nouveau taux, mais avec ça, j’inclus une planification financière. »»