En effet, les courtiers de plein exercice incitent toujours davantage leurs conseillers à réorienter les petits comptes vers d’autres partenaires de leur institution financière, à savoir les plateformes de courtage à escompte ou les succursales bancaires et les caisses.
De nombreux conseillers de CIBC Wood Gundy se sont plaints de changements à la grille de rémunération. Charles Martel, directeur exécutif – Québec chez CIBC Wood Gundy, ne cache pas le mécontentement qu’a créé le fait de baisser la rémunération pour les ménages ayant un actif de 250 000 $ et moins.
«Les conseillers ont encore un payout, mais celui-ci est amputé de 25 % pour les ménages de 150 000 à 250 000 $, et de 50 % pour les ménages de moins de 150 000 $», détaille-t-il.
Selon lui, les conseillers ont mal compris le fait qu’un ménage est composé de nombreuses personnes de la même famille, soit un couple, ses parents, ses grands-parents, ses enfants et ses petits-enfants ainsi que toutes leurs sociétés de portefeuille.
«Les gens ont mal mesuré l’impact. Les conseillers en placement ont dit : « J’ai plein de comptes de 250 000 $ et moins. Je vais me faire ramasser de 10 à 15 % sur le plan de la rémunération ! »» explique-t-il.
À son avis, une fois qu’un conseiller regroupe ses clients en ménages selon la définition du courtier qui comprend cinq générations, l’effet reste souvent marginal. «Souvent, ces petits comptes représentent de 1 à 3 % de la rémunération du conseiller. Je viens supprimer une partie marginale de la rémunération. Les gens ne « focussaient » que là-dessus et ils ont été mécontents.»
Depuis 2016, RBC Dominion valeurs mobilières a cessé de payer les conseillers pour les ménages dont l’actif n’atteignait pas 250 000 $ ou ne générant pas 2 000 $ de revenus. Chez RBC, un ménage comprend trois générations de clients. Certaines exceptions s’appliquent, entre autres pour les conseillers arrivés depuis moins de quatre ans dans la firme.
«Merci de m’avoir transféré»
Paul Balthazard, directeur général régional, Québec, RBC Dominion, explique que RBC a alors créé une équipe, qui comprend deux personnes au Québec, afin de réorienter les clients, idéalement dans une filiale de RBC. «Ça fait deux ans qu’elle est opérationnelle et déjà 110 M $ d’actif ont transité par là, dont environ 80 % sont restés dans la famille RBC. Pratiquement toutes les semaines, je reçois un courriel d’un client qui nous en remercie», atteste-t-il.
Beaucoup de clients réorientés optent alors pour le courtage à escompte. Certains sont même revenus chez RBC Dominion, après y avoir rapatrié des actifs qui étaient investis chez un concurrent. «Ces personnes ont un talent pour développer en peu de temps une relation», dit Paul Balthazard.
BMO n’échappe pas à la tendance. La firme promeut le fait de tourner le dos aux ménages ayant un actif de moins de 250 000 $ ou qui génèrent moins de 2 500 $ de revenus, selon une source de l’industrie. Sylvain Brisebois, directeur général, premier vice-président chez BMO Nesbitt Burns, ne souhaite pas commenter publiquement ces seuils. «On demande aux conseillers de s’assurer d’offrir un service client qui est équitable et uniforme. S’ils ne sont pas prêts à donner un bon service, on leur demande de considérer d’autres partenaires qui pourraient bien servir les clients», dit-il.
Certains conseillers de Valeurs mobilières Desjardins (VMD) craignent que leur courtier ne les force à se départir de petits comptes, selon notre sondage. Plutôt que de changer sa grille de rémunération en ce sens, Luc Papineau, vice-président et directeur général chez VMD, démontre plutôt l’avantage de réorienter les ménages ayant un actif de 200 000 $ ou moins, lesquels peuvent être bien servis en caisse, selon lui.
«On leur démontre par des preuves concrètes qu’un conseiller qui sert moins de clients, mais plus de gros clients, a une croissance plus forte. Parce que tes bons clients, bien servis et heureux, vont te recommander à d’autres clients», explique-t-il.
«On dit aux conseillers : « Quelle belle façon de retourner l’ascenseur aux caisses qui vous ont recommandé beaucoup de clients pendant des années. Ce client de 100 000 $, il a plein de belles solutions en caisse »», dit Luc Papineau. Il mentionne, par exemple, le programme Service Signature Desjardins.
VMD a également un groupe de conseillers aptes à répondre aux besoins des petits comptes. Actuellement, les comptes recommandés provenant des caisses ont des seuils d’actif à investir supérieurs, lesquels sont fixés par les caisses, note Luc Papineau.