Charles Martel, directeur exécutif – Québec chez CIBC Wood Gundy, en sait quelque chose. Récemment, il a réduit la rétribution des ménages de petite taille, ce qui a déplu à de nombreux conseillers. Certains ont aussi mal accueilli l’abolition d’une bonification, accordée sous forme d’unités d’actions, lorsqu’un conseiller atteint le seuil de 1 M$ en revenus bruts sur une base de type transactionnel.
«Je leur ai dit : « Je vais juste vous payer les unités d’actions sur votre business à honoraires. » Il y en a qui ont répondu : « Tu ne donnes plus la même valeur sur le 1 M $ de revenus. » Dans mon livre, la récurrence de revenus [comme ceux à honoraires] a plus de valeur qu’un revenu non récurrent [comme celui de type transactionnel]», explique-t-il.
Charles Martel souhaite augmenter la pénétration des honoraires dans ses revenus bruts.
«C’est mon cheval de bataille. Depuis trois ans, mon taux de croissance des actifs sous gestion à honoraires est plus élevé que dans le reste du Canada. J’ai fait de la formation pour que mes conseillers en placement soient des gestionnaires de portefeuille et intègrent les honoraires à leur pratique. On est en train de rattraper le reste du pays, mais je suis encore sous la moyenne», dit Charles Martel.
«Dans la dernière année, nos actifs à gestion discrétionnaire gérés par les conseillers de Wood Gundy ont crû de 53 %, nos actifs à honoraires non discrétionnaires ont crû de 30 %», dit Charles Martel.
Chez RBC Dominion valeurs mobilières, l’adoption des honoraires n’a pas été stimulée par la grille de commissions, souligne Paul Balthazard, directeur général régional, Québec. Elle découle plutôt, selon lui, de l’adoption massive de la gestion discrétionnaire des conseillers et du virage vers la gestion de patrimoine, qui inclut notamment la planification fiscale et successorale, entamé il y a une quinzaine d’années.
«On a eu un si gros virage, parce qu’on a mis en place beaucoup d’outils et de programmes, surtout en gestion discrétionnaire», note Paul Balthazard.
Sur 280 G$ d’actif sous gestion, RBC Dominion a 180 G$ en actif à honoraires, ce qui inclut les commissions de suivi des fonds communs, dont l’actif est d’environ 40 G$, explique Paul Balthazard : «Il va toujours rester de la place pour les gens qui ne veulent pas les honoraires, à moins que la réglementation ne nous l’impose.»
Chez BMO Nesbitt Burns, le programme de rémunération de 2016 prévoyait un taux de commission (payout rate) égal ou supérieur aux revenus transactionnels, d’après une source de l’industrie. L’écart en faveur des honoraires variait de 0 à 6 points de pourcentage, selon la fourchette de production brute d’un conseiller.
Sylvain Brisebois, directeur général, premier vice-président chez BMO Nesbitt Burns, préfère ne pas commenter cela publiquement. «La grande priorité est d’avoir une flexibilité qui permette aux conseillers d’être bien rémunérés et qui soit juste pour le client. Il y a des clients qui sont plus actifs, d’autres qui le sont moins. [Le mode de rémunération] est dicté par la relation client-conseiller», soutient-il.
BMO ne fait pas exception dans l’industrie, car selon notre sondage, en moyenne, le payout rate des revenus à honoraires s’élève à 49 %, par rapport à 43 % pour les transactions.
Outre les changements qui touchent les honoraires, les courtiers rendent les cibles des conseillers plus difficiles à atteindre, ce qui les forces à travailler plus fort pour avoir leur paye. Par le passé, certains courtiers ont majoré les paliers de leur grille de commission et transféré aux conseillers certains frais, dont ceux pour l’utilisation d’adjoints administratifs.
Profitables recommandations
Chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD), quelques conseillers sondés semblent encore avoir mal digéré la hausse du taux de redevance aux caisses pour les clients qu’elles recommandent, laquelle redevance est payable à vie. Ce taux est passé de 12 à 16 % récemment. Par exemple, sur 100 $ de revenu, la moitié reste à VMD, 34 $ sont payables au conseiller, et 16 $, à la caisse qui lui a recommandé le client.
«Beaucoup de gens ont des pratiques de centaines de millions en actif, grâce à la belle relation qu’on a avec le réseau des caisses et des centres financiers aux entreprises», dit Luc Papineau, vice-président et directeur général chez VMD.
Selon lui, VMD n’est pas trop dépendant de ces recommandations. «Je veux que les gens gardent le réflexe de démarcher aussi un client de la Banque Royale ou de la TD s’ils en rencontrent un. Il ne faut pas juste qu’ils comptent sur les recommandations. Depuis trois ans, le pourcentage d’entrées nettes qui ne proviennent pas de clients de Desjardins augmente, de trimestre en trimestre.»