«Ça s’est très bien passé. Ils étaient très ouverts à la discussion et nous ont fourni des réponses et des informations très utiles par rapport à nos préoccupations. Ce que nous ne pouvions pas avoir quand nous sollicitons l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans les autres occasions», indique un répondant.
Toutefois, certains n’ont pas la même expérience. «Les inspecteurs de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) connaissent parfaitement leur travail, ce qui n’est pas toujours le cas avec l’AMF où le processus d’inspection est long et compliqué. Et ils ne maîtrisent pas forcément notre fonctionnement», opine un autre répondant.
Comment tirer parti de ce mal nécessaire ? Des membres de l’industrie partagent leur recette, un mélange d’ouverture et de préparation.
AMF : dialogue fructueux
L’AMF inspecte les activités de distribution d’assurance et de fonds d’investissement des cabinets qui ont leurs affaires au Québec. La fréquence de ses inspections découle du risque de ceux-ci. Et lorsque l’AMF annonce sa venue, environ un mois avant l’inspection sur place, le personnel du cabinet doit travailler fort.
«C’est de l’énergie, du temps et de l’argent. Quand on a une attitude de collaboration et d’ouverture, ça amène un échange qui peut être intéressant. Et il faut voir cela comme une occasion de devenir meilleur», estime Yvan Morin, avocat, vice-président, affaires juridiques, et chef de conformité chez MICA services financiers.
«On essaie de le voir comme une façon d’améliorer nos processus et d’adopter de meilleures pratiques», estime quant à lui Maxime Gauthier, chef de la conformité de Mérici Services financiers. Il souligne par ailleurs que les inspecteurs gardent tout de même un pouvoir de sanction.
L’automne dernier, avant et pendant leur dernière inspection, MICA a transmis de 500 à 600 fichiers dans un espace sécurisé, ce qui a mobilisé du personnel de trois services, note Yvan Morin.
L’AMF et l’ACCFM exigent parfois des rapports précis et dans des formats tels que les courtiers sont incapables de les extraire de leurs plateformes technologiques, note Jean Carrier, vice-président conformité du Groupe financier PEAK : «Si les rapports ne sont pas complets, parce qu’ils sont programmés » maison « , ils commencent à nous obstiner, nous dire que nous n’avons pas les bonnes informations. C’est rendu que pour être courtier, il faut une équipe d’informaticiens. Ça ne fait aucun sens.»
C’est sans compter les autres exigences, dont celle de répondre à plusieurs questions. «Parfois, on nous pose des questions plus ouvertes qui nous demandent de la réflexion. Tu préfères prendre plus de temps à l’interne pour faciliter la tâche aux inspecteurs et minimiser ce que ça va te coûter», indique Maxime Gauthier.
À 94,35 $ l’heure par inspecteur de l’AMF pour le temps passé avant, pendant et après l’inspection, la facture peut facilement grimper dans les cinq chiffres pour un cabinet. «C’est un coût important», estime Yvan Morin, qui préfère ne pas le divulguer.
«C’était long et fastidieux et c’est fait pour rien. Cela coûte 25 000 $ par inspection», estime un dirigeant qui a répondu au sondage.
De son côté, l’AMF affirme qu’«il est difficile de déterminer une moyenne ou une médiane pour le coût d’une inspection», étant donné qu’il y a divers types d’inspection : complètes, de suivi, ciblées, etc.
Leur coût varie en fonction du cabinet inspecté lui-même, précise Sylvain Théberge, directeur des relations médias à l’AMF, dans un courriel : «En présence d’une bonne culture de conformité, d’une compréhension adéquate de la réglementation, d’une collaboration et d’une bonne préparation, les travaux d’inspection sont mieux ciblés et le temps requis pour procéder devient optimal». L’inverse est aussi vrai, note-t-il.
«Les inspecteurs nous disent qu’il n’y aura pas d’over billing, mais c’est une facture qui grimpe sur laquelle je n’ai aucun contrôle et aucun pouvoir de vérification. Même si on croit à leur bonne foi, c’est insécurisant», dit Maxime Gauthier, qui ne souhaite pas dévoiler sa dernière facture.
Lorsque les inspecteurs sont sur place, du personnel clé doit répondre à leur question et leur fournir des documents supplémentaires. «Nous sommes totalement transparents. Ça facilite le travail des inspecteurs et nous avons plus d’information pour améliorer nos processus», dit Maxime Gauthier.
Les inspecteurs remettent ensuite un rapport préliminaire, auquel le cabinet peut répondre avant de recevoir le rapport final. «Tu prends les engagements, s’il y a des engagements à prendre, pour les mesures correctrices. Après, c’est le suivi d’inspection pour s’assurer que tu mets en place les mesures correctrices que tu t’es engagé à prendre», décrit Maxime Gauthier, qui apprécie les suggestions proposées par l’AMF.
En raison de la réglementation par principe, il est arrivé à Yvan Morin de débattre d’interprétation dans sa réponse au rapport préliminaire. «Il y a des trucs qu’on challenge. Parfois, ils vont nous donner raison, parfois non.»
«Le vrai travail commence quand on a le rapport d’inspection. Si ce document soulève certaines irrégularités, même mineures, il faut les corriger», dit Yvan Morin.
Meilleure prévention
Les relations avec l’industrie semblent s’être améliorées depuis que l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) base ses inspections sur le risque, plutôt que sur un calendrier.
Contrairement à l’AMF, qui favorise une réglementation par principe, l’OCRCVM et l’ACCFM appliquent des règles, de façon parfois trop stricte, ce qui irrite certains (voir l’encadré Règles rigides).
Hormis cette différence, une inspection de ces organismes est exigeante. «Ça demande beaucoup, indique Jean Carrier, faisant référence aux deux mois qu’a duré la dernière inspection de l’OCRCVM, au début de 2017. On parle d’une centaine de documents à leur soumettre avant l’inspection, en plus de ce qu’ils demandent durant l’inspection. Au moins la moitié du temps de ceux qui font la vérification quotidienne y est consacrée.»
Jean Carrier tente d’en tirer le plus de positif, en percevant les régulateurs comme des consultants. «Ce sont des gens qui ont vu l’industrie au complet. Ils sont en mesure de donner les idées [de problèmes rencontrés ailleurs], dit-il. Des fois, ils vont faire ressortir une tendance que tu aurais vue par hasard.»
«L’inspection est le meilleur outil de prévention, estime quant à elle Carmen Crépin, ancienne vice-présidente pour le Québec de l’OCRCVM. On a un dialogue ouvert et franc : « Vous pourriez structurer ça autrement ». C’est un outil pour améliorer la réglementation.»
Carmen Crépin comprend que le langage utilisé dans les rapports peut irriter certains. «Mettez-vous dans la peau d’un conseil d’administration qui lit que vous avez 35 infractions. Il va dire à l’équipe de direction : « Vous êtes tout croches ! » note-t-elle. Est-ce qu’une situation qui n’est pas tout à fait bien encadrée est une infraction ?»
Difficile de savoir combien coûte directement une inspection de l’OCRCVM ou de l’ACCFM, sachant que ces frais sont intégrés aux frais annuels exigés pour être membre de ces organismes. «L’OCRCVM ne facture pas de frais pour effectuer l’inspection de ses courtiers membres», indique l’organisme dans un courriel laconique.
«Être membre d’un organisme d’autoréglementation, c’est coûteux, dit Jean Carrier. Mais on arrive à faire un profit.»
Processus exigeant
Certains répondants ont des bons mots pour les inspecteurs de l’ACCFM, comme dit l’un d’eux : «L’AMF et l’ACCFM sont professionnels, organisés et savent quoi faire. Ils sortent des bons constats ultimement».
Jean Carrier, dont le cabinet est lié à quelque 900 conseillers, juge de son côté «lourd» le processus d’inspection de l’ACCFM. PEAK a soumis une quarantaine de documents et de réponses aux questions du régulateur à la pré-inspection. Plus de 12 inspecteurs ont audité le siège social et d’autres succursales durant quatre à cinq semaines.
Le suivi des anomalies a aussi été pointilleux : «À la dernière inspection de 2014, avant qu’ils ferment le dossier, ça a pris presque un an et demi. Il fallait répondre à chacune de leurs questions et leur donner les preuves que chaque point a été résolu. Et ils sont revenus 4-5 mois après.»
«On passe quasiment 12 mois par année en inspection. Quand ce n’est pas l’AMF ou l’ACCFM, c’est l’OCRCVM qui vient faire son tour. Sans compter d’autres organismes comme CANAFE ou nos vérificateurs. On est très suivis», note Jean Carrier.