La diversification. Pour les clients fortunés, accumuler un patrimoine financier important est souvent le fruit d’un nombre d’heures considérable. Par exemple, un entrepreneur a souvent dû prendre de grands risques financiers pour créer sa richesse, concentrant ainsi sa valeur dans son entreprise.
Bien que la réelle valeur ne soit confirmée que lors d’une vente, elle a probablement fluctué énormément, à la hausse comme à la baisse, suivant les conditions économiques du moment. Lorsque l’entrepreneur vend son entreprise, il cherche souvent à protéger cet actif et à en faire une saine gestion afin de conserver son indépendance financière.
Pour son conseiller, il est plus sage de se protéger contre ce risque de concentration par une diversification éclairée. Cette diversification devrait passer par la construction d’un portefeuille comptant de multiples catégories d’actif. Chaque catégorie doit également être à son tour diversifiée de manière à avoir une exposition à différents secteurs d’activité économique (financier, consommation de base, services publics, etc.), différentes situations géographiques, et des titres à revenu fixe de différentes durations.
À mon avis, une gestion par architecture ouverte, qui consiste à confier des mandats aux meilleurs portefeuillistes sur le marché, lesquels ont des styles de gestion différents, offre d’immenses possibilités de diversification et de transparence pour construire une solution adaptée à l’aversion pour le risque et aux objectifs du client.
Il ne faut pas confondre « dispersion » avec « diversification ». Certains clients croient à tort qu’en divisant leur actif entre plusieurs institutions, ils seront alors à l’abri. Si un client répartit son actif entre trois institutions, qui gèrent pour lui trois portefeuilles d’actions canadiennes, ce client a un portefeuille concentré dans une seule catégorie d’actif.
Les frais de gestion. Nombre de clients prêtent une attention démesurée aux rendements passés, croyant à tort que le passé va se répéter indéfiniment. On peut considérer ces rendements, mais il faut davantage examiner la recette utilisée pour les atteindre. Il est aussi sage de tenir compte de la volatilité des placements, celle-ci ayant un impact sur les rendements d’un portefeuille.
La situation se complique toutefois lorsqu’on tente de déterminer la stratégie appropriée pour faire face aux conditions de marché futures. En effet, la plupart du temps, le comportement des marchés est irrationnel. Il a été maintes fois démontré qu’il y a peu de corrélation entre les rendements passés d’un gestionnaire de portefeuille et ceux qui ont suivi. La chance explique souvent les performances qui se démarquent.
Une pièce du casse-tête plus maîtrisable est l’ampleur des frais facturés au client. Ces frais sont prévisibles, car ils sont généralement fixés par entente de gestion.
De plus, différentes études longitudinales démontrent que plus les frais d’un fonds sont bas, plus il est probable que son rendement annualisé, en moyenne, soit haut. Autrement dit, une hausse des frais de gestion a une incidence statistique directe à la baisse sur le rendement obtenu « après frais » sur une longue période. Dans une relation entre le rendement net et l’ampleur des frais, une courbe de tendance indique que chaque point de pourcentage de frais peut réduire le rendement net annualisé de 0,88 point de pourcentage (selon une étude que j’ai faite personnellement sur un échantillon de 80 portefeuilles équilibrés qui avaient 15 ans d’existence au 31 décembre 2006). Et plus un fonds a des frais élevés, plus sa probabilité de surpasser le rendement du marché est faible.
Les institutions ont souvent une tarification dégressive selon l’importance de l’actif d’un client. La « dispersion » auprès de différentes firmes devient donc doublement douloureuse, puisqu’elle fait perdre des économies de frais.
L’ampleur des retraits. L’importance des montants décaissés et le rythme selon lequel les sommes seront retirées influeront sur l’indépendance financière à long terme du client.
Seule une rigoureuse « projection de retraite » permet de valider si les retraits annuels engendrent un risque élevé que le client épuise son capital de son vivant. Dans cet exercice, il faut avoir des hypothèses de rendements attendus et d’inflation à long terme convenable.
Les Normes d’hypothèses de projection de l’Institut québécois de planification financière sont alors fort utiles. Ces mêmes normes indiquent des repères quant à l’âge d’épuisement des actifs à utiliser dans les projections. Il est plus sage de planifier sur des étendues de temps qui correspondent à une probabilité de survie de 10 %. Si on planifiait les décaissements en tenant compte d’une probabilité de survie de 50 %, la moitié des retraités seraient en vie lorsqu’ils auraient épuisé leur capital.
Cette cadence de retrait découlera du coût de vie que prévoit avoir le client fortuné. Cet exercice doit être pris au sérieux, car nonobstant l’ampleur des sommes accumulées, il existe une taille de retraits annuels indexés qui peut mener à un épuisement prématuré.
Le coût de vie du client peut aussi changer avec le temps : il peut aussi se découvrir de nouvelles passions onéreuses, comme le goût du voyage. Lorsqu’il devient moins mobile, le client peut voyager moins, mais dépenser davantage en frais reliés à la santé. La perte ou l’arrivée d’un conjoint peuvent aussi se répercuter sur son coût de vie.
Quand les analyses démontrent hors de tout doute qu’un solde important existera pour la succession, parfois l’assurance vie devient une source de diversification des titres à revenu fixe. Le dilemme devient alors le bon équilibre dans les dons du vivant et ceux au décès.
* A.S.A. Pl. fin., directeur principal, centre d’expertise Banque Nationale Gestion privée 1859