Nul besoin d’être devin pour prévoir l’arrivée prochaine des FNB dans le réseau de distribution des représentants en épargne collective.
Malgré ces développements, seule une poignée de représentants en épargne collective au Canada ont commencé à distribuer des FNB. Plusieurs obstacles et incertitudes expliquent cette situation.
D’abord, contrairement à une croyance répandue dans l’industrie, les représentants en épargne collective peuvent vendre certains types de FNB, confirme Julie Chevrette, conseillère aux communications à la Chambre de la sécurité financière (CSF), qui suit ce dossier de près.
«Dans la mesure où un FNB se qualifie d’organisme de placement collectif (OPC) au sens de la Loi sur les valeurs mobilières (LVM), les représentants en épargne collective sont qualifiés pour offrir de tels produits», explique-t-elle.
Julie Chevrette précise : «En vertu de la LVM, un fonds d’investissement peut se catégoriser en organisme de placement collectif ou en fonds d’investissement à capital fixe (FICF, ou fonds fermé). La seule différence entre un OPC et un FICF est que ce dernier n’offre pas la possibilité de racheter les titres sur demande à la valeur liquidative par titre. Un OPC, au contraire, est constitué de titres rachetables.»
En résumé, il est donc permis à un représentant en épargne collective de vendre des FNB à capital ouvert, soit la majorité de ceux-ci. Cependant, il reviendra aux cabinets de veiller à ce que les FNB inclus dans leur offre de service soient conformes à ces exigences, d’où une certaine inquiétude.
Écueils technologiques
D’autres intervenants de l’industrie pointent du doigt d’autres défis que pourrait occasionner l’arrivée des FNB dans la gamme des produits offerts par les cabinets d’épargne collective.
Notons qu’actuellement, la plupart des cabinets multidisciplinaires ont à leur disposition deux plateformes informatiques pour effectuer leurs transactions, l’une pour les polices d’assurance et les fonds distincts, et l’autre pour les fonds communs.
L’arrivée des FNB dans leur offre de produits constituerait donc une difficulté supplémentaire.
«Les FNB se négocient en temps réel, comme des actions cotées en Bourse. Il est donc possible d’obtenir un prix pour ceux-ci en tout temps pendant les heures d’ouverture des marchés boursiers, tandis que le cours des fonds communs de placement n’est fixé qu’à la clôture», résume Yves Gosselin, vice-président, développement des affaires de Solutions AGEman, un développeur de systèmes de back-office et de front-office pour les assureurs de personnes.
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Cette difficulté est confirmée par François Bruneau, vice-président investissement au Groupe Cloutier : «Le principal défi se trouve sur le plan technologique, puisque ces produits se négocient sur une plateforme différente de celle sur laquelle l’industrie des fonds communs travaille.»
Deux fournisseurs de systèmes se disent prêts. Christine Rodrigues a confirmé à Finance et Investissement que la nouvelle plateforme mise au point par Banque Nationale Réseau des correspondants (BNRC) était en service. «La plateforme permet d’offrir le service par l’intermédiaire d’un compte omnibus par négociant en fonds communs», résume la vice-présidente responsable du développement des affaires.
Cependant, elle précise que seuls les FNB qui satisfait les exigences de la règle NI 81-102 sont admissibles. La règle NI 81-102 limite les FNB quant au recours aux produits dérivés et aux autres outils de placement à effet de levier ainsi qu’en matière de codification du risque.
Chaque cabinet d’épargne collective aura donc un seul compte dans lequel les transactions seront effectuées et où les titres seront conservés afin de faciliter les opérations de back-office.
Aucun cabinet en épargne collective n’a encore adhéré à cette plateforme. «Je peux cependant vous assurer qu’elle suscite beaucoup d’intérêt», rassure Jean-François Cadieux, directeur aux affaires publiques à la Banque Nationale.
François Bruneau note qu’un autre fabricant de systèmes informatiques fournit déjà une plateforme. Mark Van Rassel, vice-président, solution de courtage, chez RPM Technologies, confirme que cette plateforme est opérationnelle depuis plus longtemps que certains le pensent dans l’industrie.
Mark Van Rassel, qui dirige la société mère de Winfund avec laquelle plusieurs cabinets québécois font déjà affaire, souligne que sa plateforme qui permet de distribuer des FBN est déjà offerte depuis plusieurs années.
En fait, RPM Technologies ne serait pas en concurrence avec Banque Nationale. «Nos produits sont complémentaires», précise Mark Van Rassel. Le tout s’explique par le fait que les cabinets en épargne devront passer par l’intermédiaire d’un courtier en valeurs mobilières inscrit à la Bourse de Toronto et par l’intermédiaire de la Caisse canadienne de dépôt de valeurs. «Les cabinets devront inscrire leurs transactions dans notre système en y ajoutant le numéro de BNRC», souligne Mark Van Rassel.
Les cabinets qui voudront faire affaire avec un autre courtier seront libres de le faire. Cependant, Mark Van Rassel explique qu’ils perdront les avantages liés à certaines fonctionnalités de R-Broker, soit la suite de RPM Technologies, qui répond aux exigences de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM).
«Les cabinets qui font affaire avec BNRC entreront leurs transactions dans notre système et tout se fera automatiquement : la transaction, la garde des valeurs, le suivi des dividendes, etc. Le cabinet qui fait affaire avec un autre courtier pourra passer la commande sans problème, mais il devra effectuer certaines démarches manuellement», précise-t-il.
Problèmes de rémunération et de formation
Plusieurs intervenants s’interrogent également sur les difficultés qui pourraient découler des différences de modes de rémunération versée aux représentants par les FNB et par les fonds communs. Les représentants en épargne collective sont généralement rémunérés par une commission de suivi, peu par honoraires payés directement par le client. Or, ce mode de rémunération est souvent celui des conseillers offrant des FNB.
Christine Rodrigues fait remarquer toutefois que la nouvelle plateforme de BNRC permet de gérer ces différences.
Elle se fait rassurante quant aux craintes de l’industrie concernant le non-respect éventuel des normes exigées par la règle NI 81-102.
«La plateforme de BNRC prévoit que seuls les FNB répondant à la règle NI 81-102 sur la détention de produits dérivés et la codification du niveau de risque pourront être négociés», affirme-t-elle. Ce qui ne rassure pas nécessairement tout le monde pour l’instant. «Il faudra donc que nos fournisseurs de systèmes informatiques soient en mesure de nous fournir une solution qui permettra de communiquer simultanément avec les deux plateformes», observe François Bruneau, du Groupe Cloutier.
Il soulève des difficultés en matière de formation et de déontologie : «La vente éventuelle entraînerait certains défis, notamment en matière de formation des représentants. Le résultat de la consultation de l’ACCFM à ce sujet nous orientera en ce sens», explique-t-il.
Ken Woodard, directeur des communications à l’ACCFM, précise cependant à Finance et Investissement que la compilation des rapports soumis pour les fins de cette consultation n’était toujours pas terminée.
Julie Chevrette, de la CSF, note que «les obligations déontologiques prévoient que les représentants doivent avoir une bonne connaissance du produit offert et de ses caractéristiques, dont les risques qui y sont associés, les frais relatifs, la façon dont le produit est négocié et les règles qui encadrent ces transactions. Les représentants doivent aussi s’assurer que le client comprend bien les caractéristiques du produit et que le produit lui convient.»
Par ailleurs, Mackenzie et AGF se sont montrés peu loquaces lorsqu’ils ont été interrogés sur leur stratégie pour contrer ces obstacles. Mackenzie a indiqué ne pas donner d’entrevues sur ce sujet tant que le service ne sera pas offert. AGF s’est fait à peine plus explicite. «Nous communiquerons avec vous au cours de l’année, une fois que notre stratégie sera établie», nous a indiqué sa porte-parole Amanda Marchment.