«Les régulateurs ont développé le MRCC 2 pour que les clients soient mieux informés sur leurs investissements, explique Susan Silma, associée et cofondatrice de CRM2 Navigator. Cela passe par la transparence et la clarté concernant les coûts et le rendement de leurs investissements.»
Encore faut-il comprendre ce qui importe aux investisseurs.
Pour la cofondatrice de la firme torontoise, qui a pour mission d’accompagner les conseillers à prendre le virage MRCC 2, cela se résume en deux questions : Comment vont mes placements ? Et combien me coûtent ces placements ?
Des frais, quels frais ?
Selon un sondage d’Investment Executive effectué auprès de 4 004 Canadiens, 23 % des investisseurs pensent qu’ils ne paient pas de frais à leur conseiller, et près du quart (24 %) ne semblent même pas au fait d’une quelconque rémunération.
L’enquête réalisée par Credo Consulting dévoile également que la majorité des répondants ne semble pas comprendre comment est calculé le montant des frais qu’ils paient à leur conseiller en échange de ses recommandations.
«Nos recherches démontrent que, même si les conseillers pensent avoir été clairs sur les frais, les clients ne les comprennent pas toujours, rapporte Susan Silma. Dans certains cas, ils ne se souviennent même pas d’en avoir parlé.»
Cependant, si le MRCC 2 permettra aux clients d’être plus informés, notamment grâce aux deux relevés qu’ils recevront annuellement et sur lesquels figurent les frais versés au courtier, au dollar près, ainsi que le rendement généré par leur portefeuille, ces nouvelles exigences risquent de soulever de nombreuses questions auxquelles les professionnels de l’industrie devront être prêts à répondre. «Ce qui va surprendre les gens, c’est la conversion des pourcentages en dollars absolus, prévient Sara Gilbert, conférencière spécialisée en développement des affaires et fondatrice de Strategist(e). Sur un million, 1 % n’a pas le même impact que 10 000 $.»
Et ces nouvelles exigences vont également susciter de l’incompréhension chez les investisseurs quand ils verront apparaître des frais qu’ils n’ont pas payés directement à leur conseiller, comme les commissions de suivi puisées à même les actifs du fonds. Toujours selon Credo Consulting, 59 % des Canadiens croient que leur conseiller ne reçoit pas de commissions de suivi, tandis que 25 % ont déclaré ne pas en être sûrs.
«Les clients pensent souvent que tous ces frais vont directement dans nos poches, dit Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe financier et associé chez Virage Coaching. Il est important de leur expliquer que la partie de la commission que nous touchons réellement nous permet de payer nos propres frais, mais aussi de rémunérer nos employés, par exemple.»
«Finalement, la question ne devrait pas tant porter sur le montant des frais, mais plutôt sur ce que je reçois pour ces frais-là», insiste Sara Gilbert.
La valeur du conseil
«En ne tenant compte que des chiffres, on a tendance à oublier toute la question de la valeur ajoutée», affirme Susan Silma.
Le sondage de Credo Consulting révèle pourtant qu’un grand nombre de conseillers auraient intérêt à mettre les bouchées doubles s’ils veulent communiquer adéquatement leur valeur. En effet, 18 % des investisseurs ont affirmé qu’ils reçoivent «à peine une juste valeur» pour leur argent, tandis que 5 % se demandent pourquoi ils paient leur conseiller.
«La relation est très fragile quand le client n’a pas l’impression que ça vaut le coup, affirme Sylvain De Champlain. Tout dépend de sa perception.»
Le conseiller doit alors démontrer à ses clients ce qu’il fait spécifiquement pour chacun d’eux. Cette offre de service permet de mettre en évidence les avantages qu’il y a à faire appel à lui plutôt qu’à la concurrence.
«Un investisseur qui choisit un conseiller pour ses faibles frais ou pour des rendements élevés le quittera pour les mêmes raisons», prévient Sara Gilbert.
Elle pense également qu’il est judicieux de rappeler concrètement à l’investisseur le chemin parcouru en faisant un retour sur les différents événements de leur vie financière. «Cette année, cela vous a coûté 15 000 $ en honoraires, mais voici ce qu’on a fait ensemble», illustre-t-elle.
En somme, une proposition de valeur devrait inclure l’ensemble des services offerts par le conseiller, mais aussi ce que le client ne peut pas voir, comme le temps consacré à la recherche d’options de placement, l’analyse de portefeuille ou la gestion des risques.
Sylvain De Champlain mise d’ailleurs sur cette stratégie en suivant de près les événements auxquels les investisseurs pourraient être exposés. «Lors de la crise de 2008, nous n’avons pas hésité à organiser une conférence téléphonique pour qu’ils puissent avoir l’heure juste sur la situation», dit-il.
Il est même allé plus loin en leur faisant parvenir une lettre personnalisée leur proposant différentes options, selon leur tolérance au risque. «Si le client ne dort plus la nuit parce qu’il est inquiet, nous devons gérer ses attentes, insiste le planificateur financier. Nous devons tenir compte de ses émotions dans le but de le protéger.»
«Et si le client trouve qu’il paie encore trop cher pour nos services, c’est que nous n’avons pas su démontrer notre valeur», soutient-il.
Misez sur les objectifs
Selon Susan Silma, la divulgation des frais risque d’engendrer une autre question épineuse, puisque les clients seront tentés de comparer leurs rendements avec les frais affichés plutôt que de les mesurer à leurs objectifs.
«Oubliez les marchés et les indices, insiste Sara Gilbert. Il faut faire comprendre [aux clients] que ce qui importe, c’est de garder le cap sur ses buts financiers.»
Si le sujet mérite d’être abordé dès le début de la relation, elle estime toutefois qu’il n’est jamais trop tard pour amorcer la discussion. «Un objectif, ça bouge, ça se réévalue.»
Ainsi, d’après des recherches de CRM2 Navigator, 57 % des clients fortunés quittent leur conseiller parce que ce dernier ne saisit pas leurs objectifs.
«Malheureusement, de nombreux investisseurs ne parviennent même pas à définir clairement leurs objectifs», relève Susan Silma, qui pense que cela représente une occasion d’affaires incroyable pour les professionnels de l’industrie.
«Pour bien comprendre les objectifs de vie de nos clients, il faut avant tout les aider à les définir, renchérit Sylvain De Champlain. Les produits que nous vendons sont des outils qui leur permettront de réaliser leurs rêves.»
Un client informé en vaut deux
Selon Credo Consulting, 57 % des Canadiens qui ont un conseiller financier sont susceptibles de le recommander.
«Il agit à titre de coach financier, continue Sara Gilbert. Les répercussions qu’il a sur la vie des clients sont énormes. Même s’il n’est pas avec son client, il travaille pour lui et se rend disponible.»
Des recherches menées par CRM2 Navigator ont cependant dévoilé que 64 % des investisseurs fortunés avaient changé de conseiller, car celui-ci ne communiquait pas assez souvent avec eux.
«Les investisseurs veulent sentir qu’il pense à eux, mais aussi qu’il travaille pour eux, surtout quand les marchés sont en baisse», confirme la cofondatrice de la firme torontoise.
Une relation client-conseiller devrait donc se bâtir avant tout sur la fréquence des interactions. «Ça doit s’inscrire dans une stratégie de communication, indique Sara Gilbert. Ces communications devraient essentiellement tourner autour de la vie privée du client.»
Mieux vaut troquer une longue rencontre annuelle contre une plus courte, et davantage miser sur des courriels et des appels téléphoniques réguliers, estime la conférencière.
Une autre étude commanditée par Placements Mackenzie a cependant dévoilé que seulement 25 % des conseillers consultaient régulièrement leurs clients pour connaître leurs attentes.
Un triste constat pour Susan Silma, qui estime qu’un professionnel capable d’aborder la question des frais et des rendements gagnera assurément la confiance de ses clients. Sans compter que ces conversations représentent une belle occasion d’éduquer les investisseurs.
«Un client mieux informé est tout simplement un client plus engagé, ce qui renforce la base d’une relation», soutient Susan Silma.
En effet, le sondage mené par Credo Consulting a dévoilé que les investisseurs canadiens qui ont une bonne compréhension des bases de la finance sont plus à même de recommander leur conseiller.
«Pourtant, déplore Sara Gilbert, il y a un écart important entre la perception des conseillers et la compréhension réelle des investisseurs.»
Elle estime que les professionnels de l’industrie devraient porter davantage attention au langage non verbal, et ne pas hésiter à poser des questions. «On pourrait même demander aux clients de résumer certains points pour avoir l’heure juste sur ce qu’ils ont retenu, mais surtout compris», conclut Sara Gilbert.