Finance et Investissement a demandé à quatre experts des fonds négociés en Bourse (FNB) de proposer des solutions à des problématiques de portefeuille fréquemment soumises aux professionnels en services financiers. Voici leurs suggestions.
1 Problématique : diversifier un portefeuille
Comment permettre à un client qui n’a pas – ou peu – de placements dans certaines catégories d’actifs, segments ou secteurs du marché de diversifier efficacement son portefeuille ?
Les FNB offrent de nombreux choix qui débouchent sur une diversification immédiate. «Il y a plusieurs FNB indiciels dans tous les secteurs et toutes les catégories d’actifs qui permettent de combler les lacunes perçues dans un portefeuille», dit Ian Gascon, président de Placements Idema.
«Grâce aux FNB, il est possible de se diversifier comme jamais, surtout dans les grands marchés liquides», renchérit Mary Hagerman, gestionnaire de portefeuille et conseillère en placement chez Desjardins Gestion de patrimoine Valeurs mobilières.
«Les FNB permettent tout de suite de répartir même des montants plus modestes dans un panier d’actions – qui peut être passif ou d’une approche factorielle -, mais aussi de diminuer sa concentration géographique en investissant dans des marchés complémentaires à ceux où l’investisseur est déjà présent», ajoute-t-elle.
Toutefois, «il est aussi possible de trouver des fonds communs de calibre institutionnel à très bas frais qui pourraient atteindre les mêmes objectifs», souligne James Parkyn, gestionnaire de portefeuille et cofondateur de PWL Capital.
Dans le cas d’un portefeuille surexposé à un segment du marché, mais dont les titres ne peuvent pas être liquidés facilement – pour des raisons fiscales, par exemple -, Vanguard suggère «d’établir [avec un FNB] une position à découvert afin de « retirer » l’exposition du portefeuille en prenant la position « négative » dans le FNB».
Nos quatre experts estiment qu’il s’agit d’une stratégie qui s’applique dans des circonstances particulières, et surtout, qui est réservée à des investisseurs avertis. «C’est loin d’être la première solution que j’envisagerais, parce qu’il y a plusieurs contraintes spécifiques, affirme Ian Gascon. Je préconiserais de vendre des titres au moment opportun plutôt que d’utiliser la vente à découvert.»
En matière d’options, pour les investisseurs avertis, Mary Hagerman suggère des stratégies d’options d’achat couvertes (covered call), intégrées dans certains FNB. Celles-ci consistent à vendre des options sur un actif pour lequel l’investisseur est déjà en position acheteur.
«Ces stratégies jouent vraiment un rôle pour augmenter les revenus générés par le portefeuille, mais elles sont coûteuses et laborieuses à établir sur une base individuelle. Acheter de tels FNB est donc un avantage», fait-elle valoir.
Vincent Cliche, conseiller en placement à la Financière Banque Nationale, souligne qu’il est aussi possible d’effectuer un «roulement» des actions détenues par l’investisseur.
«Certaines entreprises offrent d’acheter des parts d’un fonds commun en actions plutôt qu’en argent, précise-t-il. Cela constitue un roulement fiscal.» C’est pratique pour les clients qui ont été rémunérés en actions à un moment ou un autre de leur carrière.
Rééquilibrage et rotation
Quand vient le moment de rééquilibrer un portefeuille, l’utilisation des FNB permet de limiter le nombre de transactions nécessaires.
«Un FNB diversifié classique, qui permet de couvrir un marché dans son ensemble en achetant une seule valeur mobilière en Bourse, est un outil qui peut rééquilibrer immédiatement un portefeuille en minimisant les impacts fiscaux», précise James Parkyn.
Le même principe s’applique pour la rotation sectorielle. «Si le conseiller est convaincu du potentiel d’un secteur du marché en particulier, il peut acheter un FNB sectoriel qui est uniquement composé de titres de ce secteur afin d’augmenter l’exposition rapidement et efficacement», affirme Mary Hagerman.
Pour sa part, Ian Gascon ne recommande pas ce type de FNB. «La majorité d’entre eux sont très coûteux par rapport à une exposition équivalente dans un FNB indiciel qui reproduit l’ensemble du marché, fait-il valoir. Il est préférable de fonctionner avec des catégories d’actifs mondiales et de rééquilibrer par région géographique plutôt que par secteur.»
2 Problématique : gérer une grande entrée de liquidités
Il arrive qu’un client dispose soudainement de beaucoup de liquidités à investir, que ce soit à la suite d’un héritage, d’une vente d’entreprise ou d’un gain à la loterie. Quelle est la meilleure stratégie de gestion à court terme, surtout si l’on veut éviter de revoir la totalité du portefeuille ?
Les quatre experts jugent que la nature diversifiée des FNB en fait une bonne solution, bien que ce ne soit pas la seule. «Si le client souhaite investir cet argent dans les marchés, c’est certainement une meilleure solution que d’investir à la pièce dans quelques titres individuels», soutient Ian Gascon.
«Les FNB permettent d’investir rapidement l’argent du client selon son modèle d’investissement actuel», ajoute Mary Hagerman.
Les frais de gestion sont un autre aspect à considérer. «Les FNB permettent de gérer un avoir à très faible coût, entre autres si on les compare à des fonds communs de placement», note Vincent Cliche.
Il est toutefois important de sélectionner le bon type de FNB. Selon Ian Gascon, «dans la majorité des cas, les FNB indiciels sont probablement les plus efficaces à long terme».
À l’inverse, si le court terme est visé, «il existe plusieurs FNB qui investissent dans des placements à revenu élevé, de style marchés monétaires, fait valoir Mary Hagerman. Dépendamment du désir du client et de la vision du conseiller, il est possible d’acheter des titres à taux d’intérêt variable ou encore du marché monétaire américain.»
La philosophie du conseiller guide le type de FNB choisi. Certains décident par exemple de stationner temporairement l’argent du client dans les FNB qui reproduisent des marchés très larges et diversifiés, le temps d’évaluer leurs possibilités.
«Au moins, nous savons que nous ne manquerons pas une hausse du marché éventuelle en laissant l’argent non placé pendant que nous développons une stratégie d’allocation géographique et sectorielle», illustre Mary Hagerman.
D’autres experts préconisent ces mêmes fonds comme stratégie à long terme. «Nous croyons dans la gestion passive, et les FNB qui reproduisent des marchés très larges et diversifiés sont des outils fondamentaux très puissants dans ce contexte», affirme James Parkyn.
À quelle vitesse ?
La philosophie de gestion joue également un grand rôle dans la stratégie adoptée, surtout en ce qui concerne la vitesse d’exposition au marché.
James Parkyn suggère une entrée progressive sur quelques mois «afin d’évaluer avec le client quelles parties du portefeuille seront volatiles et lesquelles serviront à la préservation de capital». Il suggère aussi de bien l’informer sur les risques d’une stratégie de synchronisation du marché (market timing), soit tenter de prédire le bon moment pour entrer ou sortir du marché.
«S’il était facile de prévoir l’évolution de la Bourse, il n’y aurait pas de transactions ! rappelle James Parkyn. Il faut donc savoir à quel point l’investisseur est prêt à assumer le risque, considérant qu’historiquement, les marchés sont généralement à la hausse, mais qu’ils sont imprévisibles à court terme, et que le client peut être subitement perdant.»
C’est pourquoi le gestionnaire préfère miser sur une stratégie de déploiement qui permet d’éviter les regrets plutôt que de maximiser le rendement.
«Souvent, le client ne sait pas nécessairement comment il veut se servir de toute cette somme. Investir progressivement permet d’établir un plan et de s’assurer de l’horizon de placement avant d’entrer sur les marchés, indique Mary Hagerman. Si nous ne disposons pas d’au moins quatre ou cinq ans, le client pourrait avoir de mauvaises surprises quand viendra le moment d’un retrait.»
Même si Ian Gascon et Vincent Cliche sont d’accord avec ces précautions liées à la psychologie de chaque investisseur, ils rappellent qu’en théorie, il est préférable d’exposer l’ensemble des liquidités au moment où elles sont disponibles.
«Des études empiriques ont montré que dans 83 % des cas, il serait préférable de tout investir d’un coup, souligne Vincent Cliche. Donc, sur le plan strictement quantitatif, il n’y a pas de raison de faire un plan d’achat par versements réguliers.»
3 Problématique : vendre à perte à des fins fiscales
Comment un conseiller peut-il s’y prendre pour faire bénéficier son client d’une stratégie de vente à perte à des fins fiscales – soit cristalliser les pertes sur certains titres dans le but de compenser les gains en capital enregistrés par d’autres -, sans lui faire perdre son exposition aux marchés ?
Parce qu’ils permettent de respecter les règles fédérales sur les pertes apparentes (qui imposent un délai d’au moins 30 jours avant le rachat d’un titre vendu pour enregistrer une perte en capital), les fonds d’investissement, y compris les FNB, constituent une bonne façon d’optimiser la fiscalité d’un portefeuille sans pénaliser le client.
«Par exemple, l’achat d’un FNB sectoriel qui reproduit le rendement des sociétés de télécommunications canadiennes permet de demeurer exposé au titre de Telus qui aurait été vendu à des fins fiscales, illustre Vincent Cliche. Durant 30 jours, le comportement boursier du FNB risque de ressembler à celui du titre.»
Les fonds communs sectoriels peuvent avoir le même impact, sauf qu’ils sont généralement réfléchis sur un horizon de placement plus long. «Le principe même des fonds communs, c’est d’acheter les capacités d’un gestionnaire de surperformer un indice, dit Mary Hagerman. Sauf que si sa stratégie ne lui permet pas de mieux performer que le marché, le client est plus perdant que s’il avait choisi un FNB.» Sans compter que les frais de gestion sont plus élevés.
Si l’étendue de l’exposition au marché prime sur le secteur visé, un FNB indiciel peut aussi être choisi comme outil stratégique. «Même qu’il est possible de vendre un FNB qui a subi des pertes et d’en racheter un autre qui suit un indice différent investi dans la même catégorie d’actifs», note Ian Gascon.
Le plus grand risque de l’utilisation d’un FNB dans une stratégie de vente à perte à des fins fiscales est que son rendement ne soit pas identique à celui du titre cristallisé, surtout s’il s’agit d’une action individuelle. «Par contre, si le client vend un FNB qui reproduit un indice, disons le S&P 500, il y a plusieurs autres FNB sur le marché qui font la même chose et qui auront un rendement identique», souligne Mary Hagerman.
En règle générale, la vente à perte à des fins fiscales est une stratégie privilégiée par les gestionnaires actifs, alors que les gestionnaires indiciels préfèrent se fier à la diversification et au rééquilibrage des marchés. «Des décisions fiscales à court terme sont toujours des gageures dont le résultat est aléatoire, estime James Parkyn. Par contre, à long terme, le client aura un rendement positif, parce que le système capitaliste fonctionne ainsi.»
La stratégie de la vente à perte à des fins fiscales peut être utilisée en tout temps. Le moment suggéré dépend de la philosophie des conseillers. Ian Gascon dit le faire tout au long de l’année, «au moment qui est pertinent selon la situation du client».
De leur côté, Vincent Cliche et Mary Hagerman croient qu’attendre la fin de l’année permet d’avoir une meilleure idée de l’ensemble de la situation fiscale du client.
C’est une erreur, croit James Parkyn : «En fin d’année, tout le monde veut éviter de payer de l’impôt, donc il y a beaucoup de pression pour vendre les mêmes titres, ce qui fait baisser leurs prix, met-il en garde. Après les dates limites pour cristalliser, ils vont augmenter de nouveau.»
4 Problématique : procéder à un ajustement tactique du portefeuille
Un conseiller qui souhaite faire un ajustement tactique au portefeuille d’un client afin de profiter d’une occasion potentielle, sans chambouler complètement sa stratégie de placement, a-t-il intérêt à se tourner vers les FNB ?
«À mon avis, c’est le meilleur outil pour l’ajustement tactique, même qu’il s’agit d’un des aspects les plus intéressants des FNB, affirme Vincent Cliche. Ils permettent d’exprimer facilement et rapidement une vision à un coût raisonnable, en ayant une diversification.» Le tout en une seule transaction – contrairement à la vente d’actions individuelles – et à moindres frais que les fonds communs.
«Les FNB permettent d’aligner d’un seul coup le portefeuille selon notre vision du marché, que ce soit pour profiter d’un grand marché, d’un positionnement géographique ou d’une exposition à un secteur précis auquel nous croyons», dit Mary Hagerman.
Elle donne l’exemple de la campagne électorale américaine de 2016, durant laquelle les deux principaux candidats à la présidence disaient vouloir favoriser des secteurs très différents de l’économie. «Les FNB ont permis de se positionner selon le candidat qui, selon nous, serait élu.» Ils permettaient aussi de rectifier rapidement le tir au lendemain du vote dans le cas contraire.
Sachant que certains FNB d’obligations peuvent aider à modifier la duration obligataire d’un portefeuille, ils sont d’autant plus intéressants pour des ajustements tactiques. «Un conseiller peut très rapidement en vendre un d’une duration de sept ans et en racheter un plus court à un coût très raisonnable», illustre Vincent Cliche.
La possibilité de modifier la couverture de devises est un autre avantage tactique des FNB, selon Mary Hagerman. «Auparavant, pour être sur le marché en dollars américains, il fallait acheter des titres américains, point final. Maintenant, il est possible d’avoir une couverture en dollars américains pour les devises européennes, par exemple. Et si nous pensons que le dollar canadien va perdre de la valeur par rapport au dollar américain, il est possible de changer la couverture du portefeuille en modifiant la devise d’une partie de celui-ci.»
Encore une fois, la philosophie de placement du conseiller joue un grand rôle. Surtout que certains, comme Ian Gascon et James Parkyn, préfèrent éviter les ajustements tactiques. «Il s’agit d’une stratégie de gestion active qui prône le market timing, explique James Parkyn. Chez PWL, nous préconisons plutôt de réduire autant que possible les transactions à moyen et long terme en faveur des rééquilibrages, afin de refléter les objectifs d’allocation stratégiques à long terme.»