Le segment de marché des FNB canadiens à gestion active prend de l’expansion. De décembre 2016 à décembre 2017, l’actif sous gestion (ASG) de ces FNB est passé de 23,7 G$ à 26,1 G$, alors que le nombre de fonds a augmenté de 143 à 184, selon Strategic Insight. La part de marché de ce segment est passée de 20,8 % à 17,7 % durant cette période.
Le Canada semble un terreau fertile aux FNB à gestion active, sachant que ce type de fonds ne représente qu’environ 1 % de l’actif sous gestion en FNB américains, selon Daniel Straus, vice-président et chef de la recherche et de la stratégie sur les FNB chez Financière Banque Nationale.
Selon lui, en novembre dernier, le taux de croissance annuel sur cinq ans de l’ASG des FNB canadiens était de 20 % par rapport à 32 % pour les FNB canadiens à gestion active. Cette effervescence s’explique d’abord par l’intérêt des clients à l’égard des FNB d’options d’achat couvertes et des FNB à faible volatilité. Selon Strategic Insight, ces types de FNB figurent parmi les plus importants FNB canadiens gérés activement en termes d’ASG.
De plus, cette croissance s’explique par la popularité des FNB actifs de titres à revenus fixes, souligne Daniel Straus. Parmi ces fonds, en 2017, 41 % des entrées nettes étaient dans des FNB actifs, ce qui est supérieur à leur part de marché de 19 % de l’actif total en FNB de titres à revenu fixe, selon le rapport de fin d’année de cet analyste. Les nouveaux fonds d’obligations PIMCO Canada et d’actions privilégiées de RBC Gestion mondiale d’actifs, d’Horizons, de Placements Mackenzie, de Dynamique/iShares et de First Asset ont contribué à la croissance.
«La popularité croissante de cette catégorie d’actifs confirme la conviction partagée par les investisseurs canadiens selon laquelle il pourrait y avoir une place pour la gestion active parmi les catégories d’actifs opaques et difficiles d’accès», écrit Daniel Straus dans ce rapport.
La progression des FNB à gestion active s’explique également par la multiplication du nombre de manufacturiers. De décembre 2015 à décembre 2017, leur nombre est passé de 9 à 21.
Fin février, l’industrie canadienne des FNB accueillait un autre acteur, alors que Bristol Gate Capital Partners lançait deux fonds actifs d’actions. En 2017, les firmes suivantes ont aussi lancé des FNB à gestion active, selon Strategic Insight : Gestion de l’actif AGF iQ, Arrow Capital Management, BlackRock Canada, BMO Gestion mondiale d’actifs, Evolve Funds, Excel Funds, Franklin Templeton, Hamilton Capital, Harvest Portfolios, FNB Horizons, Mackenzie, PIMCO, Purpose Investments, RBC, Redwood Asset Management et WisdomTree Canada.
Les observateurs croient que la tendance s’accélèrera, car de nombreux distributeurs de FCP reluquent cette manne. D’ailleurs, certains se sont lancés dans la mêlée. Pensons à AFG, Dynamique et Placements Mackenzie. Chez Mackenzie, par exemple, 9 des 28 FNB sont actifs, soit quasiment le tiers des fonds. Ces fonds représentent 50 % des actifs gérés par les FNB de Mackenzie. Cependant 98 % des actifs des FNB gérés activement par Mackenzie le sont dans le revenu fixe.
Toujours selon Daniel Straus, les trois principaux manufacturiers de FNB actifs seraient BMO (36,1 % de parts de marché), Horizons (19,5 %) et BlackRock Canada (9,3 %).
Vraiment actifs ?
Des observateurs de l’industrie invitent à prendre ces statistiques avec un grain de sel. «Plusieurs des fonds qui se disent actifs sont des fonds où un vrai gestionnaire n’intervient que pour modifier marginalement les décisions», remarque Christian Charest, éditeur responsable des sites Web de Morningstar Canada. Les gestionnaires de ces fonds seraient un peu comme les pilotes d’avions de ligne qui n’interviennent que si l’ordinateur qui contrôle le vol adopte un comportement erratique ou se détourne du plan de vol.
Rappelons qu’un véritable fonds actif a recours à un gestionnaire en chair et en os qui sélectionne les divers titres du fonds, contrairement aux fonds indiciels ou passifs qui ne requièrent pas de véritable gestionnaire, car ils ne font que suivre un indice ou le modifier à la marge pour éviter des anomalies trop frappantes.
«Prenez le PowerShares S&P/TSX Composite Low Volatility Index ETF. Ce FNB regroupe 50 titres de l’indice S&P/TSX composite low volatility qui ont la plus faible volatilité et il est considéré comme passif. Le BMO Low Volatility Canadian Equity ETF sélectionne 40 titres à faible bêta parmi 100 titres liquides du S&P/TSX. Aucun indice n’intervient, car BMO a sa méthodologie. Ce fonds se retrouve donc dans la catégorie des FNB actifs», expliquait Dan Hallett, vice-président et directeur, responsable de la recherche chez HighView Financial Group, à Investment Executive, publication soeur de Finance et Investissement.
Christian Charest cite l’exemple des quatre fonds Vanguard qui se décrivent comme étant actifs. «Il n’y a pas grand-chose d’actif là-dedans», ironise-t-il. De plus, il remarque que ces fonds ne gèrent que de 20 à 60 M$ chacun. Il s’interroge sur leur viabilité. «Si un fonds gère 50 M$ et facture 60 points de base en frais de gestion, dont 30 vont au gestionnaire, il reste 150 000 $. Pas de quoi payer un gestionnaire à temps plein et ses frais», calcule-t-il.
Selon Christian Charest, l’industrie des FNB au Canada se divise en deux : d’un côté, les fonds passifs et à bêta intelligent rudimentaires, et de l’autre, les fonds actifs.
Sur le plan de la gestion active, c’est Horizons qui jouirait d’une longueur d’avance. «C’est dans ce segment qu’apparaissent la plupart des nouveaux fonds. On peut se demander combien de ces fonds seront toujours là dans cinq ans. Dans la gestion active, il faut témoigner d’un historique de rendements, ce que la plupart des petits fonds actifs ne peuvent pas faire. Dans les FCP, il y a de nombreux fonds qui ont des historiques de rendements qui servent d’arguments de vente», constate-t-il.
Avantage aux manufacturiers de FCP
Les distributeurs de FCP, comme Dynamique ou Mackenzie, jouissent donc d’un avantage car ils comptent sur des gestionnaires de portefeuille qui peuvent invoquer cet historique de rendements.
Certains manufacturiers de FCP ont comme politique de distribuer leurs fonds en version FCP et en version FNB, comme c’est le cas de Purpose. Laurent Boukobza, vice-président FNB, chez Placements Mackenzie, soulève cependant un point intéressant : «Un FNB doit tenir compte du fait que ses parts sont négociées en temps réel. Il faut donc qu’il soit un peu plus liquide.»
«Prenons notre FNB d’actions mondiales Mackenzie Ivy qui tente de copier notre Fonds d’actions étrangères Mackenzie Ivy. Le FNB n’a que 29 titres en portefeuille contre 34 pour le FCP, car on a éliminé les titres moins liquides», dit-il. Cependant, le rendement sera probablement semblable, car il y a moyen de reproduire la même exposition avec des instruments financiers liquides qui sont corrélés aux titres retranchés. De plus, les petites positions sont souvent exclues.
Par ailleurs, la forte pénétration des FNB à gestion active au Canada par rapport aux États-Unis s’explique aussi par la réglementation. Aux États-Unis, les gestionnaires de FNB sont obligés de dévoiler toutes leurs positions et pas seulement les 10 principales, ce qui rend le lancement de FNB actifs moins attrayant puisque les manufacturiers sont ainsi tenus de dévoiler leur stratégie. Celle-ci devient facilement copiable et les gestionnaires ne voient pas alors l’intérêt d’investir dans la recherche. Mackenzie se démarque cependant du lot, car elle publie la totalité des portefeuilles de ses FNB canadiens, même si la législation ne l’exige pas.
Considérer tous les coûts
Quoi qu’il en soit, un conseiller devrait bien analyser l’ensemble des coûts liés à la détention de FNB à gestion active. D’abord, le ratio des frais de gestion (RFG) médian de ce type de FNB s’élevait à 0,72 % par rapport à 0,33 % pour les FNB à gestion passive, d’après une étude de James Gauthier, chef de la recherche sur les fonds chez iA Valeurs mobilières.
Dans le cadre de l’analyse des FNB à gestion active qui reposent sur la sélection de titres discrétionnaire faite par un humain, les frais de gestion pondérés en fonction des actifs d’un fonds d’actions se sont établis à 65 points de base en octobre 2017, d’après Strategic Insight : «C’est un chiffre constant qui a oscillé autour de 64-66 points de base au cours des sept dernières années».
Dans son étude, James Gauthier note toutefois que les RFG ne sont pas les seuls frais qu’il faut surveiller : «Lorsqu’on tient compte de tous les coûts, les FNB peuvent être plus chers que ce qu’on peut croire».
«Les commissions payées par le FNB pour acheter ou vendre des titres peuvent être plus chères qu’on le pense», explique-t-il. Or, elles ne sont pas incluses dans les RFG. Il faut aussi ajouter le coût lié au ratio des frais d’opération (RFO).
De plus, il faut tenir compte de l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur. Contrairement aux FCP, les FNB sont négociés tout au long de la séance boursière et l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur peut se creuser, particulièrement pour un titre peu liquide. Il arrive qu’un client acquière le FNB à un prix supérieur à sa valeur nette. James Gauthier recommande qu’un investisseur place un ordre à cours limité afin d’éviter de payer trop cher ses parts de FNB. «Mais cela réduit les chances que la transaction se conclue», souligne-t-il toutefois (Lire «Ayez à l’oeil les autres coûts» en pages 8, 10 et 11 de ce guide).
L’importance de bien exécuter les ordres d’achat et de vente d’un FNB, afin de minimiser l’impact du coût de l’écart cours acheteur-cours vendeur, soulève également une difficulté supplémentaire pour certains représentants, comme ceux qui détiennent un permis d’exercice restreint. Ceux-ci sont parfois peu familiarisés avec ces différents genres d’ordres (cours au marché, cours limité, etc.), d’où la pertinence pour eux d’être adéquatement formés en ce sens.
Il reste qu’en additionnant les coûts du RFG, du RFO et de l’écart cours acheteur-cours vendeur, les FNB à gestion active peuvent être chers, soit une médiane de 1,24 %, comme le montre le calcul. Plusieurs FCP de série F ont donc un coût semblable.
Les FNB passifs demeurent fort compétitifs avec un coût total médian de détention de 0,63 %. Ce n’est toutefois pas le cas des FNB à effet de levier qui ont un coût total médian de détention de 2,37 %.