Jusqu’ici, les nouvelles obligations ont porté sur la divulgation des coûts des placements avant chaque transaction ainsi que sur la publication d’un indice de référencement. La troisième étape de la réforme, entrée en vigueur le 15 juillet 2016, force maintenant les conseillers à divulguer des renseignements additionnels sur la rémunération.
Et c’est là que le bât blesse…
«Les représentants ont l’impression que l’on exige plus de l’industrie financière que d’autres industries», considère Gaétan Veillette, planificateur financier et représentant en épargne collective, au Groupe Investors.
Il estime aussi que l’abondance de l’information fera perdre de vue à l’épargnant l’essentiel, soit sa planification patrimoniale. «On fait une analyse des besoins du client et on recueille de nombreuses informations, puis lorsque le moment vient de lui présenter sa planification, on doit lui faire de nombreuses divulgations sur les coûts, les rendements et notre rémunération.
Le client risque de perdre de vue l’essentiel, soit l’analyse de ses besoins et la planification qui en découle», dit-il.
Le planificateur financier se réjouit néanmoins de certains aspects du MRCC 2. «La réforme amène les conseillers à mieux documenter leurs dossiers et leurs fiches de communication.»
Autre exigence de cette troisième étape du MRCC 2 : devoir fournir un rapport sur les rendements pondérés selon la valeur monétaire. «Cette obligation ne tiendra jamais la route. Je dis bien jamais», s’insurge Lise Dupont, vice-présidente Initiatives d’affaires de la Financière Banque Nationale – Gestion de Patrimoine. «Un indice de référencement ne peut être utilisé comme base de comparaison que s’il repose sur la notion de valeur temps (time weighted)», ajoute-t-elle.
Pour les plus petits cabinets en épargne collective, le fait de devoir reconstituer le calcul des rendements constitue parfois un défi de taille. «Plusieurs de nos conseillers ont oeuvré ailleurs avant de se joindre à nous. Ils ont fait dans certains cas des transferts de bloc, lorsque c’était permis. Nous demandons alors aux fournisseurs de fonds de nous envoyer les données pour refaire l’historique, et nos calculs sont donc tributaires de ces données. Je ne peux donc pas garantir l’exactitude des calculs dans ces cas», dit François Bruneau, vice-président, administration et investissement, de Groupe Cloutier.
Une solution envisageable serait de ne commencer le calcul des rendements qu’à compter de 2015, comme il est permis de le faire. «Cependant, étant donné que les rendements en 2015 et depuis le début de 2016 n’ont pas été extraordinaires, je ne crois pas que nos conseillers seraient contents qu’on procède ainsi», note-t-il.
Ce dernier préfère donc présenter dans les relevés les rendements historiques, malgré le risque d’inexactitude. «Nous prenons toutefois le soin d’ajouter à nos relevés un avertissement selon lequel nous faisons de notre mieux pour afficher les rendements exacts, mais qu’une erreur peut se glisser», dit le vice-président du Groupe Cloutier.
Une lourdeur indéniable
Nombreux sont les conseillers en placement qui se plaignent de la lourdeur créée par l’implantation des deux premières étapes du MRCC 2 entrées en vigueur en 2014 et en 2015. «Le MRCC 2 nuit à l’efficacité et fait baisser la productivité», notait un conseiller sondé dans le cadre du dernier Top 12 des cabinets multidisciplinaires publié par Financement et Investissement.
«Oui, le fait de devoir fournir l’information sur les coûts et les frais avant chacune des transactions représente une lourdeur additionnelle, concède François Bruneau. Par contre, nous sommes membre de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (MFDA) qui imposait déjà cette obligation depuis quelques années.»
Le vice-président de Groupe Cloutier ajoute que cette information permet aussi de protéger le représentant. «Si jamais la vente de parts d’un fonds entraîne des frais de rachat ou des retenues d’impôt, le conseiller pourra se défendre en disant à son client qu’il avait été prévenu», dit-il.
François Bruneau ne nie pas pour autant la lourdeur du processus. «Ce qui est lourd pour le conseiller, c’est l’obligation de conserver une trace écrite de tout cela», reconnaît-il.
Pour tenter d’atténuer cette lourdeur, Groupe Cloutier a conçu des fiches d’ordres qui contiennent une section divulgation dans laquelle le représentant indique qu’il a transmis au client les informations requises par la règlementation et qu’il les lui a fait signer. Dans les cas où le client ne peut signer (par exemple, lors d’une transaction téléphonique), le représentant remplit lui-même la section et indique comment il a transmis l’information.
Pour les plus gros acteurs, le processus semble plus léger. «Chez nous, le choc n’a pas été aussi grand que cela, constate Lise Dupont. Bon nombre de ces changements avaient déjà été intégrés au sein de notre organisation.»
Gaétan Veillette, du Groupe Investors, souligne favorablement la mise en place graduelle des trois étapes du MRCC 2. «J’ai bien aimé le processus. Le fait qu’il a fallu implanter un seul module à la fois a facilité la tâche.»
Plus difficile en plein exercice
La deuxième étape du MRCC 2, qui est entrée en vigueur en juillet 2015, cause tout de même plus de difficultés, note François Bruneau. «En épargne collective, l’obligation de dévoiler plus d’information sur les coûts ne pose pas vraiment problème, car la plupart des fonds sont évalués quotidiennement et la valeur marchande des fonds est facile à obtenir», indique-t-il.
La situation se corse légèrement pour le courtage de plein exercice. «Cette deuxième étape du MRCC 2 qui porte sur les valeurs marchande et comptable représente un problème pour l’industrie», atteste Lise Dupont de la FNB.
«Nous avions déjà des politiques de valeur marchande mais, en 2015, on a demandé avec raison à l’industrie de mettre à jour celles-ci», dit la vice-présidente. «Pour la majorité des produits, on peut facilement avoir des cotes, mais pour les produits plus exotiques, ou pour les placements privés, le pricing ne se fait qu’une fois par année. On doit alors ajouter au relevé un avertissement qui indique au client qu’il a été impossible de déterminer la valeur marchande», résume Lise Dupont.
La vice-présidente perçoit une autre difficulté dans cette deuxième étape du MRCC 2 : celle d’obtenir des données sur les coûts des fournisseurs externes. «Nous avons un fournisseur d’arrière-guichet pour les plus petits cabinets indépendants, et il peut arriver que nous ne disposions pas de toutes les données sur les coûts comptables chez certains d’entre eux. Avant, nous ne fournissions aucune information sur ceux-ci dans le relevé du client. Dorénavant, nous inscrivons la valeur marchande et nous ajoutons une note à cet effet», résume Lise Dupont.
Cette dernière précise que lorsque l’on parle de coût comptable, on ne parle pas de prix de base rajusté, soit le prix d’achat pour les fins du calcul du gain en capital en matière de fiscalité. La difficulté dans l’établissement du prix de base rajusté provient du fait que le client peut détenir le même titre chez un autre cabinet, d’où la possibilité d’erreur.
Le MRCC 2 ne pose pas seulement des problèmes dans son contenu, mais aussi dans ce qu’il n’inclut pas encore, comme la divulgation de l’ensemble des frais de gestion (RFG), qui avait d’abord été réclamée pour être rejetée en cours de route. «Il existe une frustration dans l’industrie quant à la divulgation du RFG. Il n’y a aucune obligation de le divulguer pour les fonds communs et les FNB, et les autorités ont déjà entamé des discussions à cet effet. Va-t-on vers un MRCC 3 ? C’est ce que pense Lise Dupont : « La pression du marché va faire que les régulateurs passeront aux actes ».»