Même si la seule méthode obligatoire est le rendement pondéré en fonction des flux monétaires externes, les institutions financières peuvent désormais présenter les deux types de performance dans le rapport du MRCC 2 ou le faire de manière distincte à l’aide d’un relevé séparé.
Elles devront fournir des rendements historiques dans la mesure où ces données sont fiables. Certaines pourraient reculer jusqu’à la date d’ouverture du compte et montrer des performances sur 1 an, 3 ans, 5 ans et même 10 ans.
«L’an prochain, plusieurs firmes ne seront pas en mesure de reculer plus loin qu’au 1er janvier 2016, ce qui est le minimum requis, nuance Susan Silma. Certains clients diront à leur conseiller : j’ai un compte avec toi depuis 20 ans, où est passée ma performance historique ?» Selon elle, si les données historiques obtenues par les deux approches n’ont pas la même durée, plusieurs acteurs opteront pour des comptes rendus distincts. «Cependant, une grande part des firmes qui n’ont jamais présenté jusqu’ici le rendement pondéré en fonction du temps ne le feront pas davantage», croit Claude Paquin. Elles divulgueront simplement la méthode obligatoire.
Claude Paquin rappelle que le calcul des rendements est la responsabilité des firmes, et non pas du conseiller. «Elles devront reculer aussi loin qu’elles le peuvent dans le temps et elles devront se justifier. Autrement dit, on ne pourra pas choisir une date arbitrairement afin d’améliorer la présentation aux clients», précise Claude Paquin.
Les gestionnaires de portefeuille risquent de tenir davantage à conserver l’historique des rendements pondérés en fonction du temps puisque celui-ci reflète leur performance sans égard aux dépôts et aux retraits du client. C’est aussi plus pertinent aux fins de comparaison avec un indice de référence.
«Particulièrement dans le cas des comptes gérés, les firmes voudront, dans la mesure du possible, fournir un tel historique de rendement. Ce pourrait aussi être le cas pour certaines lignes d’affaires ou sur une base ponctuelle», précise la directrice générale de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), Naomi Solomon.
Comprendre le taux de rendement
Mais comment expliquer au client qu’un même placement puisse avoir deux taux de rendement complètement différents, soit un rendement positif et un rendement négatif, par exemple ? Selon PWL Capital, la différence peut représenter sur 5 ans une différence absolue de presque 6 %, soit entre – 1,78 % et + 4,16 %. «C’est là toute la difficulté. Encore aujourd’hui, il existe plusieurs idées fausses auxquelles les conseillers eux-mêmes adhèrent à propos du calcul du rendement en fonction des flux monétaires», observe Susan Silma.
Lors d’un récent séminaire, cette dernière a constaté qu’environ 60 % de l’auditoire croyait que le rendement d’un placement (portefeuille) devait absolument baisser si le client retirait des sommes de son compte durant la période. «Pourtant, ce n’est pas le cas. Le rendement pourrait augmenter ou baisser, et cela dépendra du moment dans l’année où le montant est retiré», résume Susan Silma. Si le marché baisse beaucoup après le retrait, cela pourrait donc améliorer la performance du portefeuille. Ce sera souvent circonstanciel, et le client ou le conseiller n’y sont pour rien.
Afin d’avoir des conversations fructueuses, le conseiller doit être à l’aise et comprendre tous ces concepts. «Il doit suivre de la formation où on lui expliquera, par exemple, pourquoi la performance du portefeuille, selon le type de méthode de calcul utilisé, réagira positivement ou négativement à différents évènements, comme un retrait, un dépôt, un marché baissier ou un marché haussier», précise Susan Silma.
D’après Claude Paquin, les conseillers qui se donneront la peine de suivre ces formations joueront pleinement leur rôle d’éducateur auprès du client, et ils auront une longueur d’avance sur les autres. «Ces discussions permettront d’approfondir le lien de confiance qui existe entre le conseiller et son client», croit-il.
Se préparer aux questions
Malgré l’entrée en vigueur le 15 juillet 2016 de la dernière phase du MRCC 2, la plupart des firmes ont choisi de présenter les relevés de frais et de performance en suivant le calendrier civil. «Ainsi, dès le début de 2017, les clients recevront leurs premiers comptes rendus et des questions surgiront», affirme Susan Silma.
La cofondatrice de CRM2 Navigator a aussi travaillé près d’une décennie pour la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) où elle a participé activement à la mise en oeuvre du MRCC 2. Sa firme a mené plusieurs recherches et organisé à travers le pays des groupes de discussion avec des conseillers et des clients afin de connaître leurs appréhensions et les défis à relever dans le cadre de la dernière phase du MRCC 2.
«On constate que les conseillers sont très curieux de voir à quoi ressembleront ces relevés de performance et de frais. Il serait donc fort utile que les firmes leur présentent dès que possible une ébauche afin qu’ils puissent se préparer à répondre aux interrogations de leurs clients», recommande Susan Silma.
«Les courtiers ont tout avantage à impliquer les conseillers en leur présentant d’avance ces relevés sur les rendements et les frais et en leur offrant de la formation. Plusieurs l’ont déjà fait», confirme Claude Paquin, président du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ) et vice-président principal Québec du Groupe Investors. À cet effet, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) a publié le 23 juin dernier plusieurs documents d’information et propose même des modules de formation que peuvent consulter les représentants afin d’approfondir leurs connaissances et de faciliter leurs échanges avec les clients.
Des conversations simplifiées
Par ailleurs, on voudra adopter un langage simplifié afin d’éviter que les clients ne se sentent pas dépassés. «Nous suggérons notamment de ne pas employer l’expression «rendement pondéré en fonction des flux monétaires externes», mais plutôt d’utiliser « taux de rendement personnel du client ». Ce rendement présente donc la performance du marché combiné aux décisions personnelles de retirer ou d’ajouter des montants au compte», indique Susan Silma. L’IFIC fait également cette recommandation à ses représentants en parlant de «taux de rendement total personnel après les frais».
Plusieurs clients se demanderont avec raison si ce rendement personnel est bon ou mauvais. «Il sera alors difficile de le comparer à un indice de référence, puisque la performance est également tributaire des actions du client. Dans ce cas, on comprend l’importance d’avoir un plan financier et des objectifs de rendement. Il faut pouvoir mettre en contexte les résultats obtenus. Pour les conseillers, c’est une occasion à saisir de mieux comprendre les besoins et les objectifs des clients», pense Susan Silma. «Les conseillers sont de plus en plus conscients de la valeur ajoutée de proposer un plan financier individualisé qui leur permettra de donner tout son sens à ce taux de rendement personnel», renchérit Claude Paquin.
Perte d’informations fiscales
Il n’y a pas que les nouveaux relevés qui causent des soucis aux conseillers. C’est également le cas des relevés trimestriels présentés depuis le 31 décembre 2015, qui montrent entre autres le coût des placements. Deux approches sont proposées, soit le coût comptable ou le coût d’origine. Or, ces méthodes ne représentent pas le coût fiscal de la position, comme souvent auparavant. Aux fins de l’impôt, plusieurs clients qui ne voient plus ces données sur leurs relevés craignent d’avoir perdu de précieuses informations pour leur déclaration de revenus.
«L’industrie a demandé aux autorités de réglementation de revoir cette obligation en permettant aux firmes qui le souhaitent de présenter uniquement le coût fiscal des positions afin de faciliter la tâche de leurs clients. La réponse a été non», remarque Susan Silma.
Notons que les firmes qui le veulent peuvent fournir de l’information fiscale, mais en complément du coût comptable ou d’origine. Les clients devront pouvoir aisément distinguer les deux, rappellent les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) dans un avis daté du 14 avril 2016. Selon Naomi Solomon, la plupart d’entre elles ne souhaiteront pas rapporter le coût fiscal, puisqu’elles n’ont pas en main toute l’information personnelle fiscale des clients aux fins de leur déclaration.
«L’idée qui sous-tend le calcul du coût des positions est de permettre aux investisseurs de mesurer si les placements qu’ils détiennent sont en hausse ou en baisse. Ce coût calculé selon les nouvelles exigences du MRCC 2 sera parfois différent du coût fiscal», ajoute la directrice générale de l’ACCVM.
«Les clients pourraient être embrouillés en voyant deux prix différents sur le même relevé. De toute manière, les firmes ne détiennent bien souvent pas toute l’information fiscale personnelle de chaque individu. Il vaut mieux alors rappeler au client qu’il doit conserver toutes ses confirmations d’opération et ses différents contrats afin d’avoir tout en main au moment de faire sa déclaration», conseille Susan Silma.
La valeur de titres peu liquides
Les relevés produits depuis la fin de décembre 2015 doivent aussi présenter la valeur marchande des produits financiers. Dans le cas d’un fonds d’investissement, il s’agit de sa valeur liquidative fournie pour le gestionnaire de portefeuille.
L’an dernier, des acteurs de l’industrie se sont inquiétés de la difficulté d’estimer la valeur sur le marché de certains produits financiers moins liquides, par exemple certains placements privés. Dans le cas d’un titre dont on ne peut estimer raisonnablement le prix, on pourrait indiquer dans le relevé qu’on ne peut l’établir. Ceci permet alors d’exclure des relevés ledit placement en ajoutant simplement une note. Par contre, si ce prix demeure indéterminable pour une période prolongée, il pourrait s’ensuivre qu’on lui attribue une valeur de zéro dollar. Cette procédure pourrait potentiellement pénaliser le conseiller en réduisant la valeur de ses actifs sous gestion et possiblement sa rémunération s’il est sur honoraires.
D’après Naomi Solomon, c’est au niveau des politiques de la firme qu’on établira si le prix d’un placement est impossible à déterminer et combien de temps devra s’écouler avant qu’on lui accorde une valeur de zéro. «Le conseiller doit être familiarisé avec ces mesures pour qu’il n’ait pas de mauvaises surprises. Rappelons que le principal objectif d’une telle politique est de ne pas induire en erreur le client», dit-elle.
Vu la popularité croissante des placements privés, cela pourrait toucher directement la rémunération du conseiller. Selon Susan Silma, il est encore trop tôt pour dire si cela posera un vrai problème. Jusqu’ici, cela ne semble pas être le cas. «Ce n’est pas tant la question de la rémunération qui préoccupe le conseiller, mais bien davantage l’idée que le client voit dans son relevé la valeur d’une portion de ses actifs chuter subitement à zéro», croit-elle.