Dans l’univers en expansion des fonds négociés en Bourse (FNB) canadiens, les stratégies de gestion active démontrent une présence croissante dans ce qui était à l’origine le domaine exclusif de la gestion indicielle passive. À la fin du premier trimestre de 2019, selon Strategic Insight, sur 701 FNB canadiens cotés en Bourse, 263 avaient une gestion active, soit près de quatre sur 10.
La prolifération de FNB à gestion active s’est produite à tous les niveaux, des leaders en matière de parts de marché jusqu’aux nouveaux acteurs en FNB parmi les gestionnaires d’actif de plusieurs milliards de dollars en passant par les manufacturiers spécialisés. Ces firmes souhaitent toutes obtenir une part de marché de ce qui est actuellement le type de produit d’investissement de détail qui obtient les meilleures ventes nettes. Les mandats de gestion active englobent tout l’éventail des catégories d’actif, des actions aux titres à revenu fixe jusqu’aux produits spécialisés qui investissent dans des secteurs ou qui suivent des stratégies alternatives.
La croissance de l’actif a toutefois été moins spectaculaire. Les FNB à gestion active représentaient seulement 21 % des 172,9 G$ d’actif en FNB au 31 mars 2019. Selon l’Association canadienne des FNB (ACFNB), à la fin de mai, sur les 20 plus importants FNB, seulement deux avaient une gestion active. Vu cette percée relativement modeste, il reste des possibilités d’expansion.
«Avec la gamme de produits à gestion active que nous avons actuellement, ce n’est pas le dernier chapitre», dit Mark Neill, chef, FNB chez RBC Gestion mondiale d’actifs (RBC GMA). Cette dernière collabore au marketing et aux lancements de produits dans le cadre de son alliance stratégique avec BlackRock Asset Management Canada, le leader du secteur en matière de parts de marché.
Alors que la majeure partie des FNB iShares de BlackRock ont une gestion passive, la firme offre également des stratégies actives factorielles ainsi que les FNB totalement actifs Dynamic iShares fondés sur les fonds et gérés par 1832 Asset Management, de Toronto. Pour leur part, les FNB de RBC cherchent à s’étendre au-delà de sa gamme actuelle de FNB de revenu fixe à gestion active et de FNB d’actions quantitatifs (quant) RBC fondés sur les règles.
«Comme il s’agit de notre contribution au côté développement de produit de l’alliance, RBC GMA sera vraiment totalement axé sur l’élaboration de cet aspect actif du produit, dit Mark Neill. Nous adoptons une approche méthodique et consultative concernant ce que nous avons mis en marché, afin de nous assurer que chaque produit que nous lançons peut ajouter de la valeur et résoudre des problèmes et, espérons-le, est innovateur et utile pour le marché.»
Les FNB à gestion active appartiennent à l’un des principaux types de FNB. On y trouve du bêta stratégique, soit de la gestion indicielle non passive qui utilise d’autres critères que la capitalisation boursière ou l’équipondération. L’un des plus anciens FNB de ce type est le iShares Canadian Fundamental Index ETF, lancé en mai 2006 dans l’ancienne famille de FNB de Claymore. Ses pondérations en actions sont fondées sur des facteurs comme les dividendes en espèces, les flux de trésorerie disponible et les ventes.
Parmi d’autres exemples : la gamme de FNB Diversification Maximale Mackenzie gérée par TOBAM, de Paris, pour Corporation Financière Mackenzie, les FNB axés sur le Facteur Dividende de Fidelity Investments Canada, les FNB First Asset de Placements CI qui reproduisent les indices à bêta stratégique de Morningstar et de MSCI, et la gamme Franklin LibertyQT offerte par Placements Franklin Templeton.
Certaines stratégies actives sont fondées sur les règles et quantitatives, mais ne sont pas reliées à un indice. Cette description s’applique à la plupart des gammes de Purpose Investments, de Toronto, où le mot «indice» est manifestement absent des noms de fonds. Le Purpose International Dividend Fund, par exemple, a une gestion active, mais utilise des pondérations égales, une limite de secteur de 20 % et des classifications pour les rendements en dividende stables et les facteurs de valeur.
«Nous n’allons pas être limités par la notion d’indice, dit Som Seif, fondateur, président et chef de la direction de Purpose Investments. Nous allons plutôt nous concentrer [à tout faire] vraiment bien, mais aussi à mettre en oeuvre des politiques et des procédures de gestion du risque pour tout ce que nous faisons.»
Parmi les autres exemples de stratégies non indicielles orientées facteurs figurent la gamme de 10 FNB AGFiQ de Placements AGF, et les quatre FNB internationaux de Placements Vanguard Canada. Les FNB de Vanguard filtrent en fonction de la liquidité, la volatilité minimale, le momentum et la valeur, respectivement.
Ailleurs, les FNB à gestion active qui utilisent la vente d’options d’achat couvertes présentent aussi des éléments d’investissement passif. Ces FNB détiennent en général des portefeuilles de titres également pondérés qui sont périodiquement rééquilibrés, bien que BMO Gestion d’actifs en ait quelques-uns dont les titres sont pondérés en fonction des rendements en dividendes. Parmi les autres manufacturiers notables de FNB à options d’achat couvertes figurent First Asset, Harvest Portfolios Group et Horizons ETFs Management (Canada).
Les formes les plus pures de gestion active, et celles qui sont les plus proches des fonds communs de placement traditionnels, sont celles qui sont totalement discrétionnaires dans leurs mandats d’investissement. C’est là que réside le plus grand potentiel d’expansion des FNB à gestion active par les entreprises qui peuvent soit s’appuyer sur leurs équipes internes de placement, soit engager des sous-conseillers.
En vogue, les FNB actifs à revenu fixe
La gestion totalement active est déjà ancrée dans les catégories des FNB de titres à revenu fixe, où la demande a été alimentée par l’effet de substitution. De plus en plus, les conseillers investissent les placements de leurs clients dans des FNB d’obligations plutôt que directement dans des obligations où les écarts cours acheteur-cours vendeur peuvent être considérables et où les inventaires peuvent être rares pour les comptes de détail.
Parmi les plus larges gammes de FNB de revenu fixe à gestion active se trouve celle de Horizons, que l’entreprise a commencé à bâtir en 2009. «Nous avons constaté toutes ces inefficacités du marché du revenu fixe», dit le président, Steve Hawkins, qui ajoute qu’il y avait «une foule d’occasions pour que le revenu fixe à gestion active surperforme le revenu fixe de référence traditionnel». Manquant de l’expertise en investissement nécessaire à l’interne, Horizons a embauché le sous-conseiller de Montréal Fiera Capital pour gérer ses FNB d’obligations et d’actions privilégiées, et une autre firme de Montréal, AlphaFixe Capital, pour son FNB de prêts de premier rang.
En offrant des FNB de revenu fixe à gestion active, les manufacturiers détenus par une institution financière et les manufacturiers indépendants qui gèrent également des fonds communs de placement peuvent tirer profit de leurs compétences internes en investissement. BMO et RBC sont tous deux bien représentés en revenu fixe actif, alors que Gestion d’actifs CIBC a lancé deux stratégies de gestion d’obligations à gestion active quand elle est entrée sur le marché des FNB en janvier de 2019. Parmi les indépendants, les FNB de revenu fixe à gestion active de Mackenzie sont gérés par l’équipe interne qui gère également ses fonds communs. De même, Franklin Templeton s’appuie sur ses gestionnaires de portefeuille internes, à Calgary, et sur ses gestionnaires associés, en Californie.
Misant sur la prise en charge, First Asset a été acquise en 2015 par Placements CI, dont elle est devenue une division. Ceci a facilité le lancement de FNB de revenu fixe supplémentaires, gérés par Signature Gestion mondiale d’actifs et par Marret Asset Management, toutes deux filiales de la Financière CI. «Si vous examinez le nombre de groupes de gestion de portefeuille que compte CI, cela nous permettait vraiment d’étendre cette partie de notre gamme de FNB avec beaucoup plus de facilité que si CI ne nous avait jamais acquis», dit Peter Tomiuk, vice-président principal, stratégie FNB, chez First Asset.
Beaucoup moins présents dans toute l’industrie, les mandats en actions à gestion totalement active ont été les pierres angulaires des manufacturiers de fonds communs. Les gros mandats en actions de base à gestion active que gère l’équipe de Signature de CI n’ont aucun équivalent en FNB chez First Asset. «Cela ne signifie pas que nous n’étendrions pas davantage notre côté actions sur le plan gestion active totalement discrétionnaire», dit Peter Tomiuk. Il a ajouté qu’il va y avoir «un véritable appétit» pour certaines des stratégies en matière d’actions à gestion active de CI qui, actuellement, ne sont pas disponibles sous forme de FNB.
Invesco Canada, de Toronto, a adopté l’approche des mandats factoriels en actions, plutôt que celle des mandats totalement discrétionnaires, depuis qu’elle a commencé à offrir des FNB en 2011. Les gestionnaires de FNB et les gestionnaires de fonds communs n’ont pas toujours les mêmes besoins, dit Jasmit Bhandal, vice-présidente et directrice, stratégie et développement FNB, chez Invesco. Parfois, ajoute-t-elle, «les gens veulent des outils très pointus et plus de fractions granulaires de certaines catégories d’actif». Ceci est moins vrai dans l’univers des fonds communs.
Jasmit Bhandal laisse la porte ouverte à étendre aux FNB d’Invesco les stratégies traditionnelles de sélection de titres ascendante de ses fonds communs d’actions. «Nous évaluons toujours et tentons de déterminer ce que les clients veulent, et dans quels outils ils le veulent, parce que, franchement, nous sommes souples en matière d’outils. Si le client veut cela dans un FNB, nous le créerons dans un FNB.»
En même temps, chez AGF il n’existe aucun chevauchement entre ses gammes de fonds communs et celles de FNB, même si certains membres de son personnel d’investissement gèrent les deux types de produits. «Du côté des FNB, de nombreuses fois, le conseiller recherche des composantes nettes pour bâtir des portefeuilles, des modèles et des stratégies qu’il peut rééquilibrer par lui-même, en se basant sur ses convictions et ses biais, dit Florence Narine, vice-présidente principale et chef de produit chez AGF. Nous revoyons toujours la décision, à savoir si nos stratégies fondamentales existantes cadrent mieux comme sous-jacentes d’un fonds commun ou d’un FNB. Nous avons adopté la démarche [qui consiste à nous demander : ] « Qu’est-ce que le conseiller et le client visent à faire avec un FNB ? »«
Florence Narine précise également que les réformes axées sur le client que souhaitent instaurer les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont l’avantage de maintenir des frontières distinctes entre les FNB et les fonds communs. Ceci, dit-elle, clarifie les choses pour les conseillers, qui n’ont pas à décider des coûts et autres différences entre les deux structures.
L’une des tendances relevées dans le «Rapport sur les FNB», publié en juin dernier par BMO Gestion mondiale d’actifs (BMO GMA), est l’utilisation de la gestion active dans les marchés moins efficients. Ceci s’est avéré le cas pour les FNB spécialisés dans l’industrie de la marijuana, avec des FNB à gestion active gérés par Purpose et par Evolve Funds Group, de Toronto, surperformant le secteur dans son ensemble. «Avec tant de volatilité dans ce marché et tant de changements se produisant du point de vue réglementation et politique gouvernementale, nous avons senti que c’était aussi un secteur où la gestion active se justifiait», dit Raj Lala, président et chef de la direction d’Evolve.
Toutefois, les manufacturiers de FNB doivent être conscients des défis posés par les transactions intrajournalières dans les marchés moins efficients. «Ce qui est très important quand un FNB devient l’instrument de placement d’un mandat de gestion distinct, c’est de penser à l’expérience de négociation, et de s’assurer que la liquidité est là et que les écarts de cours vont être à un niveau raisonnable», dit Mark Raes, chef de produit chez BMO GMA.
La divulgation des titres peut aussi être un problème pour certains gestionnaires actifs, mais peut-être moins qu’auparavant. «Dans l’ensemble, le marché a surmonté cela, et les FNB à vraie gestion active qui en sont ressortis ont bien réussi», dit Mark Raes. Le fait que les règles de divulgation des FNB canadiens soient les mêmes que celles des fonds communs, et que la pratique de divulgation quotidienne des titres de FNB ne soit pas obligatoire est une grande aide.
Les récents ajouts de FNB chez BMO incluent les lancements en décembre des fonds d’actions canadiennes et d’actions nord-américaines à gestion totalement active, sous-conseillés par SIA Wealth Management, de Calgary. Il ne fait aucun doute que d’autres s’en viennent. Les FNB à gestion active sont «une autre occasion de distribuer notre produit, et cela s’aligne très bien sur ce que font les conseillers et les gestionnaires de portefeuille, soit d’ajouter la proportion de titres cotés en Bourse dans leur bloc d’affaires, dit Mark Raes. Nous voulons être exactement là et avancer en collaborant avec cela.»