Pour le conseiller, la mise en place de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) d’ici 2016 se traduira par des heures de formation supplémentaires et la lecture de plusieurs documents. Nombre d’entre eux craignent d’oublier certaines informations et redoutent la réaction des clients.
En entrevue à Finance et Investissement, Carmen Crépin, vice-présidente pour le Québec de l’Organisme canadien de réglementation du commerce de valeurs mobilières (OCRCVM), précise les nouvelles règles et cherche à apaiser certaines de leurs craintes.
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Elle souligne d’entrée de jeu que « le grand gagnant demeure le client, puisqu’il aura accès à plus d’information sur ce qu’il veut acheter et sur ce que cela lui coûte ».
Carmen Crépin concède cependant que « les règles de divulgation du MRCC 2 sont probablement les plus strictes de l’industrie ».
D’ailleurs, plusieurs conseillers jugent inéquitable le fait qu’ils seront en concurrence avec des représentants qui ne sont pas encadrés par des normes aussi rigides, notamment ceux qui distribuent des fonds distincts (voir l’encadré). Ils souhaitent donc un traitement plus juste.
« Toutefois, une telle réglementation est souvent harmonisée. Il faudra voir jusqu’où on ira dans ce cas-ci », souligne Carmen Crépin.
Frais réels bien clairs
En ce qui concerne les fonds communs de placement, par exemple, les conseillers devront divulguer aux clients, avant l’achat ou la vente, tous les honoraires et frais associés à la transaction. Cela comprend les barèmes de frais, les commissions de suivi, les frais de vente, les frais d’acquisition reportés ou autres frais.
Bien des clients ignorent l’importance de ces frais, puisqu’ils étaient jusqu’ici soustraits du rendement qui leur était présenté. Pour les connaître, ils devaient lire le prospectus du fonds.
« Les clients vont désormais se rendre compte des frais réels qu’ils paient. Un fonds qui génère un rendement de 8 % mais qui a des frais de 4 % risque de réveiller certains épargnants », croit Carmen Crépin.
Et si un client constate qu’au cours de la dernière année, le rendement qu’il a réalisé sur ses placements est inférieur aux commissions qu’il a versées à son représentant ?
« Les conseillers devront mettre en avant leur valeur ajoutée, les services qu’ils fournissent à leurs clients. Cette transparence devra servir d’assise pour établir un lien de confiance avec eux », affirme Radek Loudin, chef de la conformité chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD).
Conflits d’intérêts dévoilés
Le MRCC 2 comprend aussi la divulgation des conflits d’intérêts qui peuvent survenir au fil de la relation avec le client.
« Si le conseiller vend des produits maison qui lui rapportent plus que les produits externes, mais qu’il les considère comme plus appropriés pour son client, ce dernier doit le savoir », illustre Carmen Crépin.
Le conseiller n’aura pas nécessairement à connaître les prix et les frais de tous les produits offerts sur le marché.
« Avant de faire une transaction avec un client, un conseiller peut simplement préciser qu’il sélectionne principalement les produits de sa firme parce qu’il les croit supérieurs pour certaines raisons, bien qu’il existe d’autres produits sur le marché », explique Carmen Crépin.
Autrement dit, le client doit être au courant de toute situation qui permettrait au conseiller de tirer un profit ou un avantage, afin qu’il puisse dire si cela le dérange.
Le client mieux informé
Le client est aussi tenu de disposer d’une information complète à l’égard de son compte. À l’ouverture du compte, le conseiller doit se poser la question : est-il plus avantageux pour son client d’avoir un compte à honoraires ou un compte à commissions ?
« Le client pourra ensuite décider du type de compte qu’il souhaite avoir. Il doit savoir que les deux possibilités existent. Si un conseiller ne fonctionne qu’à la commission et que son client préfère la rémunération sur honoraires, le conseiller devra lui recommander un collègue », souligne Carmen Crépin.
Certains conseillers craignent d’avoir à évaluer la convenance des placements avant chaque transaction. Selon Carmen Crépin, cette évaluation a d’abord lieu à l’ouverture du compte.
« La recommandation d’un conseiller repose sur le principe qu’il a déjà fait son analyse de convenance et que le placement convient à son client. Il n’a pas à la lui expliquer à chaque fois », dit Carmen Crépin.
Toute cette divulgation d’informations, avant l’exécution des transactions, ne risque-t-elle pas d’agacer certains clients qui traitent régulièrement avec leur conseiller ?
« C’est possible, admet Carmen Crépin. Certains épargnants nous demandent parfois s’il est vrai que leur conseiller doit suivre telle ou telle règle. On leur explique pourquoi. »
« Nous verrons comment nous réagirons s’il y a plusieurs demandes liées au MRCC 2 », ajoute-t-elle. La pratique pourrait amener de petits ajustements dans les façons de faire, laisse-t-elle sous-entendre.
Tentés par la gestion discrétionnaire ?
La gestion discrétionnaire (comptes gérés) reste le type de pratique le moins touché par les nouvelles règles de divulgation. Le conseiller n’a pas à communiquer avec le client avant d’exécuter une transaction, par exemple.
Selon Radek Loudin, de plus en plus de conseillers souhaiteront donc devenir des gestionnaires discrétionnaires et avoir des comptes à honoraires. Leur nombre est d’ailleurs en croissance chez VMD, précise le chef de la conformité.
En passant de la rémunération à la commission à la rémunération sur honoraires, le conseiller n’a plus à divulguer sa commission avant chaque transaction. Il négocie ses honoraires, habituellement un pourcentage de l’actif sous gestion. Il n’a qu’à divulguer dans un rapport annuel les honoraires payés par le client.
Rapports plus détaillés
La plus grande transparence à l’égard des frais et des honoraires vise à donner aux clients une meilleure idée du rendement réel de leurs comptes.
Ainsi, à compter de juillet 2016, un rapport écrit sur les honoraires et les frais devra être remis annuellement au client. La même règle s’appliquera aux rendements des comptes.
Auparavant, l’industrie préconisait un calcul des rendements basé sur la croissance de l’actif dans le temps, ce qui contrecarre les effets liés aux retraits ou aux ajouts d’argent dans le compte (time-weighted return). Dès 2016, on mesurera plutôt le rendement net des portefeuilles selon une méthode basée sur les flux monétaires (money-weighted return).
Ce rendement sera lié directement aux montants investis et tiendra compte de tous les frais de transaction, y compris la rémunération versée au conseiller ou à l’externe. Il va sans dire que les conseillers devront bien comprendre cette nouvelle méthode pour pouvoir l’expliquer à leurs clients.
Notons que les firmes de courtage qui confient la gestion d’une partie de leur actif à l’externe ne seront pas exemptées de ces règles de divulgation. Dès juillet 2015, elles devront déclarer dans un rapport trimestriel toutes les positions gérées à l’externe et pour lesquelles le courtier membre est rémunéré. C’est déjà le cas pour l’actif détenu au sein de l’institution.
« Ce ne sont pas tous les systèmes informatiques qui sont capables de trouver cette information, d’y avoir accès chez des gestionnaires de fonds pour produire ces rapports. Certaines firmes de courtage seront peut-être tentées de se départir des comptes externes », croit Radek Loudin.
« Lorsque nous inspectons les livres d’un conseiller, nous devons y trouver l’ensemble des comptes qui appartiennent à chacun de ses clients, même si certains d’entre eux sont gérés à l’externe, explique Carmen Crépin. Sinon, il sera bien difficile de déterminer la convenance des placements, par exemple. »
C’est aux services de conformité qu’il revient de s’assurer que les conseillers ont les outils adéquats pour respecter toutes ces nouvelles règles, rappelle Carmen Crépin.
À cet effet, il est important que les conseillers consignent toutes leurs conversations avec les clients. De cette façon, l’information pourra être vérifiée, et en cas d’inspection, le conseiller pourra démontrer qu’il satisfait les exigences de la réglementation, recommande Radek Loudin.
Les zones d’ombre du MRCC 2
En vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, l’obligation de divulgation du Modèle de relation client-conseiller (MRCC) ne s’applique qu’aux valeurs mobilières. Les régulateurs de ce secteur n’ont donc pas juridiction sur les produits bancaires tels que les certificats de placement garanti, les billets à capital protégé ou les fonds distincts, lesquels sont des produits d’assurance.
« Cela n’exclut pas la possibilité que d’autres règles de divulgation soient déjà en vigueur pour ces produits », souligne Carmen Crépin, vice-présidente pour le Québec de l’Organisme canadien de réglementation du commerce de valeurs mobilières (OCRCVM).
De nombreuses firmes de courtage fourniront des informations sur les rendements, les frais et les honoraires liés aux produits de type dépôt, par exemple.
De même, l’OCRCVM et l’Autorité des marchés financiers n’imposent pas la divulgation des primes de signature ou de toute rémunération différée qui découle d’un changement de firme de courtage ou d’une fusion. Selon Carmen Crépin, de tels éléments font partie du contrat de travail du conseiller et ne concernent que son employeur et lui.
Qu’en est-il des frais de change dissimulés dans l’écart entre le cours vendeur et acheteur d’une devise ? Ils ne seront pas divulgués aux clients, puisque le conseiller ignore bien souvent le taux du pupitre de change étranger de sa firme, précise Carmen Crépin.
Bien sûr, quand la position en devise sera renversée, le client connaîtra le coût de total de la transaction. Toutefois, il lui sera difficile de déterminer quel pourcentage sera lié à la marge bénéficiaire de l’institution financière ou au simple mouvement de la devise.