Selon les analystes de Financière Banque Nationale (FBN), plus de 30 FNB devraient encore être lancés d’ici la fin de 2016, alors que le secteur comptera une quinzaine de manufacturiers.
«Du jour au lendemain, notamment en raison de la conversion massive aux comptes à honoraires et de la pression sur les frais ressentie par l’ensemble de l’industrie, l’idée d’offrir un FNB ou d’être présent dans ce secteur d’activité est devenue attrayante», analyse Jonathan Durocher.
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D’autres facteurs devraient favoriser la venue de concurrents en quête d’une part du marché canadien des FNB, dont sa croissance.
«À la fin de 2015, l’actif sous gestion du secteur s’élevait à près de 90 G$ CA, soit le double de ce qu’il était il y a cinq ans, et nous croyons que cet actif devrait atteindre 250 G$ d’ici 2020», ajoute Alain Desbiens, vice-président Québec et Atlantique, FNB BMO, chez BMO Gestion mondiale d’actifs.
Cette croissance devrait également être stimulée par la multiplication des plateformes appelées «robots-conseillers», qui offrent essentiellement cet instrument de placement.
Débarquement massif
Le profil des nouveaux manufacturiers de FNB est loin d’être homogène. Des institutions financières comme Groupe Banque TD côtoient des manufacturiers de fonds communs de placement comme Gestion AGF, Placements Mackenzie et Placements CI.
Placements CI a fait l’acquisition de First Asset Capital à la fin d’octobre 2015. Quelques semaines plus tard, Gestion AGF acquérait la majorité des parts de FFCM LLC, une société de conseils et de gestion de l’actif spécialisée en matière de FNB, établie à Boston.
D’autres acteurs moins importants, comme Sphere Investment Management et Hamilton Capital, figurent au nombre des manufacturiers qui commencent leurs activités en 2016.
«L’industrie est en ébullition. Nous voyons de plus en plus de sociétés actives dans les FCP insérer des FNB dans leurs stratégies, et nous savons que d’autres acteurs américains veulent rentrer au Canada», signale Alain Desbiens.
Cette multiplication d’acteurs diversifie l’offre de produits. Certains ont lancé des produits de niche qui ciblent par exemple des secteurs, d’autres, des produits de gestion active à bêta judicieux.
Pour Alain Desbiens, bien que les FNB indiciels constituent environ 90 % de l’actif total des FNB canadiens, «l’actif des FNB gérés activement devrait exploser dans les années à venir».
D’autres fournisseurs ont misé davantage sur les structures des FNB. Par exemple, First Asset a lancé cinq FNB constitués en sociétés par actions, ce qui porte à 20 au Canada le nombre de FNB constitués en sociétés par actions pour un actif total s’élevant à 557 M$, selon une note des analystes de la FBN.
Selon ces derniers dirigés par Daniel Straus, les nouvelles mesures du budget fédéral 2016, qui éliminent la possibilité d’échanger des actions de tels fonds corporatifs sans incidence fiscale à partir d’octobre, ne priveront pas ces fonds de leur attrait fiscal.
D’après eux, les FNB en catégories de sociétés permettent encore de réduire la facture fiscale des clients en déduisant des gains imposables les pertes et les frais, ce qui est utile lorsque ces fonds comportent des obligations ou des actions étrangères. Cela permet de réduire les distributions imposables, ces dernières étant requalifiées en dividendes ordinaires canadiens ou en dividendes sur gain en capital.
Cette multiplication des acteurs signifie par contre que tous les produits ne trouvent pas un marché auprès des investisseurs et des conseillers. «Des produits ont été consolidés en 2015. Des fournisseurs ont été forcés de fermer certains FNB ; cette situation pourrait se reproduire en 2016, car certains produits de niche n’ont peut-être pas suffisamment de profondeur», estime Alain Desbiens.
Plus grand éventail d’options
Philippe Pratte, président, chef des investissements et gestionnaire de portefeuille chez Pratte gestion de portefeuilles, n’est pas surpris de constater l’intérêt des grandes banques et des autres acteurs pour le secteur des FNB.
Il considère que la croissance du nombre de FNB est bénéfique pour le secteur de l’investissement au Canada. «Ces produits, grâce à leur flexibilité, sont de plus en plus utilisés, tant par des investisseurs de détails que par des gestionnaires institutionnels. Ils sont devenus des concurrents directs des FCP, qui ne faisaient pas face à ce type de concurrence dans les dernières décennies», considère Philippe Pratte.
Selon lui, cette croissance du nombre de FNB apporte «beaucoup plus d’options de placements et de stratégies diversifiées, et permet à un conseiller ou à un gestionnaire de portefeuille d’exprimer une idée d’investissement de manière simple, rapide et peu coûteuse».
En contrepartie, «avec plus de 400 FNB au Canada, les conseillers et les gestionnaires de portefeuille ont de plus en plus de produits à analyser, et leur travail de diligence raisonnable doit être fait de façon plus approfondie, plus spécifiquement dans les segments du bêta intelligent et de la gestion active. De nombreuses stratégies, parfois complexes, doivent être bien comprises avant d’être recommandées», signale Philippe Pratte.
Le conseiller et son courtier doivent, entre autres, comprendre l’actif sous-jacent du FNB, dont son potentiel de rendement, ses risques et sa corrélation avec d’autres catégories d’actif, les subtilités de l’indice suivi, et le cas échéant, la solidité du manufacturier, les frais du fonds et les incidences fiscales du produit.
Plus compliqué pour les conseillers
Pour Ian Gascon, président de Placements Idema, la multiplication des FNB rend l’offre beaucoup plus complète qu’il y a cinq ou six ans, particulièrement en matière d’actions internationales. Cependant, «la multiplication des produits rend la tâche beaucoup plus difficile en matière d’investissement, et je ne crois pas qu’il soit toujours dans l’intérêt des investisseurs qu’il y ait autant de produits et de manufacturiers», dit-il.
«À un moment donné, il y en a trop et cela représente un risque important. Il faut s’assurer que le conseiller qui prendra la décision de recommander un FNB comprenne bien la structure du produit, ses différentes caractéristiques et les raisons pour lesquelles ce produit devrait être supérieur à un autre», dit Ian Gascon.
Selon lui, de nombreux fournisseurs joignent le secteur des FNB afin de conserver à l’interne les revenus liés à la gestion de portefeuille.
«En ce moment, chaque firme de gestion qui a son propre réseau de distribution doit être tentée de lancer sa gamme de FNB de façon à pouvoir capter la totalité des revenus associés à la gestion de portefeuille», analyse-t-il.
L’investisseur, ou son conseiller, doit faire la part des choses et s’assurer de ne pas être prisonnier d’une certaine offre de produits ou d’un fournisseur en particulier, mentionne Ian Gascon.
«Malheureusement, le fait que plusieurs firmes contrôlent elles-mêmes la distribution de leurs produits prive les investisseurs d’un accès véritable à l’ensemble de l’offre ou biaise la décision de répartition», ajoute-t-il.
«Le défi est sans doute bien réel pour ceux qui n’ont pas d’expertise en gestion de portefeuille ou en construction de stratégies de placement, et qui se fient uniquement aux rendements passés», remarque Ian Gascon.
«Pour notre part, nous examinons l’ensemble des FNB offerts au Canada, et aussi certains aux États-Unis, car nous ne voulons pas nous limiter à offrir les FNB d’un seul fournisseur», dit-il.
En contrepartie, la multiplication des fournisseurs minimise ce risque et permet de voir surgir de temps à autre de nouvelles stratégies intéressantes, estime-t-il. «On n’a donc rien à perdre à ce qu’il y ait plus de produits, à part le fait qu’il faut effectuer un travail d’analyse pour choisir les produits susceptibles de convenir aux différents besoins des clients selon leur profil d’investisseur, mais c’est notre expertise», indique-t-il.