Interrogé à savoir si l’ajout de FNB à la gamme des produits financiers offerts par sa division d’exercice restreint s’avérait jusqu’à maintenant un succès ou un échec, Robert Frances, président et chef de la direction de PEAK, se montre mi-figue mi-raisin. «L’intérêt de la part de nos représentants est plus marqué que nous l’espérions. Dès la première semaine, plus d’une cinquantaine de nos représentants se sont inscrits à la formation que nous leur offrons. Cependant, leur utilisation dans les portefeuilles n’est pas élevée pour l’instant.»
Robert Frances se dit néanmoins satisfait : «Le but n’était pas de mesurer les ventes de FNB, mais plutôt d’évaluer si les conseillers parlaient de ces produits aux clients. Sur ce plan, on est satisfaits car, effectivement, ils en parlent, ensuite c’est aux clients de prendre la décision. L’essentiel, c’est que ce soit nos conseillers qui leur en parlent en premier, et non pas les médias ou la concurrence.»
Il est indéniable que les FNB ont la cote dans les médias grand public, mais cet engouement soulève-t-il un intérêt particulier chez les clients ? «Non, les clients n’exigent pas des FNB en rentrant dans le bureau du représentant. Cependant, ils sont soucieux des frais et des honoraires, et c’est pourquoi il est important que cet instrument se retrouve dans la boîte à outils de nos représentants», nuance Robert Frances.
Ce point de vue ne fait pas l’unanimité. «Chez MICA Services financiers, on croit à la gestion active, et j’aurais une impression de contradiction si l’on vendait des FNB», confie Gino Savard, président et chef de la direction du cabinet établi dans la région de Québec.
Éric Lauzon, vice-président développement des affaires et recrutement chez Gestion de patrimoine Assante, donne également opinion : «Mon expérience chez Assante, où plus de 50 % des conseillers sont de plein exercice et peuvent donc vendre des FNB, démontre qu’il y a deux raisons qui poussent les gens vers ces produits : les coûts et la liquidité.»
Grâce aux FNB, le conseiller a la possibilité d’abaisser le coût de son offre globale, ajoute-t-il. «Ce n’est pas qu’il croit que c’est nécessairement le meilleur outil, mais c’en est un qui lui permet de diminuer le coût pour le client.»
De plus, les FNB procurent une liquidité supérieure à celle des fonds communs. «Il est très facile de négocier des FNB en continu. On peut rentrer et sortir d’un marché sans difficulté, et ce, tant pour un seul client que pour plusieurs clients à la fois», explique Éric Lauzon.
Cependant, ce dernier comprend l’opposition aux FNB provenant des cabinets où la plupart des représentants possèdent des permis d’exercice restreint. Éric Lauzon partage d’ailleurs la position de Gino Savard sur la gestion active. «Nous aussi, on croit aux gestionnaires qui apportent une valeur ajoutée.»
Éric Lauzon fait remarquer que Placements CI, propriétaire d’Assante, a fait l’acquisition de First Asset, un fabricant de FNB à gestion active. «Nous encourageons nos conseillers à intégrer ces outils à leurs portefeuilles. Ce sont des FNB un peu plus coûteux, mais ils sont gérés activement.»
Le noeud gordien : les plateformes
«L’opposition entre la gestion active et la gestion passive est une excuse. La véritable raison est qu’il est impossible en ce moment pour les plateformes technologiques FundServ (MSP ou Univeris, Winfund, RPM) et leurs fonctions order and settlement de placer la transaction en Bourse et d’effectuer le règlement, selon Jean Morissette, consultant et ancien président de Services financiers partenaires Cartier. La grande majorité des représentants vendraient des FNB s’ils pouvaient le faire.» C’est un point de vue que ne semble pas partager Gino Savard : «Mes représentants m’ont applaudi en janvier lorsque je leur ai annoncé que nous ne vendrons pas de FNB.»
Le débat entre la gestion active et la gestion passive ne devrait pas empêcher l’industrie de l’épargne collective d’aborder la question des FNB, estime Stéphane Dulude, qui dirigeait jusqu’à tout récemment SFL Partenaire de Desjardins Sécurité financière (DSF).
Il ne croit pas que les représentants soient opposés à l’arrivée des FNB dans le canal de l’épargne collective. «Je peux vous assurer que la vaste majorité des conseillers que j’ai rencontrés ne s’y opposent pas. Ils ne me disaient pas que ça leur prenait absolument des FNB, mais que ça serait cependant le fun d’en avoir dans leur boîte à outils», précise-t-il.
Stéphane Dulude, comme de nombreux autres observateurs consultés, avance que la transition qui semble s’amorcer vers la rémunération à honoraires accentue la tendance. Il remet cependant le tout en perspective. «Jusqu’en décembre dernier, 3 % des représentants chez SFL optaient pour ce mode de rémunération, note-t-il. Ce n’est pas une tendance lourde, mais il faut néanmoins constater que c’était pratiquement 0 % il y a deux ou trois ans. De plus, un compte moyen à honoraires, ce n’est pas 70 000 ou 75 000 $, mais 300 000, 400 000, ou 500 000 $. On est dans un autre univers.»
Les robots-conseillers débarquent
C’est justement cette tendance que craint Gino Savard. «Les gros clients subventionnent actuellement les plus petits. Qu’arrivera-t-il à l’accès au conseil financier si cela change ? On dira aux petits épargnants de se tourner vers les robots-conseillers ? C’est surtout inquiétant dans une conjoncture politique qui pousse les gouvernements et les entreprises à se déresponsabiliser en matière de pensions gouvernementales ou de caisses de retraite. Le petit épargnant jouera sa pension en achetant ou vendant des FNB d’une pression du doigt sur son clavier d’ordinateur.»
Les robots-conseillers sont une raison de plus de s’intéresser aux FNB, selon Jean Morissette. «Les frais des FNB sont très modiques, ce qui permet aux robots qui les utilisent de maintenir leurs frais le plus bas possible. À 40 points de base pour le FNB plus 40 points pour eux, cela fait moins de 1 %.» Il considère donc que les cabinets d’épargne collective auraient intérêt à envisager le recours aux FNB. «Ils permettent de conserver les clients que l’on risque de perdre au profit des escompteurs.»
Il est clair que les FNB n’ont pas leur place dans tous les portefeuilles, rappelle toutefois Jean Morissette : «Nous connaissons les avantages des FNB, mais pas leurs inconvénients. On n’en sait pas beaucoup sur leur liquidité et sur la manière dont ils se comporteront en cas de crise sur les marchés.» Il faut d’ailleurs souligner que Peak a exclu de son offre les FNB les plus risqués, notamment ceux à effet de levier.
«Il faut aussi noter que les frais des FNB ne permettent pas aux représentants de donner un bon service. C’est une commodité et ça fonctionne juste si l’on peut les jumeler avec des services qui permettent d’aller chercher d’autres revenus», ajoute Jean Morissette. Surtout que les portefeuilles constitués majoritairement de FNB seront sans doute les plus petits, et donc moins suivis par les représentants.