La deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) impose de nouvelles règles mieux adaptées au contexte actuel, alors que l’industrie financière mise davantage sur les services-conseils et que les épargnants souhaitent être mieux informés.
C’est du moins ce que croient les régulateurs, qui jugent que ces règles contribueront à consolider la relation de confiance entre les conseillers et leurs clients.
Cette réforme a toutefois nécessité un parcours long et accidenté.
Une nouvelle ère
Avant que les firmes de courtage ne décident de s’appeler gestionnaires de patrimoine et avant qu’Internet ne permette à tout un chacun d’acheter des placements en ligne, les conseils en matière d’investissement se résumaient souvent à la sélection de titres.
La principale responsabilité des régulateurs de valeurs mobilières était alors de s’assurer que les opérations étaient équitables.
Toutefois, quand l’industrie du courtage a commencé à se transformer pour offrir une gamme de conseils financiers, les régulateurs ont eu de la difficulté à suivre le rythme. Avec l’arrivée de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), on dirait bien qu’ils y sont enfin parvenus.
« Les conseillers se rendent compte qu’ils doivent prouver qu’ils peuvent offrir bien plus qu’une bonne capacité à sélectionner des placements », dit Barbara Amsden, directrice générale de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), qui participe depuis longtemps à ce mouvement qui vise à changer les politiques et les pratiques de l’industrie.
Selon elle, il est grand temps qu’on entre dans cette nouvelle ère concrétisée par le MRCC 2, où les investisseurs deviennent des clients bien informés qui jouent un rôle actif dans la prise de décisions en ce qui concerne leurs finances.
« Les clients comprennent mieux ce à quoi s’attendre lorsqu’ils paient des services financiers : suivi des placements, économies fiscales, éducation financière pour les enfants, aide à la planification successorale et à la gestion des biens d’autrui, structuration de la retraite, plan d’épargne, etc. », note-t-elle.
Un long historique
Les changements étaient attendus depuis longtemps. Les régulateurs ont commencé à bien saisir la transition d’une industrie fondée sur les transactions vers une industrie de conseil au milieu des années 1990.
À l’époque, Glorianne Stromberg, avocate experte en valeurs mobilières à la retraite et ancienne commissaire de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO), avait produit quelques rapports avant-gardistes qui rendaient compte de l’évolution de ce paradigme.
Elle avait recommandé une refonte de la réglementation pour l’adapter à ces changements et pour mieux protéger les épargnants. Cependant, même si ses propositions avaient suscité beaucoup de débats, elles n’avaient mené qu’à peu de résultats.
Toutefois, l’industrie a poursuivi sa transition, et en 2004, la CVMO est passée à l’action, créant un tout nouveau modèle de réglementation centré sur la relation client-conseiller plutôt que sur les produits distribués.
Cette proposition, connue sous le nom de Modèle de courtage équitable (MCE), n’a pas obtenu une adhésion totale dans toutes les provinces. Et comme il n’était pas pratique d’adopter une nouvelle approche dans une seule province, le MCE est resté lettre morte.
Toutefois, l’intégration de certains principes du MCE dans d’autres modèles de régulation suscitait toujours l’intérêt, notamment l’augmentation de la transparence et le rehaussement des normes de l’industrie. Les organismes de réglementation y ont donc puisé des idées pour réformer le système d’inscription.
Au même moment, afin d’obtenir une adhésion plus large de l’industrie, les régulateurs ont invité les organismes d’autoréglementation qui supervisent l’industrie du placement à adapter ces principes dans leur propre réglementation. C’est là que l’initiative a pris le nom de Modèle de relation client-conseiller.
L’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) et l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCVM), devenue depuis l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), figurent parmi ces organismes d’autoréglementation.
Puisque ces organismes sont de compétence fédérale, l’approche assurait que les nouvelles règles établies seraient les mêmes d’un océan à l’autre.
Cela donnait aussi une plus grande voix à l’industrie dans le processus. Ainsi, on s’assurait que les principes du MRCC seraient adaptés, jusqu’à un certain point, aux différents modèles d’affaires et traditions des secteurs du courtage de valeurs mobilières et des fonds communs de placement.
Par conséquent, même si le MRCC est ancré dans la longue réflexion entamée par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) pour mieux protéger les investisseurs, les organismes d’autoréglementation ont mis au point leurs propres versions de cette réglementation afin qu’elles conviennent aux firmes qu’ils supervisent. De plus, afin d’éviter un chevauchement, les ACVM ont exempté l’ACCFM et l’OCRCVM des exigences relatives à leur modèle de gestion des relations client-conseiller.
Un processus complexe
Bien sûr, il y a eu un prix à payer : puisqu’on est passé par les ACVM pour atteindre un consensus à l’échelle nationale, le processus a traîné en longueur, et l’engagement des organismes d’autoréglementation l’a encore compliqué et ralenti.
En outre, les régulateurs n’ont pas tous agi de façon coordonnée dans ce dossier.
Après le lancement du projet de Modèle de courtage équitable en 2004, il a fallu cinq ans aux ACVM pour introduire les nouvelles règles dans la réforme du système d’inscription, une grande refonte conçue pour moderniser le régime.
Ces changements, y compris les objectifs du MRCC visant à une plus grande transparence et à la divulgation des conflits d’intérêts, sont entrés en vigueur en 2009.
Parallèlement, en 2008, l’ACCFM et l’OCRCVM ont commencé à réfléchir à la façon d’entériner les principes du MRCC dans des règlements qui s’appliqueraient à leurs propres membres.
L’ACCFM a complété son premier lot de réformes en 2010. La version de l’OCRCVM a été présentée en 2012. Ses nouvelles exigences ont été introduites au cours des années suivantes, certaines d’entre elles n’entrant en vigueur que cette année, soit dix ans après les premières propositions du MCE.
Aller plus loin
Le MRCC 2 constitue le nouveau chapitre de cette évolution en dents de scie de la réglementation.
En 2011, après avoir entrepris de vastes consultations dans l’industrie et de nouvelles recherches sur la compréhension des investisseurs des coûts de placement et des rapports sur le rendement, les régulateurs ont décidé à l’unanimité qu’il fallait aller plus loin en matière de divulgation des informations cruciales.
Ils ont donc commencé à réfléchir à une deuxième vague de réformes qui rendraient la divulgation encore plus explicite. Cette seconde vague est devenue le MRCC 2.
À la base, le MRCC 1 et le MRCC 2 visent plusieurs choses : s’assurer que les clients comprennent les conditions de leur relation avec leur conseiller ; gérer et divulguer les conflits d’intérêts de façon plus rigoureuse ; accroître le degré de diligence des conseillers ; indiquer clairement les coûts liés au placement ; produire régulièrement des rapports de rendement clairs et détaillés.
Autrement dit, tous les frais et toutes les commissions devront être divulgués, y compris les frais quelque peu cachés tels que les commissions de suivi. De plus, les firmes de courtage devront brosser un tableau limpide du rendement du portefeuille de leurs clients.
« Le MRCC est l’aboutissement de plusieurs réformes d’importance qui visent à rehausser la relation client-conseiller en en améliorant la transparence – divulgation des frais, du rendement du compte et des conflits potentiels – ainsi qu’en renforçant les obligations liées à la convenance », résume Paul R. Riccardi, premier vice-président, Réglementation des membres, de l’OCRCVM.
Déjà des fruits
Après avoir résisté à certaines de ces mesures et avoir débattu avec vigueur des détails entourant ces nouvelles obligations, l’industrie tente maintenant d’adopter ces règles.
Elle accepte le fait qu’il y aura vraisemblablement des avantages à la divulgation complète, et aussi des coûts inévitables.
« Le MRCC transforme ce qui était la plupart du temps une bonne relation entre clients et conseillers en quelque chose de meilleur », estime Barbara Amsden.
Les premiers règlements du MRCC entrés en vigueur commencent à porter leurs fruits, ajoute-t-elle, parce qu’ils rappellent aux conseillers l’importance de faire valoir leurs compétences dans plusieurs domaines.
En contrepartie, les clients comprennent mieux toute l’étendue de l’expertise qu’il faut pour gérer leurs finances. Au final, « ce qui était au départ considéré comme un fardeau pour les clients et les conseillers s’avère déjà avantageux », affirme la directrice générale de l’ACCVM.
Quand ces règles auront toutes été appliquées, en juillet 2016, elles transformeront profondément l’industrie. En effet, les clients auront enfin un portrait complet des frais qu’ils paient et des mouvements de leur portefeuille.
La relation entre client et conseiller n’en sera que plus équilibrée.