Malgré l’étendue de la phase deux du modèle de relation client-conseiller (MRCC2), plusieurs produits financiers en sont exclus.
En effet, entre autres les fonds distincts et les produits d’assurance, les billets à capital protégé et les certificats de placement garanti sont réglementés par d’autres lois et règles.
Cette divergence dans la réglementation entre les valeurs mobilières et les autres produits financiers laisse présager une « troisième phase » éventuelle du MRCC (MRCC3) qui s’appliquerait à ces produits.
La pression qui forcerait les régulateurs à mettre en place un éventuel MRCC3 et toutes les mesures de divulgations qui en découlent, proviendrait des clients eux-mêmes, et pourrait être déterminante, selon Prema Thiele, associée au bureau torontois de la firme d’avocats Borden Ladner Gervais.
« Les organismes de réglementation du côté des valeurs mobilières ont certainement ouvert la porte en mettant au défi leurs conseillers : « Si vous voulez bien servir vos clients, vous devez leur donner toutes les informations et toute la transparence nécessaires sur tous les produits comparables : fonds communs, fonds distincts, certificats de placement garanti, comptes à intérêt élevé, etc. » C’est probablement la mesure cruciale qui mettra les choses en branle : si le MRCC2 arrive à terme et responsabilise les investisseurs, c’est d’eux que viendra la pression. »
Rappelons que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), dont fait partie l’Autorité des marchés financiers (AMF), souhaitent que les conseillers qui offrent d’autres produits financiers divulguent pour ceux-ci les mêmes informations que celles prévues au MRCC2.
« Nous encourageons les personnes inscrites à fournir à leurs clients de l’information satisfaisant aux normes établies par les modifications de la deuxième phase du MRCC à l’égard de tous leurs placements. Ils permettront ainsi aux investisseurs de mieux comprendre le coût relatif des divers placements et leur rendement », lit-on dans l’avis 31-337 des ACVM.
Discussions préliminaires
Dans les réseaux de réglementation des assureurs, on met souvent en avant le fait que le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) avait émis en 2007 des lignes directrices qui visaient les représentants distribuant ces produits.
Or, une telle ligne directrice qui encourage une certaine transparence de la part des intermédiaires « n’est certainement pas l’équivalent d’une réglementation qui exige très précisément des mesures de divulgation », fait ressortir l’avocate Prema Thiele.
Quoi qu’il en soit, le CCRRA a « annoncé qu’il voulait se saisir de la question de la divulgation (des frais de gestion) à son assemblée de l’automne », selon Yves Millette, vice-président pour le Québec de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).
« Il y aura probablement une consultation [des membres] lancée à la suite de cette assemblée », ajoute-t-il.
Lors de l’assemblée d’automne du CCRRA, qui doit avoir lieu en octobre, on envisage d’étudier « ce qui se passe ailleurs dans le monde, de mesure l’impact qu’il y aurait à pousser plus loin [dans la réglementation], à la suite de quoi un document serait déposé dans la foulée de l’assemblée », prévoit Yves Millette.
À ce chapitre, par exemple, au début de 2014, une équipe de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) faisait enquête au Canada sur les pratiques en matière de réglementation et produisait un rapport s’inscrivant dans la promotion du thème Treat Consumers Fairly (traitement équitable des consommateurs).
« Si les autorités canadiennes abordent ces thèmes, c’est parce que les organismes internationaux en discutent pour uniformiser les pratiques », dit Yves Millette.
Par ailleurs, un sondage est en cours à l’AMF pour demander aux assureurs quelles sont leurs pratiques commerciales, ajoute Yves Millette.
De la coupe aux lèvres
La rencontre d’automne du CCRRA sera peut-être déterminante. « J’imagine que les régulateurs de l’industrie de l’assurance voudront arriver à une réponse en même temps que [l’application finale des règles de divulgation] de la part des ACVM en 2016 », dit Yves Millette.
Mais quelle sera la nature de cette réponse ? S’agira-t-il de règles précises de divulgation semblables à celles qu’imposent les ACVM ?
Il ne faut pas trop espérer, prévient Yves Millette. Cela prendra plus la forme d’un modèle d’applications réglementaires sujettes à implantation future que de mesures de réglementation précises et contraignantes immédiatement applicables.
C’est dire qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres. « La bataille sera dure », prévoit Prema Thiele.
Terry Campbell, président de l’Association des banquiers du Canada, a refusé de nous accorder une entrevue sur le sujet.