« Généralement, quand les marchés baissent comme on l’a vu, la distribution d’assurance prend la relève. Dans la situation actuelle, c’est un peu moins le cas », explique Éric Lauzon, vice-président au développement des affaires et au recrutement pour le Canada chez Gestion de patrimoine Assante.
Plusieurs facettes de la pandémie jettent du sable dans l’engrenage de la distribution d’assurance. Difficile de faire rimer distanciation sociale avec prise de sang et test d’urine à domicile.
« Le fait que les firmes paramédicales avec lesquelles tous les assureurs font affaire ne soient pas en service crée une certaine embûche, mais on s’attend à ce que ça se résorbe », souligne Michael Rogers, vice-président, ventes et distribution, réseaux indépendants au Mouvement Desjardins.
Les assureurs ont toutefois révisé leur processus dans certains cas. « Chez Desjardins Sécurité financière, pour les dossiers avec un niveau de prime plus élevé, si le client avait déjà un dossier médical parce qu’il avait déjà fait une demande, ou s’il avait un bilan médical dans une clinique privée avec tous les tests appropriés, même si ce n’était pas fait dans le cadre d’une demande d’assurance, si c’était valide et fait dans la dernière année, on les [ces dossiers] accepte. Avant la COVID-19, on ne l’aurait pas fait », explique Michael Rogers.
De plus, la technologie liée à l’assurance n’est pas aussi évoluée que celle propre au secteur des valeurs mobilières, observe Éric Lauzon . Pour ces raisons, les assurances ont souffert un peu plus. »
Par exemple, chez SFL, alors que la signature électronique via sa plateforme OneSpan est acceptée par l’ensemble des émetteurs de fonds, cette solution ne passe pas chez tous les assureurs. « Il y a des arrimages à faire », dit Michael Rogers.
Amorcer de nouvelles conversations avec des propriétaires d’entreprise dont les affaires tournent au ralenti ou qui subissent une crise de liquidité a constitué un défi pour les conseillers en sécurité financière.
« Toutes sortes d’éléments de consommation ont ralenti. C’est vrai aussi pour l’assurance », dit Denis Dubois, premier vice-président, Gestion de patrimoine et Assurance de personnes au Mouvement Desjardins.
Difficile de prévoir les effets finaux des semaines de confinement, selon Robert Frances, président du conseil et chef de la direction du Groupe financier PEAK : « Puisque nos revenus entrent avec un délai de 45 à 60 jours, les impacts précis de la pandémie sur notre groupe assurance sont encore inconnus. Toutefois, notre groupe assurance dans le domaine médical connaîtra une bonne croissance. »
Chez Investia, les nouvelles affaires en assurance chez son agent général PPI sont encourageantes. « À la quatrième semaine (vers Pâques), le nombre de demandes avait quelque peu diminué, mais s’est depuis rétabli. Le nombre de demandes reçues chaque semaine se rapproche maintenant de celui que nous observions avant l’apparition de la COVID-19 », écrit la haute direction d’iA Groupe financier, société mère d’Investia, dans un courriel.
PPI utilise également une technologie permettant un transfert de documents de façon sécuritaire et conforme. « Les conseillers sont particulièrement sensibles au fait que ce processus ne crée pas de perturbations pour leurs clients. Nous nous apprêtons à lancer un outil de signature électronique qui permettra d’obtenir les approbations des clients et de transmettre des documents de façon transparente et protégée », écrit-on.
La pandémie risque de conscientiser les clients au besoin de s’assurer, selon Denis Dubois : « La crise rend plus concret ce besoin. C’est une trame de fond qui va nous aider. »
Robert Frances abonde dans le même sens : « La pandémie rappelle à tout le monde qu’on est mortel et qu’on a besoin de gérer nos risques. »
Dynamique différente
Pour la distribution de valeurs mobilières, la pandémie n’a pas ralenti les activités. Bien entendu, les revenus des conseillers ont diminué, suivant la baisse des marchés boursiers, mais dans une proportion moindre. Cela découle de la part de titres à revenu fixe dans les portefeuilles.
« Les actifs [de nos clients] n’ont pas baissé autant que le marché. Pour toute l’entreprise, nous sommes presque revenus à notre sommet du mois de février, parce que nos conseillers réussissent à aller chercher de nouveaux clients et des montants d’argent », dit Robert Frances.
Plusieurs conseillers avaient déjà simulé une crise dans le portefeuille de leurs clients, note Robert Frances. La pandémie a testé ces simulations et permis de rééquilibrer les portefeuilles.
Alors que SFL ne pouvait communiquer ses ventes nettes durant les semaines de confinement, Assante s’attendait à un faible effet sur celles-ci.
« Dans l’ensemble, la plupart des clients ont conservé leur répartition de portefeuille existante et ont limité la volatilité en maintenant le cap. Il y a eu une très légère augmentation des rachats nets pour les quatre premiers mois de 2020 par rapport à 2019 », écrit iA Groupe financier.
Du 1er janvier au 25 mai 2020, IG Gestion de patrimoine affiche des ventes nettes de 336 M$ par rapport à 399 M$ pour l’ensemble de l’année 2019. « Aujourd’hui, nous sommes capables de faire des affaires virtuellement avec tous nos clients et même d’amener un nouveau client sur notre plateforme », explique Claude Paquin, président, Québec, de IG Gestion de patrimoine.
Toutefois, établir une relation de confiance avec les gens dans un tel contexte a ses limites malgré les divers outils, dont la vidéo-conférence, d’après lui : « créer cette relation de confiance est plus long. »
Chose certaine, la crise a accéléré l’adoption de technologies mobiles par les conseillers. IG a devancé la mise en place de fonctionnalités technologiques afin de pouvoir y arriver. « On a ajouté en trois mois plusieurs des fonctionnalités qu’on avait prévues pour les 12 ou 24 mois à venir », résume Claude Paquin.
Chez PEAK, « on a lancé beaucoup de technologies pour les tester, que ce soit de la vidéo-conférence avec les clients, du chat, ou des outils de suivi de gestion de projet », dit Robert Frances.
La crise a malheureusement mis sur la sellette les conseillers dont la considération des besoins de planification financière des clients n’était pas la force, ce qui a créé des occasions pour ceux qui excellent sur ce plan, selon Éric Lauzon. De plus, elle risque d’accroître l’efficacité des conseillers, ceux-ci pouvant rencontrer virtuellement davantage de clients en une journée, dit-il : « Plein de conseillers remettent en question leur modèle d’affaires en ce moment. Dans les six prochains mois, le nombre de rencontres dans les bureaux des conseillers et dans les maisons des clients diminuera au minimum de 30 %. »
Les bons conseillers tireront parti des liquidités des clients, d’après Denis Dubois : « Les gens sont plus prudents. Il y a beaucoup d’épargne dormante dans le système. »