Avec ses équipes et partenaires, Louis Vachon a insufflé toute une poussée de croissance à la Banque Nationale du Canada (BN) alors qu’il en était le chef de la direction, de juin 2007 au 31 octobre 2021.
Durant cette période, l’actif bancaire est passé de 113 G$ en 2007 à 356 G$ à la fin de l’exercice 2021. Et les activités de tous ses secteurs ont accru leur rentabilité. Depuis le 1er juin 2007, l’action de la Banque Nationale a fourni un rendement total annualisé de 14 % au 31 octobre dernier. Par rapport à ses pairs, l’institution reste le chef de file quant au rendement total pour les actionnaires sur 3, 5, 10 et 20 ans, selon la BN.
Pour l’exercice 2021, la BN affiche un résultat net de 3,17 G$ et des revenus totaux de 8,9 G$, soit une croissance annuelle composée sur 6 ans de 11,1% et de 6,7% respectivement. De 2015 à 2021, le ratio des fonds propres de catégorie 1 sous forme d’actions ordinaires (CET1) est passé de 9,9% à 12,2 %, ce qui est bien supérieur aux normes réglementaires et montre la solidité financière de la banque.
En raison entre autres de la performance de son organisation, le jury du Top des leaders de l’industrie financière du Québec nomme Louis Vachon Personnalité financière de l’année 2021. Le jury lui accorde également une mention spéciale « pour sa carrière exceptionnelle, son leadership inspirant et son legs impressionnant pour la communauté financière du Québec ». C’est donc la troisième fois que Finance et Investissement lui décerne le titre de Personnalité financière de l’année.
« Il est arrivé en poste pendant une crise financière et a fait de la Banque Nationale une des entreprises les plus performantes au Canada. Le prix de l’action reflète la meilleure performance des dernières années », indique le jury.
« Pour l’exercice 2021, la Banque Nationale affiche une année incroyable. La majorité des indicateurs de performance sont très prometteurs », ajoute-t-il.
L’humain d’abord
Au-delà des chiffres, Louis Vachon est fier de la culture d’adaptabilité qu’il a favorisée à la BN. « [Cette culture] nous a bien servis durant la pandémie de COVID-19, les périodes de volatilité financière et les périodes de changements technologiques », dit Louis Vachon.
Par exemple, il se félicite de la proactivité de la BN qui, au printemps 2020, a alloué 500 $ à chacun de ses travailleurs afin qu’ils s’équipent pour le télétravail ou a versé une prime aux employés de première ligne ayant maintenu le service en personne.
« Comme équipe de gestion, mes collègues du bureau de la présidence et moi-même avons vraiment fait encore plus de communications que d’habitude. Les gens se sont sentis bien accompagnés et bien informés », souligne Louis Vachon. Résultat : les indices de mobilisation de la main-d’œuvre ont été à la hausse de 2019 à 2020. « Tout au long de l’exercice 2021, dans un contexte marqué par la poursuite de la pandémie, la Banque a continué de mettre le bien-être de ses employés et de ses clients au cœur de ses préoccupations. Le Conseil est fier de la compassion dont la Banque a fait preuve, fidèle à son engagement envers notre mission – prioriser “l’humain d’abord” », déclare Jean Houde, président du conseil d’administration de la BN, dans son rapport annuel.
Le jury du Top des leaders a également applaudi le fait « que la BN se donne des cibles de représentativité auprès des minorités visibles, personnes handicapées et autochtones » parmi ses employés et sa direction. Par exemple, elle vise de passer d’une représentativité des premières dans le bassin global d’employés de 23,2 % en 2020 à 26% en 2023 afin d’être le miroir de la société dans laquelle elle exerce ses activités.
« Quand une organisation se voit comme le reflet de sa communauté, elle part avec une longueur d’avance sur ses concurrents étrangers. Laurent Ferreira, premier président issu de l’immigration, est encore plus sensible à ce genre de choses que je ne le suis », explique Louis Vachon.
Quête d’équilibre
En revisitant certains événements qui ont jalonné sa présidence, Louis Vachon admet avoir répété ce mantra à ses équipes : « Il ne faut pas paniquer quand ça va mal et il ne faut pas se penser trop fin quand ça va bien. »
« La nature humaine est parfois un peu bipolaire. Viser l’équilibre est important », dit-il.
Ç’a été le cas entre autres au début de 2008, au pire de la crise financière. « On se faisait tirer dessus à boulets rouges dans les journaux à cause de l’histoire du papier commercial adossé à des actifs [PCAA] », se rappelle-t-il.
Afin de signifier aux employés les plus expérimentés qu’il a besoin d’eux, ce passionné d’histoire évoque l’impact qu’ont eu les vétérans de la légion romaine dans la bataille décisive contre Hannibal, le général carthaginois, à Zama, en 202 av. J.-C.
Les employés vétérans pouvaient relativiser la crise en la comparant avec les récessions de 1981-1982 ou de 1992. « Des crises, il y en a déjà eu, il va toujours y en avoir et on a toujours réussi à passer au travers. Juste là, en 10 secondes, tu peux calmer toute ta succursale », soutient Louis Vachon.
Même s’il n’a pas paniqué, Louis Vachon admet que la crise du PCAA, qui a débuté en 2007, a été l’épreuve la plus difficile de sa présidence.
« Cette crise était d’une ampleur et d’une complexité assez spéciales », dit-il. Avec d’autres acteurs, dont l’ancien dirigeant de la Caisse de dépôt et placement du Québec Henri-Paul Rousseau, la BN a joué un rôle dans l’Accord de Montréal qui a mené à une restructuration du PCAA.
« Notre perception était que la majorité du papier était de bonne qualité. Le problème est qu’il y avait des actifs de 10 ans qui étaient financés avec du papier de 3 mois. Un classique. On a converti du papier de 3 mois en du papier de 10 ans », explique Louis Vachon. La restructuration a permis de préserver 95,6% de la valeur économique du PCAA.
La BN « a récupéré une grande partie de ses billes », mais a engagé d’autres coûts afin de protéger ses clients, notamment en rachetant les titres aux petits porteurs, et d’aider ses clients commerciaux et d’affaires qui avaient du PCAA en leur donnant des liquidités.
Par ailleurs, Louis Vachon se félicite de la participation de la BN à l’achat du Groupe TMX par le consortium canadien Maple en 2012, ce qui a bloqué le projet de fusion avec le groupe London Stock Exchange (LSE). « La décision stratégique a été complètement validée au cours des 10 dernières années. Le LSE a tellement fait une mauvaise job à gérer la Bourse de Milan, en Italie, qu’il l’a vendue », lance-t-il.
Selon lui, le fait qu’on garde le siège social du TMX au Canada est « une très bonne décision », ce que confirme par ailleurs sa bonne performance financière.
La création de la division internationale de la Banque au milieu des années 2010 est un legs de sa présidence. Il qualifie d’ailleurs de « coup de circuit financier »ses investissements dans la société américaine de financement spécialisé Credigy ainsi que dans l’institution financière Advanced Bank of Asia, établie au Cambodge. La BN s’est jointe à l’actionnariat de cette dernière en 2014, pour progressivement augmenter sa participation au fil des ans, jusqu’à en prendre le contrôle en mai 2016. En décembre 2020, la BN haussait à 100 % sa participation dans Credigy, qui s’adresse aux entreprises de technologie financière (fintechs).
Bien que ces acquisitions se soient avérées des investissements profitables, Louis Vachon admet avoir mal communiqué sa stratégie internationale en 2015. « Ç’a créé beaucoup de confusion parmi nos investisseurs. La volatilité de notre action en 2015 et 2016, ç’a été à cause de cela [et aussi en raison de la baisse du prix du pétrole] », note-t-il.
D’ailleurs, alors qu’au premier trimestre de 2015 les prêts destinés aux producteurs et aux fournisseurs de services du secteur du pétrole et du gaz naturel représentaient 3,7 % de l’ensemble des prêts de la BN, cette proportion était de 1% à la fin de l’exercice 2021.
Louis Vachon parle de diminution contrôlée pour une transition vers les énergies renouvelables, secteur auquel la BN a accru son exposition depuis 2015.
À la défense du Québec
Sa plus grande fierté? Que la performance de la BN ait contribué en partie à une réévaluation dans l’opinion anglo-saxonne de l’économie du Québec dans les marchés financiers internationaux, « Quand je suis arrivé à la présidence, le Québec était perçu comme étant endetté, trop socialiste, ayant un agenda nationaliste et donc étant condamné à sous-performer sur le plan économique. Quinze ans plus tard, le Québec a une cote de crédit supérieure à celle de l’Ontario, une performance économique très bonne et une croissance démographique qui fait l’envie de n’importe quel pays d’Europe. »
Il tire une grande fierté du fait que ses collègues et lui ont « toujours défendu le Québec, même quand ce n’était pas à la mode », entre autres par leurs publications économiques et les conférences prononcées dans les métropoles canadiennes.
Louis Vachon le répète : il ne faut pas s’asseoir sur ses lauriers. Les récents progrès technologiques rendent certaines activités bancaires vulnérables à la fragmentation du système financier qui permet à certains petits acteurs de s’illustrer dans des niches. C’est le cas des activités de paiement et, dans une moindre mesure, de l’intermédiation du crédit.
Or, il demeure sceptique sur le fait qu’une plateforme informatique parvienne, lors d’une crise financière, à se substituer au bilan d’une banque comme outil d’intermédiation de crédit. « C’est une vision technologiste et simpliste. Gérer le bilan d’une banque est d’une grande complexité. Tu fais quoi si tous les emprunteurs veulent emprunter à cinq ans fixes et tous les épargnants veulent du taux flottant? Qui va gérer les écarts de liquidité, les écarts de risque de taux d’intérêt. Un superordinateur ? »
Moins vulnérable à une révolution technologique, le secteur de la gestion de patrimoine reste sujet à ses propres tendances en matière de fragmentation de la finance. Par exemple, Banque Nationale Réseau Indépendant (BNRI), fournisseur de services de garde de valeurs, d’exécution d’ordres et de solutions de courtage pour les firmes de gestion de patrimoine indépendantes, joue un rôle important afin de servir les nouvelles firmes de ce secteur qui ont vu le jour aux États-Unis et au Canada.
À ce chapitre, Louis Vachon défend BNRI face aux critiques de certains de ses utilisateurs : « Il y a des choses qui doivent être améliorées. L’équipe travaille très fort. Sauf que c’est facile de critiquer [BNRI], c’est le leader incontesté dans le marché. »
Avec la récente prise de contrôle de la société d’agrégation de données Flinks, la BN entend également profiter de la tendance vers le système bancaire ouvert (open banking). Alors que cette firme sert des sociétés de fintechs, Credigy peut également financer les activités de ces fintechs. « Nous, ça nous permet de bénéficier de la fragmentation de la finance et non d’en être victimes, parce qu’on offre des services à ces firmes. »
D’ailleurs, souligne Louis Vachon, s’ils continuent d’accompagner leur client dans les périodes difficiles, les conseillers ne seront jamais victimes des robots s’ils font ceci:» Garder leur client investi dans le marché durant les périodes de volatilité, pour l’empêcher de vendre au pire moment. »