Avec la hausse des rendements obligataires, une stratégie où l’assurance est utilisée à des fins d’enrichissement peut devenir davantage rentable pour certains clients. Il s’agit de la stratégie appelée rente adossée ou rente assurée. Cette dernière permet à un retraité ayant un profil d’investisseur conservateur de transformer une partie de ses actifs en revenus de retraite et, ainsi, de payer moins d’impôt, mais lui fait perdre une certaine flexibilité par rapport à son capital.
La technique est simple. Un retraité doit avoir accumulé de l’argent dans un compte non enregistré investi dans des placements de type dépôts garantis. Ainsi, ses comptes REER et CELI sont maximisés. De plus, ce client désire ne pas empiéter sur le capital non enregistré pour ne pas réduire la valeur de sa succession. Il ne reçoit donc que des revenus d’intérêt sur lesquels il paie de l’impôt.
La stratégie consiste à prendre le capital et à acheter une rente viagère, prescrite de préférence. L’impôt devra être payé sur la partie imposable. Avec le reste, le retraité souscrit une assurance vie à coût nivelé, dont les primes sont garanties, habituellement avec une police de type T-100. Le capital-décès de la police est égal au montant qu’il voulait léguer. Une fois la prime d’assurance payée, le reste du revenu provenant de la rente peut être dépensé.
La beauté de la stratégie est que le revenu disponible pour le retraité est généralement supérieur à celui qu’il reçoit après impôt des intérêts sur son capital non enregistré, alors que la valeur successorale reste intacte. Toutefois, ce genre de « dépôt » devient non rachetable avant le décès.
Le rendement variera en fonction du sexe de l’assuré et de son statut de fumeur. Comme la prime d’un fumeur est plus élevée que celle d’un non-fumeur, le rendement brut de la stratégie est plus élevé pour les non-fumeurs, comme l’indique d’ailleurs le cahier du congrès de l’Institut québécois de planification financière (IQPF) de novembre dernier.
Dans un contexte de faibles taux d’intérêt, il va sans dire que l’enrichissement est limité. Bien que les taux des dépôts garantis rapportent peu, les rentes viagères coûtent cher, ce qui revient à dire que, pour un même capital, le revenu de retraite est plus faible. La mise en place d’une rente adossée, dans cet environnement, est peu attrayante.
Cependant, lorsque les taux d’intérêt sont plus élevés, on peut être curieux de connaître la rentabilité de ce concept. Il faut être conscient du fait qu’un taux d’intérêt plus élevé génère une rente mensuelle plus élevée, mais également une portion imposable supérieure.
Par exemple, une simulation faite par un même assureur à 15 mois d’écart a vu le montant d’une rente grimper de 19 %. Pendant ce temps, la portion imposable de la rente passait de 6,4% à plus de 17,5 %. Alors, est-ce que ça en vaut la peine? Telle est la question, car ce qui nous intéresse, c’est le montant net qui reste dans les poches du client à la fin du mois.
La réponse est tout de même oui. On pouvait s’en douter. À un taux d’imposition théorique de 30 %, un montant de 250 000 $investi par une femme de 71 ans non-fumeuse lui aurait rapporté, en 2022, une somme additionnelle nette de 4 533 $ par année, ou 377 $par mois pour le reste de sa vie. C’est loin d’être négligeable…
Cependant, dans un contexte de hausse de taux d’intérêt, il faut aussi comprendre que la situation est généralement due à une inflation élevée. Une somme de 377 $ pour compenser une augmentation sensible de l’indice des prix à la consommation augmente le pouvoir d’achat de la cliente. Mais si cette dernière avait acheté sa rente l’an passé, elle aurait été frappée par la même inflation, ce qui rend l’achat cette année plus attrayant.
Étude de cas
Prenons un exemple pour estimer dans quelle mesure la stratégie est rentable, non pas relativement à l’année dernière, mais dans l’absolu par rapport à un dépôt garanti.
Encore avec le même assureur, disons que le client, un homme âgé de 65 ans bénéficiant de revenus de retraite de 30 000 $ (en excluant la pension de la Sécurité de la vieillesse, la PSV), garde jalousement ses dépôts garantis de 500 000 $ qui lui rapportent maintenant 4% par année (20 000 $), et que l’on désire comparer sa situation avec celle où il souscrirait une rente viagère prescrite adossée à une police d’assurance vie dont le capital-décès est de 500 000 $.
D’après mes calculs, les résultats seraient les suivants :
Sans la stratégie :
Revenu incluant PSV et intérêts sur les dépôts garantis : 57 788 $
Revenu disponible après impôts et cotisations:45 860 $
Avec la stratégie :
Montant annuel de la rente : 34 431 $
Montant imposable:8 850 $
Coût annuel de l’assurance vie : 16 027 $
Après qu’il a payé sa prime d’assurance et ses impôts, son revenu disponible grimpe à 49 352 $, soit 3 492 $ par année de plus (291 $ par mois). Évidemment, ce revenu n’est pas indexé. On ne peut donc conclure que son niveau de vie augmentera de ce montant. Mais pendant quelques années, ce sera le cas.
En traduisant ces résultats en taux effectif marginal d’imposition, on se rend compte que sa baisse de revenu imposable (revenu d’intérêt) de 11 150 $ (20 000 $ – 8 850 $) lui donne une réduction d’impôt de 31,3 % (3 492 $/11 150 $).
Combien lui faudrait-il de rendement sur un dépôt garanti pour générer un revenu disponible de 49 352 $? Réponse : 5,20 %. Pas si mal. C’est une augmentation du rendement brut de 120 points de base par rapport aux 4,0 % de revenu d’intérêt. Qui lèverait le nez là-dessus ?
Ce client devrait toutefois garder en tête que cette stratégie vient immobiliser des sommes importantes à long terme, car le capital devient disponible à une date potentiellement très éloignée. « Dans certaines situations, la prime peut également rajouter une pression sur le budget et nécessite des décaissements anticipés qui n’auraient pas été nécessaires autrement », lit-on dans le cahier de l’IQPF.
En plus de la date de décès de l’assuré qui reste inconnue, une autre inconnue s’ajoute actuellement : le moment idéal pour procéder. Difficile à déterminer, car on ne peut prévoir l’évolution des rendements obligataires. Peut-être vaut-il mieux attendre encore un peu.
Dany Provost est directeur, planification financière et optimisation fiscale, SFL Expertise