Après la peur de la mort et de la maladie, celle de manquer d’argent est la deuxième source d’anxiété. Et ça commence très tôt.
«Les parents ne réalisent pas que leurs enfants peuvent être très inquiets quand ils parlent d’argent. Certains ont peur que leurs parents en manquent», a affirmé Rose-Marie Charest, psychologue et conférencière, lors du congrès 2019 de l’Institut québécois de planification financière.
Cette crainte est extrêmement répandue parmi les personnes âgées, car plus on vit vieux, plus on risque de tomber malade et de manquer de fonds. «Et de mourir !» ajoute la psychologue. Il ne faut donc pas s’étonner que les personnes âgées soient anxieuses.
«L’anxiété a des répercussions sur les finances. Mais les finances influent beaucoup sur l’anxiété», déclare la conférencière. Une trop grande anxiété peut amener quelqu’un à prendre trop peu de risques ou à faire constamment des changements dans ses placements, ce qui ne donne pas le temps de rentabiliser l’investissement.
«Parce qu’une personne anxieuse, dès que ça baisse un peu [sur les marchés], elle vend», résume-t-elle.
Des peurs nombreuses
Parmi les émotions liées à l’argent, il ne faut jamais perdre de vue la crainte d’être humilié. Quand on demande aux gens de quoi ils ont peur s’ils manquaient d’argent, ce n’est pas de ne pas pouvoir se loger ou se nourrir. C’est d’être mal vus pour avoir perdu de l’argent.
La perte financière est d’ailleurs une importante cause de tentatives de suicide. «Pas parce que la personne a perdu son confort, mais parce qu’elle se sent humiliée d’avoir subi une perte financière», mentionne la psychologue.
«La plus grande source de stress est le sentiment de ne pas avoir de contrôle», assure-t-elle. Chez les personnes anxieuses, les dettes inquiètent, parce qu’avoir une dette, c’est laisser le contrôle à quelqu’un d’autre.
«Au Québec, en particulier, la dette a eu mauvaise presse longtemps, parce que du temps de nos grands-parents, c’était très mal vu. Pensez à Un homme et son péché : si tu avais une dette envers Séraphin, c’était fini, tu n’avais plus de liberté.»
Des signes qui ne mentent pas
Certains signes peuvent indiquer que vous faites affaire avec un client qui souffre d’anxiété, par exemple, quand vous avez le sentiment qu’il ne fait pas des choix raisonnables ou qu’il reporte toujours ses décisions.
«Certains sont tellement anxieux par rapport à l’argent qu’ils ne sont même pas au courant de leurs affaires [l’évolution de leurs placements, de leur REER, etc.], explique Rose-Marie Charest. Si le client fait de l’évitement, s’il refuse d’aller voir toutes les possibilités qui pourraient lui convenir, cela peut être dû à de l’anxiété.»
Une autre peur génératrice d’anxiété est celle de la responsabilité envers les proches, soit de ne pas arriver à répondre à leurs besoins et de ne pas pouvoir laisser assez d’argent aux enfants et petits-enfants. Cette crainte est toujours présente, même chez les personnes qui ont fini d’élever leur famille.
Que vos clients soient anxieux ou non, la menace d’une séparation peut aussi les empêcher de dormir. Pour leur faire comprendre l’importance de planifier leurs finances en fonction d’une éventuelle rupture amoureuse, vous pourriez aborder le sujet comme on le fait en assurance.
«On ne souscrit pas une assurance invalidité parce qu’on veut tomber malade. On le fait parce qu’on veut avoir l’esprit tranquille si jamais on devient malade», illustre Rose-Marie Charest.
Vous pouvez donc expliquer aux clients anxieux que vous ne planifiez pas leurs finances parce que des malheurs vont arriver, mais pour qu’ils soient tranquilles s’ils surviennent.
Bien servir un client anxieux
Voici ce que vous pouvez faire pour rassurer ce type de client et éviter qu’il ne prenne de mauvaises décisions financières.
Tentez d’abord de comprendre ce qui le rend anxieux par rapport à l’argent. Vous pourriez lui demander quelles sont ses craintes. Les réponses peuvent être aussi nombreuses qu’il y a de clients dans votre carnet d’adresses.
«Souvent, ce que la personne a en tête, c’est le pire scénario», rappelle Rose-Marie Charest. Vous pourriez alors lui décrire les différentes possibilités. Le pire scénario est loin d’être le seul !
Prenez le temps d’expliquer les choses à votre client en utilisant des termes qu’il saisit. «Plus la personne comprend, plus ça la calme. Et plus on lui donne du contrôle, moins elle est stressée», insiste la psychologue.
Faites-lui comprendre l’importance de se tenir informé sur sa situation financière. «Quand on est renseigné, on a le sentiment de s’approprier cette réalité, affirme Rose-Marie Charest. Tandis que quand on la fuit, quand on l’évite, elle nous fait peur tout le temps.»
Montrez-vous disponible et faites preuve d’ouverture à l’autre. Par exemple, vous pourriez dire à votre client : «Nous avons fait ceci, s’il y a quelque chose qui vous inquiète, rappelez-moi demain, ça me fera plaisir de vous expliquer.»
Générateur d’autocritique
«L’argent, c’est très proche de la morale, surtout quand on regarde ça du point de vue de l’impôt, déclare Rose-Marie Charest. On instaure des règles et, ensuite, vous êtes coupable de ne pas les avoir suivies. Vous allez vous sentir bien si vous respectez les règles.» C’est donc la peur de manquer à ces règles qui est anxiogène.
L’argent est aussi générateur d’autocritique : les gens ont honte d’être désorganisés et de ne pas détenir tous les documents nécessaires. «Si vous dites : « Écoutez, vous n’êtes pas la seule personne qui n’a pas tous ses papiers », déjà, vous venez de faire baisser la pression. Votre client va moins se sentir jugé.»
Enfin, la qualité de la relation avec votre client repose beaucoup sur votre capacité à tenir compte de sa personnalité, de ses besoins, de sa réalité. «Si vous faites ça, vous augmentez la valeur du service que vous lui rendez et vous augmentez la valeur de votre profession», dit la psychologue.