Invité par le cercle canadien à prononcer une allocution le 13 février dernier, Louis Morisset a évoqué brièvement son bilan, mais c’est plutôt vers l’avenir que s’est tourné l’avocat de formation, qui a discouru sur les défis qui attendent l’organisme de réglementation.
La transformation numérique en cours dans le secteur financier – qui s’est beaucoup accélérée depuis la pandémie – est une tendance lourde et un enjeu préoccupant pour le dirigeant de l’Autorité des marchés financiers (AMF), car elle présente des risques, à la fois sur le plan de la fraude et sur celui de la désinformation.
Il a brandi son téléphone à la foule, à titre d’exemple, et a rappelé combien cet outil de communication s’était transformé en un portail ouvert sur le monde disponible à toute heure du jour. « On accède aujourd’hui à une multitude de produits et services, dont une offre de plus en plus diversifiée de services financiers dont nous avons tous besoin:des services bancaires, de paiement, de courtage de valeurs mobilières, de gestion de finances personnelles, d’assurance, de comparaison de produits hypothécaires, et j’en passe. »
Force est de constater, selon lui, que le numérique est un terreau fertile pour les escroqueries. Le numéro un de l’AMF en conclut que la littéracie financière traditionnelle est aujourd’hui insuffisante et que les consommateurs doivent redoubler d’ardeur et approfondir davantage leurs connaissances.
Il a invité tous les intervenants de l’industrie financière québécoise à « tenter d’intégrer toujours plus d’éléments de littératie financière dans leurs communications avec leurs clients, spécialement les plus jeunes ».
Pour une finance durable
Si la pandémie a accéléré la transformation numérique, elle a aussi « provoqué une véritable prise de conscience de la finance durable », selon Louis Morisset, qui voit là une autre tendance lourde. À son avis, ce concept renvoie à toutes les activités financières prenant en compte les facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). « La corrélation entre la valeur à long terme d’une entreprise et la prise en compte dans ses activités des facteurs ESG fait maintenant l’objet d’un large consensus. »
Il s’est dit toutefois préoccupé par l’écoblanchiment dans un contexte où de plus en plus de fonds d’investissement arborent des étiquettes « responsables et durables ». « Les investisseurs doivent pouvoir compter sur de l’information de qualité pour prendre des décisions d’investissement éclairées. »
Les divers chapeaux de l’Autorité
En table ronde, Louis Morisset, qui a pris les rênes d’une organisation de plus de 900 employés à tout juste 40 ans, a laissé entendre que de nombreux défis attendaient son successeur, puisque le secteur financier est en constante transformation et qu’il évolue rapidement. « C’est un défi perpétuel. Il faut essayer d’évoluer à la même vitesse, ce qui n’est pas facile. On veut être dans la parade, même parfois on veut être devant. »
Il s’interroge aussi sur l’impact de l’intelligence artificielle dans le secteur financier. « Sera-t-elle utilisée de façon responsable ou soulèvera-t-elle des enjeux éthiques et discriminatoires ? On réfléchit à cela. » Il rappelle que la réglementation et les lois sont en soi imparfaites. « Des événements nous amènent fréquemment à réaliser qu’il y a des trous et que nous devons y remédier avec nos partenaires. »