Imposition des placements passifs dans une société

Tous les placements ne sont pas égaux sur le plan de la fiscalité. Il est donc crucial de ne pas négliger l’aspect fiscal lors de la composition d’un portefeuille détenu dans une société. Ainsi, le rendement net sera augmenté sans prendre de risque supplémentaire.

Contrairement au REER ou au CELI, dans lesquels la croissance du portefeuille est à l’abri de l’impôt, les revenus générés dans un portefeuille détenu dans une société sont imposés annuellement. Le taux d’imposition des revenus de placements passifs d’une société québécoise est de 50,47 %.

On distingue ainsi trois types de revenus ou gains provenant de placements passifs :

Les revenus d’intérêts : 100 % imposables. Ils proviennent généralement de placements tels que les dépôts, certificats de placement, fonds de marché monétaire, obligations ou bons du Trésor ;

Les revenus de dividendes : les dividendes sont des paiements versés par les sociétés aux actionnaires pour partager les bénéfices. Lorsque l’actionnaire est un fonds commun de placement plutôt que l’investisseur directement, le fonds attribue les dividendes à ses détenteurs d’unités.

On différenciera alors :

Les dividendes étrangers : 100 % imposables, avec une retenue à la source dans le pays de provenance ;

Les dividendes canadiens, qui bénéficient d’un traitement favorable : dans une société, ils déclencheront un impôt remboursable de 38,33 % ;

Les gains en capital, provenant de la vente de titres à profit, sont les plus avantageux avec seulement 50 % du gain imposable. La portion non imposable est incluse dans le compte de dividende en capital (CDC) et peut être distribuée libre d’impôt à l’actionnaire.

Proposition du ministère des Finances du Canada sur l’imposition des revenus passifs

Actuellement, les actionnaires de sociétés privées peuvent bénéficier d’un report d’impôts du fait que leurs revenus actifs sont imposés à des taux d’imposition inférieurs à ceux des particuliers non constitués en société. Ainsi, le revenu net d’impôts pouvant être investi dans des placements passifs peut être supérieur pour un actionnaire d’une société privée.

Dans l’énoncé original, le ministère des Finances du Canada (MFC) avait annoncé considérer plusieurs voies pour contrer cette situation, notamment :

L’élimination de l’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD), permettant un remboursement d’impôt de 30,67 % ;

L’élimination de l’inclusion de la portion non imposable du gain en capital dans le CDC lorsque le capital ayant servi au financement des placements passifs a été imposé à un taux inférieur applicable au revenu actif.

Selon le régime proposé, les calculs du MFC ont démontré que l’avantage actuel des actionnaires de sociétés privées serait annulé. Ces calculs ont été faits en prenant comme exemple un contribuable résident de l’Ontario, dont le revenu avant impôt et le capital de départ est de 100 000 $, avec un rendement annuel de 3 % sur une période de 10 ans. On peut douter que le résultat soit identique avec l’exemple d’un contribuable résident du Québec avec un taux de rendement de l’investissement différent. Étant donné que le nouveau régime sur l’imposition des revenus passifs proposé est encore à l’étude, et que les propositions législatives seront incluses dans le budget de mars 2018, nous pouvons espérer que la nouvelle approche respectera le principe d’intégration et d’équité entre les résidents des différentes provinces.

D’autre part, il a été clairement statué que ce nouveau régime fiscal ne s’appliquerait pas aux investissements actuels et aux revenus générés par ceux-ci. De plus, le nouveau régime protégera la capacité des entreprises à économiser en prévision des urgences ou à des fins d’investissements futurs, comme l’achat d’équipement, l’embauche et la formation du personnel, ou le développement des activités. En effet, le revenu généré par les investissements futurs jusqu’à concurrence de 50 000 $ sera exempté de ces nouvelles règles fiscales.

Solutions d’optimisation

En fonction des objectifs de placement, il est possible d’évaluer le traitement fiscal de chacun des revenus des placements sélectionnés dans la société afin de pouvoir optimiser le rendement net.

Par exemple, détenir des actions canadiennes dans une société privée permettra de bénéficier du traitement favorable des dividendes qu’elles pourraient générer et éventuellement d’un gain en capital.

Détenir des actions étrangères dans une société impliquera un impôt maximum sur les dividendes, avec une retenue à la source. Le type d’actions choisies aura alors son importance : des actions de croissance versant peu de dividendes éviteraient cet impôt défavorable.

Des stratégies alternatives, comme l’utilisation de certains fonds communs de placement constitués en société, peuvent permettre d’investir dans du revenu fixe ou des actions internationales tout en réduisant, selon les faits propres à chaque fonds, les revenus d’intérêts ou de dividendes étrangers imposables. La structure permet de reporter ses revenus et parfois même de les convertir en gain en capital ou en dividendes canadiens. De plus, dans une société, cette stratégie peut permettre dans certains cas d’augmenter significativement le CDC.

D’autres outils, tels que des actions privilégiées, peuvent permettre d’aller chercher un revenu sous forme de dividendes, dont le traitement fiscal est plus intéressant que celui des intérêts. Il reste important de bien prendre en compte le niveau de risque de ce type de placement pour l’utiliser de façon appropriée.

Enfin, les actions accréditives peuvent compléter le portefeuille d’un investisseur ayant une aversion plus élevée pour le risque en lui permettant d’aller chercher des crédits d’impôt supplémentaires.

Considérations importantes

Outre les enjeux fiscaux, il faut tenir compte d’autres critères pour décider de la détention de placements passifs dans une société privée :

Le patrimoine distinct de la société permet de protéger les actifs, alors que les placements détenus personnellement ne sont pas à l’abri des créanciers de l’investisseur ;

Une société a une durée de vie illimitée jusqu’à sa dissolution ;

La capacité et les outils de financement sont généralement plus favorables à une société ;

Une stratégie de fractionnement du revenu peut être élaborée avec une société sous réserve des nouvelles règles ;

La création d’une société implique des coûts de constitution et de conformité ainsi qu’un minimum de structure organisée incluant du personnel administratif.

Choisir de détenir des placements passifs par l’intermédiaire d’une société ou personnellement n’est pas une décision simple. Les mesures fiscales envisagées par le MFC ne faciliteront pas la tâche, et avant de prendre cette décision, il faut réfléchir à différents facteurs. Pour cette raison, il est toujours préférable de consulter un professionnel afin de s’assurer que la stratégie d’investissement répond aux besoins financiers et fiscaux.

Merci à Christophe Guendaz pour son étroite collaboration à cet article.