La question de la planification successorale peut parfois sembler annexe à vos clients, mais elle requiert plusieurs étapes essentielles et longues à mettre en place. Selon les deux experts interrogés, il est important de l’aborder rapidement et de se mettre en contact avec les enfants des clients pour assurer la continuité dans la gestion de leur portefeuille.
Comme entrée en matière, Francis Sabourin, directeur, Gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille chez Richardson GMP, pose la question suivante à ses clients : «Si vous décédiez demain matin, qu’est-ce qu’il faudrait qu’il se passe pour que vous ayez une mort heureuse ?»
Francis Sabourin part de cette base pour planifier leur succession. «Le but, c’est de préparer le terrain et de prendre le temps de le faire, parce qu’une mort subite est toujours possible.»
Aux clients qui s’inquiètent du coût d’une telle préparation, il rappelle que «ce n’est pas une dépense, mais un investissement», car cela va permettre de «prévenir les problèmes».
S’assurer de l’intérêt et de la capacité des héritiers
Évidemment, la question de la planification successorale ne concerne pas uniquement vos clients, mais aussi leurs héritiers. Selon Francis Sabourin, il est important de connaître les enfants de vos clients, particulièrement lorsque ceux-ci possèdent de relativement grosses fortunes.
«Sont-ils aptes à recevoir ces transferts ? Sinon, il vaut mieux les protéger, par exemple suggérer de les mettre en fiducie, prévoir le versement d’un revenu annuel, ou même les donner à des oeuvres de charité pour éviter que ce ne soit mal dépensé», estime-t-il.
La question du transfert de richesse est encore plus délicate lorsqu’il implique un transfert d’entreprise. Selon Francis Sabourin, il faut s’assurer de l’intérêt des enfants. «Parfois, les enfants ont vu tous les problèmes que les parents ont vécus dans leur entreprise et ils ne veulent pas les revivre. Cela suscite beaucoup de discussions, et c’est sain.»
Il est également important de s’assurer de la capacité de la jeune génération à reprendre l’entreprise, sinon cela pourrait virer au «cauchemar», affirme le gestionnaire de portefeuille, qui est aussi planificateur financier.
Il rappelle que différents scénarios pourraient être mis en place, comme céder seulement une partie de l’entreprise aux enfants et une autre au concurrent, ou tout simplement vendre l’entreprise.
Tisser un lien avec les héritiers
Pour Jacques Maurice, conseiller principal en gestion de patrimoine et administrateur chez ScotiaMcLeod, le plus gros défi des gestionnaires de portefeuille, c’est de bien connaître les enfants de la famille pour assurer une continuité dans la gestion de portefeuille et prévenir les mauvaises surprises au moment de la succession.
«S’il arrive quelque chose au propriétaire du compte, bien souvent, parce qu’on ne connaît pas assez les héritiers, le portefeuille va changer d’institution financière. C’est extrêmement important de mettre les enfants dans l’équation, car ce sont les prochains héritiers», explique-t-il.
Il affirme qu’il est donc plus que souhaitable d’inclure les enfants dans les révisions de portefeuille en suggérant aux parents d’organiser des rencontres. «Tous les moyens sont bons [pour les connaître], c’est juste une question de créativité», affirme-t-il.
Les membres du Groupe Jacques Maurice ont recours à plusieurs stratégies pour mieux connaître les autres membres de la famille. Par exemple, chaque été, ils proposent aux enfants de leurs clients âgés de 16 à 19 ans de venir passer d’une à trois semaines dans leur cabinet.
«Il y a 22 personnes qui travaillent au bureau et l’été, il y a toujours des gens en vacances et des bureaux libres. Donc, on a constamment de deux à quatre enfants qui se joignent à notre groupe pour une période d’une ou deux semaines», raconte Jacques Maurice.
Cette expérience permet de les sensibiliser au travail du cabinet et de les familiariser avec le milieu des placements, tout en se rapprochant personnellement d’eux.
«Généralement, quand les enfants vous connaissent et que les parents ont été très contents de l’administration de leurs affaires, les enfants vont continuer d’être avec vous quand ils vont hériter», conclut-il.