Dans le monde de la fiscalité, le volet international constitue un monde en lui-même. Si votre client a des enjeux sur ce plan, il faut le référer à un spécialiste de ce domaine. Si possible, un spécialiste du pays en question. Un fiscaliste «international» qui fait surtout de la fiscalité américaine pourrait n’être d’aucune utilité dans un dossier de fiscalité franco-canadienne par exemple.
Cela dit, il est bon d’avoir des connaissances de base afin d’être en mesure de donner des grandes lignes à son client. Le but de cet article est justement de définir quelques-unes de ces grandes lignes.
Les premières règles qu’il faut connaître sont celles relatives à la résidence fiscale. Sans entrer dans les détails, il faut savoir qu’un contribuable qui est résident fiscal canadien paiera de l’impôt sur son revenu mondial, et l’impôt qu’il paie possiblement dans un autre pays lui donnera un crédit au Canada. Si un contribuable n’est pas un résident fiscal canadien, il sera souvent assujetti à un taux d’imposition fédéral de 25 % sur les revenus qu’il a gagnés en territoire canadien.
En vertu des différentes conventions fiscales auxquelles le Canada a adhéré, un contribuable sera généralement considéré comme résident fiscal canadien si, dans les faits, son principal lieu de résidence est le Canada. En effet, même si, selon la loi canadienne, une personne n’ayant pas quitté définitivement le Canada reste une résidente canadienne, la loi d’un autre pays pourrait aussi la considérer comme résidente fiscale. Comme on ne peut avoir deux résidences fiscales simultanément, on se réfère à la convention entre les deux pays. Cette convention tranchera quel pays sera le «vainqueur», et le critère le plus important est souvent le lieu de résidence principale dans les faits.
Ainsi, si un client quitte définitivement le Canada sans l’intention d’y revenir, il sera généralement considéré comme un non-résident à compter de la date de son départ. À ce moment, plusieurs impacts se font sentir.
Coûteux changement de résidence fiscale
La règle générale veut qu’un particulier émigrant dispose de tous ses biens, sauf quelques exceptions. Autrement dit, pour la plupart des biens, le gain latent est imposé. L’alinéa 128(4)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu nous indique les exceptions suivantes :
Les biens immeubles situés au Canada, avoirs miniers, avoirs forestiers ;
Les actifs d’entreprise (immobilisations et inventaire) ;
Pour une personne n’ayant pas résidé plus de 60 mois au cours des 10 années précédant l’émigration, les biens détenus à son arrivée au Canada de même que ses biens reçus en héritage par legs ;
Les biens faisant l’objet d’un choix de la part d’une personne redevenant un résident canadien. Ce choix annule rétroactivement les impacts fiscaux de l’émigration ;
Finalement – la partie qui touche probablement le plus grand nombre de personnes – les droits, participations ou intérêts exclus. Ces éléments incluent plusieurs choses, notamment les régimes enregistrés, régime enregistré d’épargne-retraite (REER), fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), régimes de pension agréés (RPA), régime volontaire d’épargne-retraite (RVER), régime de participation différée aux bénéfices (RPDB), régime enregistré d’épargne-études (REEE), régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI), compte d’épargne libre d’impôt (CELI), les régimes de participation des employés aux bénéfices (RPEB), les conventions de retraite, les fiducies de soins de santé au bénéfice des employés (FSSBE), les allocations de retraite, les contrats de rente, les participations dans des fiducies personnelles qui n’ont pas été acquises moyennant une contrepartie, et les polices d’assurance vie, sauf la partie relative à un fonds réservé.
Par conséquent, à moins que le contribuable ne fasse le choix contraire, toutes ces exceptions font en sorte que l’impôt n’est payable que lorsque des revenus sont touchés par le particulier. Comme nous l’avons vu, ces revenus sont généralement assujettis à un taux de 25 % au fédéral. Attention au CELI, car il n’est pas reconnu comme un «régime de retraite» par la fiscalité américaine et ses gains sont imposables annuellement. À noter que cet impôt, dont le taux peut être inférieur, n’existe pas aux fins de l’impôt du Québec.
Les conséquences fiscales sont donc inévitables dans le cas d’actions de sociétés de portefeuille ou de sociétés opérantes. Si votre client est en affaires, il devra payer un impôt au moment de son émigration à moins qu’il ne fournisse des garanties jugées acceptables par les autorités. Il faut également voir à ce que le compte de dividendes en capital (CDC) soit épuisé avant d’émigrer, car le CDC n’est probablement pas reconnu par le pays d’accueil. Pour ce faire, la société par actions ayant un CDC peut verser un dividende en capital à son actionnaire, lequel n’entraîne pas de conséquence fiscale.
Pour ce qui est des actions cotées en Bourse ou des fonds communs de placement dans les portefeuilles non enregistrés, il y a présomption de disposition lors de l’émigration. Ainsi, le client devra s’attendre à une facture fiscale variant en fonction du gain en capital latent de ces titres. Par la suite, les revenus en découlant ne seront pas imposés au Canada à moins que le contribuable ne fasse le choix de considérer ces biens comme des «biens canadiens imposables», auquel cas, c’est l’impôt de 25 % qui s’appliquerait.
On comprend que des stratégies doivent être mises en place lorsqu’un client quitte le pays, particulièrement lorsque celui-ci a des actifs importants. La chose importante à retenir : consultez un spécialiste !
* Directeur, planification financière et fiscale, Centre financier SFL, Cité de Montcalm