An-Lap Vo-Dignard n’exerçait que depuis peu de temps sa profession lorsqu’il a subi sa première récession. Aujourd’hui premier vice-président, conseiller en placement, gestionnaire de portefeuille et spécialiste en investissement responsable à la Financière Banque Nationale, il était alors depuis moins de cinq ans dans l’industrie et depuis deux ans à la Banque Nationale.
Pourtant, il a su se méfier de la bulle technologique. Alors que certains collègues plus âgés plaçaient une bonne partie de leur portefeuille dans les titres technologiques, An-Lap Vo-Dignard cherchait la diversification.
«J’ai misé sur la diversification dès le début. Pourquoi ? Peut-être que c’est dans ma personnalité. J’aime toucher à tout, confie-t-il. Et dans un portefeuille bien diversifié, même si on a des titres en technologie et que ça va moins bien, si on a un dosage raisonnable, ce n’est pas l’hécatombe.»
Il n’a jamais permis à ses clients de mettre plus de 40 % de leur portefeuille dans la technologie et il n’a pas hésité à refuser les clients qui le poussaient à prendre davantage de risques. «Des fois, c’est notre rôle de dire non. Et j’ai revu ces clients par la suite», explique-t-il.
Au début des années 2000, il avoue qu’il n’était pas évident d’expliquer au client pourquoi il ne voulait pas miser davantage sur la technologie. «Il y a quand même un coût à la diversification, précise An-Lap Vo-Dignard. Mais nous, on dit toujours qu’on est là pour faire de l’investissement et pas de la spéculation !»
L’éducation, une valeur essentielle
Fils d’une enseignante, An-Lap Vo-Dignard considère l’éducation comme essentielle également dans le domaine financier. Lui-même se fait un point d’honneur de simplifier les concepts théoriques pour les clients, car il est convaincu qu’avec une plus grande littératie financière, ils risqueront moins de se retirer des marchés au mauvais moment.
Pour faire comprendre son point de vue, ce gestionnaire de portefeuille s’appuie sur des explications simples et imagées. «C’est de l’investissement que d’éduquer ses clients, car ça prend beaucoup de temps. Mais lorsqu’il y a des baisses [dans le marché], ils comprennent mieux et ils ne vendent pas leurs titres quand c’est au plus bas», affirme An-Lap Vo-Dignard.
Bien évaluer la tolérance au risque
L’une des choses primordiales est d’avoir des portefeuilles en ligne avec la tolérance au risque du client, souligne le conseiller en placement. C’est là que l’éducation est particulièrement importante. Lui-même aime «vacciner» ses clients contre les pires scénarios.
«On n’essaye pas de vendre un portefeuille au client en lui disant qu’il va faire de bons rendements, on fait l’inverse. On lui demande comment il réagira s’il arrive un -30 % sur les marchés et que son million devient 700 000 $», explique-t-il.
An-Lap Vo-Dignard s’assure de bien parler en dollars et non en pourcentages afin d’avoir un plus grand impact et se faire mieux comprendre. Cela permet, selon lui, d’avoir des portefeuilles réellement conformes à la tolérance du client.
Lui-même ne comprend pas les conseillers qui poussent leurs clients à prendre davantage de risques pour faire de meilleurs rendements. À cause de cela, les clients pourraient être moins disciplinés en cas de baisse des marchés et risquent de faire l’inverse de ce qui devrait être fait, autrement dit vendre quand le marché est au plus bas.
An-Lap Vo-Dignard affirme que cette évaluation devrait être faite régulièrement, car la vie des gens change, et à chaque événement – naissance, mort, mariage, retraite – il est bon de réviser cette évaluation. Son équipe et lui font remplir le questionnaire à leurs clients tous les trois ans.
Faire participer le client
Un autre point essentiel est de faire participer le client à chaque décision. «La gestion de portefeuille est une responsabilité commune, selon moi», déclare-t-il. Il compare la relation liant un client à son gestionnaire de portefeuille à celle entre un entraîneur et son client.
«Si j’ai un coach, mais que je ne m’entraîne pas fort et que je mange des frites et du dessert, c’est sûr que les résultats ne seront pas satisfaisants. C’est la même chose en finance», assure-t-il.
Il n’hésite pas ainsi à laisser le client gérer une petite partie de son argent tout seul, quitte à ce qu’il se trompe. De temps en temps, comme avec un entraîneur, un client triche, mais il est important qu’il fasse des expériences, par exemple investir dans le bitcoin ou la marijuana. Selon An-Lap Vo-Dignard, c’est sain, car si un gestionnaire refuse systématiquement les demandes de ses clients, ceux-ci deviendront frustrés et soit ils partiront, soit ils ne l’écouteront plus.
«On veut vraiment éduquer pleinement le client et le faire participer à la prise de décision, parce qu’on travaille ensemble. C’est un partenariat», ajoute-t-il.
Pour toutes ces raisons, An-Lap Vo-Dignard estime qu’il est important d’être proche de ses clients, particulièrement en période de crise. Même si ses portefeuilles ont bien performé lors de l’éclatement de la bulle technologique, les clients étaient stressés et posaient beaucoup de questions. Il était là pour eux. Il a ainsi envoyé nombre de communications et s’est investi dans les rencontres clients.
Grâce à sa gestion de portefeuille humaine et diversifiée, An-Lap Vo-Dignard a réussi à garder ses clients et à bien s’en tirer pendant les deux dernières crises financières. Celles-ci lui ont même été bénéfiques, car il a pu aller chercher beaucoup de nouveaux clients.
Encore aujourd’hui, ses valeurs sont restées les mêmes. Son équipe et lui misent largement sur la diversification et la protection du capital. Le fonds privé Opus qu’ils gèrent est un bon exemple : ce fonds équilibré génère 16 % de profits avec seulement 50 % d’actions.